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Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou.” De Saint Luc

Extrait des Evangiles

 

Une instruction ministérielle n°DGOS/PF1/DGFIP/CL1C/CL2A/2014/363 du 22 décembre vient consacrer le dispositif d’accompagnement des établissements publics de santé dans la sécurisation de leurs prêts structurés dont le principe avait été entériné lors du Conseil des Ministres du 23 avril 2014.

La mise en place de ce dispositif n’est sans doute pas étrangère à la mobilisation des hospitaliers et en particulier de la Fédération Hospitalière de France qui se sont émus à juste titre de la création d’un « fonds de soutien » réservé aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risque (article 92 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 complété par le Décret du 29 avril 2014) alors même que les hôpitaux se trouvaient confrontés de manière au moins aussi sensible aux effets dévastateurs des emprunts « toxiques ».

Si ce dispositif présente de larges similitudes avec celui du fonds de soutien aux collectivités territoriales, nous verrons qu’il s’en distingue tant par sa nature, que par son champ d’intervention et  par les concessions que ses créateurs n’ont, eux, pas manqué semble-t-il d’exiger des banques qui ont commercialisé ces produits à risques.

Nous nous proposons ici de procéder à une lecture commentée et critique de l’instruction.

Notons en premier lieu qu’à la différence du fonds de soutien qui a nécessité une loi pour le créer et le doter (à concurrence de 100 millions d’euros par an pour une durée maximale de 15 ans, soit un montant total maximum de 1, 5 milliards d’euros), il a suffi ici d’une simple instruction interministérielle sans valeur réglementaire pour organiser ce dispositif.

Les aides seront versées par arrêtés modificatifs des dotations régionales FIR[1] et MIGAC[2]. En d’autres termes aucun financement ad hoc n’est mobilisé, l’enveloppe de 100 millions d’euros (en tout et pour tout) annoncée sera prélevée sur les fonds de l’Assurance maladie.

 

 

1-      Le champ d’application

 

Le montant extrêmement limité de l’aide rapporté à l’ampleur du problème (plus de 1,5 milliards d’emprunts structurés sensibles contractés par les hôpitaux) a conduit les pouvoirs publics à privilégier les établissements les plus exposés plutôt que d’opter pour la technique du « saupoudrage ».

Le degré d’exposition s’apprécie au regard de deux critères : la taille budgétaire de l’établissement et la dangerosité du contrat.

– Les établissements de santé éligibles

Sont exclus du champ : les établissements de santé privés commerciaux comme à but non lucratifs (cliniques, Fondations, centres de lutte contre le cancer, …) ainsi que les structures de coopération (Groupement de coopération sanitaire, syndicat interhospitalier, …) alors même que certains ont souscrits des produits structurés et parmi les plus risqués.

Ce traitement différencié – aussi injuste puisse-t-il apparaître-  s’explique sans doute par la typicité de la situation des établissements publics de santé qui est sans commune mesure avec celle des catégories visées ci-avant qui n’ont que peu de produits de cette sorte dans leur encours hormis quelques cas spécifiques.

En outre, la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public qui a fait tant couler d’encre ( voir nos articles http://www.houdart.org/blog ;), loi à portée rétroactive qui a pour effet de priver les emprunteurs d’un moyen leur permettant d’obtenir la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel et partant d’éliminer définitivement le risque inhérent aux produits structurés n’est pas opposable aux structures de droit privé…qui gardent du moins en principe l’intégralité de leur pouvoir de contestation devant le Juge civil.

Cependant tous les établissements publics ne sont pas concernés par le Dispositif : seuls sont éligibles ceux dont le total des produits (sommes des soldes créditeurs- sommes des soldes débiteurs des comptes de la classe 7 des comptes de résultat principal et annexes) est inférieur à 100 millions d’euros. Sont de fait exclus les CHU, les Centres Hospitaliers régionaux et les centres hospitaliers généraux les plus importants. 

Il s’agit de venir en aide aux établissements pas nécessairement les plus endettés mais ceux considérés comme les plus fragiles en regard de leur surface financière.

– Les contrats éligibles

Quand sont déclarés éligibles au fonds de soutien les contrats de prêt structurés non seulement classés hors Charte ( 6 F) mais aussi ceux classés 3E, 4E, ou 5 E dans la classification dite « Gissler », le dispositif ne fait entrer dans son champ d’application que les contrats « hors Charte », à savoir ceux dont les taux évolueraient en fonction des index suivants :

–          les références à des indices relatifs aux matières premières, aux marchés d’actions ou à tout autre instrument incluant des actions ;

–          les références aux indices propriétaires non strictement adossés aux indices autorisés par la Charte, aux indices de crédits ou aux événements de défauts d’émetteurs obligataires, ou encore à la valeur de fonds ou à la performance de fonds ;

–          les références à la valeur relative de devises quel que soit le nombre de monnaies concerné.

–          les références aux indices cotés sur les places financières hors des pays membres de l’OCDE,

et ceux dont la structure comporterait un coefficient multiplicateur supérieur à 5 ou dont le taux payé à chaque échéance serait déterminé sur la base d’une incrémentation cumulative par rapport au taux de la ou des échéances précédentes (produits à effet cumulatif).

En pratique cela concerne essentiellement les prêts structurés dont le taux est indexé sur un ou plusieurs taux de change ( au premier rang desquels le tristement célèbre EUR/CHF) et/ou ceux dont la formule d’indexation consiste en la multiplication d’un indice ou d’une formule par un coefficient supérieur à 5 (sans que le taux ne soit capé). 

L’objectif est bien de supprimer de l’encours d’hôpitaux de petite ou moyenne taille des produits à très hauts risques susceptibles de plonger ces établissements dans un gouffre financier sans fond.

Sont en revanche exclus du dispositif les contrats de prêt dont le capital est libellé en devise étrangère.

Sont par ailleurs éligibles les contrats financiers hors Charte souscrits avant ou après la première échéance du contrat de prêt auquel ils sont liés et qui sont très généralement des swaps ou « swaptions » structurés comportant des formules analogues à celles des prêts hors charte. A la différence du fonds de soutien, il n’est pas exigé que les contrats financiers concernés aient été conclus avant la première échéance des contrats de prêt auxquels ils se rattachent, ni auprès de la même banque que la banque prêteuse.

Il est en outre précisé que les contrats visés doivent être en cours d’amortissement au 31.12.2014 et par conséquent avoir quitté la phase de mobilisation.

L’Instruction  reconnaît enfin l’éligibilité des «  (…)contrats de prêt hors charte ayant fait l’objet d’une opération de sécurisation avant le 31.12.2014 mais dont la date d’effet intervient après le 01.01.2015, (…) »

L’instruction laisse certains points dans l’ombre :

Doit-on supposer que les contrats de prêt éligibles au départ mais ayant fait l’objet d’une sécurisation définitive ne seront pas éligibles car du fait même de leur sécurisation ils auront cessé d’être hors charte ?

Quid de ceux en phase de sécurisation temporaire ?  Pour ceux-là le risque de taux demeure une fois passée la phase de sécurisation et ils devraient à ce titre être considérés comme éligibles mais comment articulera-t-on les dispositions de l’accord qui sera en principe intervenu entre l’établissement et l’organisme bancaire pour cette sécurisation et le nouvel accord entre les parties qui est exigé pour pouvoir bénéficier du fonds ?

Faut-il par ailleurs comprendre que ceux dont la prise d’effets de la sécurisation même temporaire serait intervenue avant le 31.1.2014  ne seraient pas éligibles ?

 

 

2-      La procédure

 

Etape 1 : la validation de l’éligibilité des établissements et des contrats doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la transmission de l’instruction.

Cette phase repose sur un travail collaboratif entre La Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) (Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes) et les Agences régionales de santé (ARS) qui va aboutir à une pré-sélection des dossiers.

La DGOS adresse dans le délai d’une semaine aux ARS une liste provisoire des contrats éligibles précisant pour chacun le numéro Finess de l’établissement, son nom, le capital restant dû au 31.12.2013 et l’établissement de crédit. 

Il appartient aux ARS dans un délai de deux semaines de valider la liste et le cas échéant l’actualiser. Ainsi les ARS pourront par exemple ajouter ou supprimer des contrats qui auraient fait l’objet d’une opération de désensibilisation durant l’exercice 2014 à condition que la date d’effet soit intervenue avant le 01.01.2015 ( voir réflexion supra).

 En l’absence d’observation de la  DGOS dans le délai d’une semaine à la liste proposée par les ARS, les contrats visés sont réputés éligibles au Dispositif et manifestement seuls ces contrats le sont. De fait si pour une raison ou une autre les enquêtes nationales ou régionales ont recensé imparfaitement les contrats structurés souscrits par les établissements publics de santé, certains contrats éligibles en regard des critères retenus pourraient être écartés. On ne peut donc que recommander aux établissements ayant dans leurs encours des prêts éligibles de vérifier auprès de leur ARS que celle-ci dispose bien d’une information exacte et complète sur ceux-ci afin de s’assurer que la révision de la liste soumise par la DGOS se fera avec les bonnes données.

 

Etape 2 : Dépôt de la demande d’aide

Les Directeurs des établissements concernés dûment informés par leur ARS disposent d’un mois à compter de la notification de la confirmation de l’éligibilité au dispositif pour déposer un dossier de  demande auprès du Directeur général de l’ARS.

La demande peut porter sur un ou plusieurs contrats dès lors qu’ils sont admis comme éligibles. 

Il convient d’être particulièrement vigilant sur la complétude du dossier qui doit être déposé.

On remarquera que la constitution du dossier suppose que l’hôpital se soit préalablement rapproché de l’organisme bancaire et qu’il ait entamé une phase de négociation. En effet l’Instruction expose dans la partie consacrée au contexte et enjeux : « le dispositif a pour objectif de soutenir les établissements, qui ne pourraient le faire sans aide, à réduire au mieux le risque de taux auquel est exposé leur encours de dette. Cette aide constituera le dernier jalon d’une démarche engagée par l’établissement avec ses partenaires bancaires et l’ARS pour sécuriser sa dette ». 

Ce qui suppose en particulier dans l’hypothèse d’un contentieux en cours une démarche réfléchie et encadrée pour éviter que l’entrée en pourparlers et les échanges auxquels donneront ces pourparlers puissent nuire aux intérêts de l’établissement concerné et, en cas d’échec affaiblissent sa position (voir ci-après).

Pour chaque contrat d’emprunt ou contrat financier concerné, la demande d’aide financière comporte obligatoirement :

  •  Le contrat faisant l’objet de la demande, les éventuels avenants à ce contrat et les tableaux d’amortissement correspondants ;
  •  L’avis de l’établissement de crédit sur l’éligibilité du contrat au dispositif suivant les critères mentionnés au 2.2. ;

En regard de la procédure de validation décrite supra, on comprend mal l’intérêt de recueillir l’avis de la banque…Et d’ailleurs quid si son avis contredit celui des pouvoirs publics ?

  • Le montant exact de l’indemnité de remboursement anticipé (IRA) demandée par l’établissement de crédit pour chaque contrat de prêt ou contrat financier :

– si le remboursement anticipé était intervenu le 31 décembre 2013 ;

– et si le remboursement était intervenu le 31 décembre 2014.

 

Il est essentiel que le « montant exact » fixé par la banque puisse être soigneusement vérifié non seulement par l’établissement public de santé mais aussi par les pouvoirs publics chargés de l’instruction des demandes d’aide (services de la DGOS).

 

D’une part parce que le délai séparant l’envoi du dossier de la communication de la décision d’octroi  (6 mois),  peut avoir pour effet de conduire la banque  à majorer ce montant pour  conserver une « marge de sécurité » dans l’éventualité d’une dégradation des conditions de marché sur la période.

D’autre part, parce que les textes jusqu’ici publiés ne donnent aucune indication sur la méthode de calcul de ces indemnités.

Or si celles-ci devraient en principe être évaluées en application des dispositions contractuelles y applicables, la pratique révèle pour les prêts structurés (c’est moins vrai pour les instruments financiers éligibles),  que non seulement les dispositions des contrats concernés laissent de facto de larges marges de manœuvre à la banque,  mais aussi que les banques concernées s’efforcent le plus souvent d’imposer un mode d’évaluation « dérogatoire » aux dispositions du contrat sans fournir aucune explication sur le pourquoi ni le comment de la « dérogation » qu’elles cherchent ainsi à imposer à leurs clients.

Ces derniers n’ont ainsi aucune garantie d’un traitement loyal et transparent de la part de leur banque, et ceci d’autant moins que l’évaluation d’une IRA n’est pas une science exacte, et qu’il sera toujours possible à la banque d’exciper de l’évolution des conditions de marché ou de l’absence de liquidité des instruments concernés pour justifier du montant réclamé.

Pire on peut même s’attendre à ce que les contreparties des banques soient particulièrement désireuses de réduire leur exposition sur des banques telles que DEXIA et SFIL/CAFFIL et qu’elles acceptent de consentir des rabais que celles-ci « oublieront » de répercuter à leurs clients en demandant à ces derniers un montant supérieur au coût réel pour la banque de la résiliation des instruments financiers concernés. Les emprunteurs devront donc être très attentifs et a minima exiger que l’IRA soit évaluée et réclamée au « prix coûtant » de la résiliation du contrat pour la banque.

Il serait particulièrement choquant qu’un contrôle déficient ou a fortiori complaisant des pouvoirs publics puisse permettre aux banques-sur lesquelles pèsent des présomptions de méconnaissance systématique de leurs obligations au moment de la conclusion et de l’exécution des contrats toxiques dont les hôpitaux doivent sortir aujourd’hui à si grands frais- de profiter d’un tel effet d’aubaine en reconstituant leurs marges à l’occasion de ces remboursements anticipés facilités par l’octroi d’aides publiques.

Il est donc primordial que les banques agissent cette fois en toute transparence et avec loyauté et fournisse tous les éléments indispensables à la vérification des évaluations des IRA (méthodologie employée, paramètres utilisés, identité et cotations des contreparties, …).

L’argent public n’a pas éternellement itérativement à subvenir aux besoins d’organismes bancaires en difficultés.

Par ailleurs, quid du différentiel entre le montant d’indemnité de remboursement anticipé qui va servir à fixer le niveau de l’aide ( qui devrait  résulter de la combinaison d’un montant d’IRA au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014),  montant qui pourrait être qualifié de « théorique »,  et le montant de l’IRA qui devra être versé in fine par l’hôpital au jour du remboursement anticipé par le bénéficiaire de l’aide et qui sera fixé par topage avec la salle des marchés ?

Dans l’hypothèse d’une augmentation de l’IRA, du fait de l’évolution des conditions de marché le différentiel sera-t-il alors à la charge exclusive de l’établissement public ? Ce qui aurait pour conséquence de baisser mécaniquement le niveau pris en charge réel par le dispositif…

  • Une offre détaillée de l’établissement de crédit pour sécuriser le contrat en cause ; cette offre devra respecter les critères suivants :

– Transformation en taux fixe ou taux variable simple (contrat de prêt classé 1A au tableau des risques de la Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales (voir annexe 1)) de toutes les échéances du prêt ; les offres prévoyant la sécurisation de quelques échéances, dites de sécurisation temporaire, ne seront pas examinées ; 

L’objectif du Dispositif est donc bien la sécurisation définitive des contrats de prêts et contrats financiers éligibles. Par conséquent s’impose la résiliation du contrat structuré et sa « transformation » pour toute la durée résiduelle en contrat à taux fixe ou taux variable. A l’inverse du fonds de soutien, il n’est pas envisagé que l’aide octroyée puisse couvrir même pendant une durée limitée une part de la charge d’intérêts dus au titre du contrat structuré.

Certes,  ce parti pris présente l’avantage de régler et définitivement le problème posé par des produits aussi risqués. Cependant dans certains cas, il s’avérera que la solution de « sortie » immédiate via un remboursement anticipé s’avérera, compte tenu du coût financier des emprunts de refinancement, (qui devront intégrer les IRA et préfinancer le cas échéant les subventions du dispositif) et des conditions de marché actuellement très défavorables pour certains types d’emprunts notamment les contrats indexés sur l’EUR/CHF, extrêmement onéreuse.

– Nature et quantum, avec le détail de son calcul, de la concession faite par l’établissement de crédit (par exemple mention de la part de l’IRA prise en charge par l’établissement de crédit) ; 

Il s’agit là d’une avancée notable et particulièrement heureuse par rapport aux dispositions du fonds de soutien qui n’évoquent rien de tel. Le principe est en effet posé : les pouvoirs publics attendent des banques qu’elles fassent de réelles concessions et ne se contentent pas de présenter à leurs clients la facture de produits qu’elles n’auraient jamais dû commercialiser et a fortiori de la façon dont elles l’ont fait. Ce n’est certes pas par hasard qu’il est ajouté à titre d’exemple la part de l’IRA prise en charge par la banque.

 

Vœu pieux ou réelle intention des pouvoirs publics de contraindre les banques à assumer une part de leur responsabilité dans ce sinistre financier ?

 

L’aide accordée par le dispositif devrait ainsi être complétée par une contribution spécifique des banques dans le cadre transactionnel qui pourrait se traduire en réalité par plusieurs voies complémentaires ou alternatives et notamment :

 

–          Un abandon partiel des sommes dues au titre des indemnités de remboursement anticipé (IRA). Ce à quoi se refusent obstinément la plupart des banques et en particulier la SFIL/CAFFIL et Dexia.

–          Fixation du taux des nouveaux emprunts permettant le refinancement des opérations de crédit  et/ou des produits dérivés résiliés par anticipation et de ces indemnités «  au coût du marché » sans marge.

–          Renoncement au versement des impayés des échéances antérieures.

 

En tout état de cause, nombre d’hôpitaux dans l’hypothèse même extrêmement favorable d’un versement d’un montant d’aide maximal (soit 45% du montant de l’indemnité de remboursement anticipé (voir infra) seront de toute façon bien en peine de couvrir le reste à charge…sans contribution de l’organisme bancaire.

– Mention détaillée du paiement de l’IRA restant à la charge de l’établissement de santé de la manière suivante : part de l’IRA payée dans les conditions financières du prêt refinançant le prêt quitté, part payée dans les conditions financières d’un nouveau prêt, part payée dans les conditions financières du prêt refinançant l’IRA et part autofinancée ;

Cette mention dénote l’exigence de transparence que les pouvoirs publics tentent d’imposer aux banques. Encore faudra-t-il que les pouvoirs publics et les hospitaliers puissent disposer des moyens de vérifier les données qui seront apportées par les banques.

Nombre d’analyses réalisées par experts indépendants ont pu montrer que la valeur dégagée par les opérations de sécurisation proposées par les banques était bien supérieur au montant de l’IRA qu’elles étaient censées absorber ; ce qui permettait de conclure que les organismes bancaires jouant sur l’opacité engrangeaient de nouveau des marges conséquentes.

A cet égard, l’un des moyens d’absorber l’IRA est de contracter un nouveau prêt afin de disposer de flux nouveaux pour couvrir ses besoins d’investissements. C’est le niveau du taux appliqué supérieur au taux du marché qui permet alors de créer de la valeur (à condition que le capital contracté soit suffisant en regard du niveau de l’IRA). Bien que les taux proposés apparaissent alors supportables souvent en deçà de 4%), ils sont toutefois souvent supérieurs de 200 points de base aux taux que l’hôpital pourrait par ailleurs obtenir. Ce qui représente un surcoût indéniable sur des contrats à durée longue. Si le montant de l’IRA est dilué, ne nous y trompons pas il est toutefois intégralement versé par l’emprunteur sauf à ce que celui-ci bénéficie d’une aide du dispositif ou que la banque fasse un effort réel. 

De surcroît, cette solution n’est praticable que par un petit nombre d’établissements aux besoins d’investissement avérés et qui ne doivent pas se trouver dans une situation de surendettement.

  • Dans le cas particulier où l’hôpital détiendrait un ou plusieurs autres contrats de prêt structuré auprès du même établissement de crédit en cours d’amortissement au 31.12.2014, il peut être présenté une seconde offre de sécurisation portant à la fois sur le contrat éligible au dispositif et le(s) contrat(s) non éligible (s) ;

Il est fort probable que les banques mais également les pouvoirs publics conduisent les hôpitaux à « désensibiliser » l’ensemble de leur encours structuré. Les banques pour ainsi nettoyer leurs propres bilans et obtenir le cas échéant que le renoncement à toute action judiciaire s’étende à  l’ensemble des contrats souscrits auprès d’elles. Les pouvoirs publics pour supprimer des encours de dette des établissements publics toute trace de produits structurés dont la présence est souvent un obstacle à l’accès au crédit notamment des plus petits établissements.

Là encore, une extrême vigilance est requise. Les conditions de marché peuvent rendre très coûteuse une sécurisation définitive de produits qui somme toute ne présentent pas en l’état un risque avéré.

  • Un audit actualisé au 31.12.2014 de l’ensemble de la dette de l’établissement ;
  • Une étude comprenant :

– une courbe d’évolution des indices sous-jacents de la formule de calcul du taux d’intérêt sur les 5 dernières années et courbe des anticipations de marché pour l’ensemble des prochaines échéances du prêt ;
– un calcul du taux d’intérêt et des frais financiers à payer sur l’ensemble des prochaines échéances si les anticipations de marché précisées ci-dessus se réalisaient ;
– un tableau comparant les frais financiers calculés sur le taux d’intérêt bonifié et les taux calculés ci-dessus, pour l’ensemble des prochaines échéances ;

La réalisation de cet audit et de cette étude est essentielle puisqu’ils devraient permettre d’appréhender le niveau de risque de ces produits et la charge qu’ils font porter sur l’établissement. Ce qui suppose que nombre d’hôpitaux concernés puissent être assistés par des experts financiers et des experts en gestion de dette, en l’absence de compétence interne. Ce qui a un coût. L’Instruction ne fait mention d’aucune aide spécifique alors même que le fonds est susceptible d’accorder aux collectivités territoriales une aide spécifique d’accompagnement…

  • Un projet non signé de transaction au sens de l’article 2044 du code civil conclue avec l’établissement de crédit, portant sur le ou les contrats éligibles au dispositif, visé par les deux parties ;

S’agissant d’un projet, la transaction ne revêt pas à ce stade la signature des parties, elle n’oblige en rien. 

Toutefois, l’Instruction impose que le projet ait été visé par les deux parties. Visé ne veut sans doute pas dire approuvé ou même finalisé mais pour le moins le projet doit refléter l’état des échanges entre les deux parties,  chacune devant pouvoir exprimer des réserves. En d’autres termes, le projet d’acte communiqué ne doit pas être la résultante d’une réflexion unilatérale de l’une des parties.

Exigence qui vient en écho à la demande des pouvoirs publics exprimé dans la partie contexte et enjeux : « Il est donc attendu que les dossiers de demande d’aide qui seront remontés dans le cadre du dispositif traduisent l’aboutissement de cette démarche [engagée par l’établissement avec ses partenaires bancaires et l’ARS pour sécuriser sa dette] qui aura été conduite dans une logique de partage des responsabilités entre les différents acteurs (établissements de santé, banques et tutelles). »

L’élaboration d’un tel projet suppose que les parties aient repris langue. Des mesures prudentielles s’imposent en particulier si un litige est en cours. Les banques conduisent souvent leurs interlocuteurs pour plus de rapidité et de fluidité dans les échanges à limiter le recours aux conseils pour privilégier des contacts directs.

Dès lors ni l’existence ni le contenu de ces échanges ne sont alors confidentiels. Par conséquent, et selon la formule consacrée, tout ce que les hôpitaux pourraient écrire, dire, ou omettre, et a fortiori concéder, est et sera susceptible d’être retenu et utilisé pour contredire ou affaiblir les allégations et les prétentions formulées dans le cadre des procédure judiciaires pendantes devant les juridictions  ou à venir.

Il est en conséquence indispensable de maîtriser très attentivement le contenu des communications afin de limiter au maximum une telle  exploitation et d’être assister tout au long des négociations par ses conseils (financiers et juridiques).

Surtout, il est impératif que les établissements soient en capacité de négocier et de faire des contrepropositions.

Il ne peut être question encore une fois de laisser la main aux organismes bancaires en faisant preuve soit d’un angélisme de mauvais aloi soit d’une passivité qui n’a pas lieu d’être.

  • La valeur au 31.12.2013 et au 31.12.2014 des trois ratios relatifs à la dette visés dans l’article D. 6145-70 du code de la santé publique 
  • La part des emprunts structurés éligibles au dispositif, faisant ou non l’objet d’une demande d’aide, dans l’encours total de la dette de l’établissement de santé.

On rappellera que l’article D. 6145-70 subordonne à l’autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de la santé le recours à l’emprunt des établissements publics de santé dont la situation financière présente au moins deux des trois caractéristiques suivantes:

  • le ratio d’indépendance financière, qui résulte du rapport entre l’encours de la dette à long terme et les capitaux permanents, excède 50 % ;
  • la durée apparente de la dette excède dix ans ;
  • l’encours de la dette, rapporté au total de ses produits toutes activités confondues, est supérieur à 30 %.

Le calcul de ces ratios va permettre d’apprécier la capacité des établissements éligibles à s’endetter ; endettement imposé par le mécanisme du dispositif puisqu’il va s’agir de refinancer le prêt structuré en cours et au moins une part de l’IRA.

Mécanisme qui risque de poser des problèmes évidents pour les établissements les plus endettés et les plus fragiles financièrement qui n’auront sans doute pas la capacité de supporter un tel « surendettement » qui ne vient même pas couvrir des besoins d’investissement…

 

Etape 3 : Instruction au niveau régional (2 mois)

 

Il revient aux services de l’ARS de vérifier la complétude du dossier. Le cas échéant il peut être demandé au Directeur de l’établissement de le compléter dans les plus brefs délais.

 

Le dossier complet est transmis aux services de la Direction régionale des Finances Publiques (DRFIP) afin qu’elle produise une synthèse financière[3] (par établissement quel que soit le nombre de contrats concernés).

 

L’ARS transmet alors un dossier complet à la DGOS :

 

–          Le dossier complet de l’établissement ;

–          L’analyse financière de la DRFIP ;

–          Le dernier PGFP validé accompagné d’une note résumant les besoins annuels d’emprunts sur les cinq prochaines années ;

–          L’analyse conduite par les services financiers de l’ARS sur la situation financière de l’établissement et sa capacité à faire face à la sécurisation du prêt.

 

Nous attirons l’attention de nos lecteurs sur le fait que tous les dossiers doivent être transmis à la DGOS avant le 30 avril 2015.

 

Si l’on fait un rétro-planning strict, les dossiers devraient donc être déposés au plus tard le 28  février 2015 par les directions des établissements.

 

 

 

Etape 4 : Instruction au niveau national (4 mois)

 

Il est intéressant de souligner que la DGOS ne peut apparemment refuser l’octroi d’une aide aux dossiers qu’elle considère comme complets (on notera qu’en l’absence d’observation de la part de la DGOS dans un délai de deux semaines suivant l’envoi du dossier par l’ARS, celui-ci est réputé complet), il lui appartient exclusivement de déterminer un montant.

 

L’aide correspond à une fraction du montant de l’IRA due par l’hôpital pour chaque contrat éligible. On est en droit de comprendre que ce n’est donc pas nécessairement le montant de l’IRA global qui sera pris en considération si la banque s’engage au titre de ses concessions à prendre en charge une part de l’indemnité.

 

La fraction ne pourra dépasser 45% de cette IRA due et l’aide est de surcroît plafonnée à 5 millions d’euros.

 

Le pourcentage d’aide doit être déterminé en fonction de plusieurs critères cumulatifs dont on ignore la pondération mais qui vont pouvoir être appréciés au vu des éléments du dossier transmis par l’ARS:

 

–          Taille budgétaire de l’établissement ;

–          Le poids de l’encours de dette hors charte dans le total de l’encours de dette ;

–          Niveau d’endettement ;

–          Situation financière et capacité à faire face au surcoût financier généré par les prêts structurés classés hors charte ;

–          Besoin d’emprunts sur les prochaines années.

 

Il revient à la DHOS de notifier à chaque établissement éligible le montant de l’aide proposée par contrat, et ce au plus tard le 31 août 2015.

 

Etape 5 : Finalisation de l’accord (1, 5 mois)

 

Chaque direction d’hôpital est alors libre d’accepter ou de refuser l’aide sur chacun des contrats dans un délai de six semaines voire de contester la décision devant le Juge administratif…

 

En cas d’acceptation, le directeur de l’établissement doit faire parvenir au Directeur général de l’ARS un dossier complémentaire au plus tard le 15 octobre 2015 comprenant :

 

–          La copie de la transaction signée avec la banque ;

 

Remarquons que le versement de l’aide est subordonné au remboursement anticipé du ou des contrats éligibles concernés et à la conclusion de la transaction au sens de l’article 2044 du code civil (ce qui impose en conséquence des concessions réciproques).

 

Il conviendra d’être particulièrement méticuleux dans la rédaction de la transaction pour protéger au mieux les intérêts de l’établissement et s’assurer que chaque partie respecte ses engagements à défaut de quoi la transaction serait nulle et non avenue.

 

–          Une convention signée avec le Directeur général de l’ARS définissant les modalités de versement de l’aide ainsi que les modalités de suspension ou de restitution de l’aide en cas de non-respect des conditions d’octroi.

 

Il convient de mener une réflexion approfondie sur le calendrier de signature et les liens contractuels entre les actes.

 

 

 

Il y a fort à parier que cette convention qui s’apparentera plus à un contrat d’adhésion (voir à une décision unilatérale déguisée) ne laissera pour son élaboration aucune place à la négociation. Des clauses de suspension ou de restitution de l’aide en cas de méconnaissance par le bénéficiaire de ses engagements devront être prévues.  On se demande d’ailleurs à quels engagements vis-à-vis de l’Etat, l’hôpital pourrait déroger alors même qu’il aura remboursé l’IRA restant à sa charge et qu’il aura signé la transaction. Ou pourrait-il s’agir d’engagements vis-à-vis de l’organisme bancaire ? On n’ose y croire.

Surtout quid en cas d’arrêt de versement de l’aide (par principe en trois annuités voir infra) par l’ARS ?

Les hôpitaux auront renoncé à leur contentieux à l’encontre des banques et seront dépourvues de tout moyen d’action à l’encontre de ces dernières. Alors que leur restera-t-il ? Une action contre l’Etat ?

 

Etape 6 : Modalités de versement de l’aide

 

La DGOS engage la procédure de délégation de crédits. L’aide n’est pas versée en une seule fois mais en trois fractions annuelles égales. L’établissement bénéficiaire qui devra en revanche verser en une seule fois le montant de l’IRA dû à la banque, sera donc dans l’obligation de financer par emprunt non seulement la part restant à sa charge mais également la part de l’aide qui ne lui aura pas encore été versée…Cet emprunt, l’organisme bancaire avec lequel il aura transigé se fera un plaisir de lui concéder…

 

Les aides seront in fine versés par les ARS par arrêtés modificatifs des dotations régionales FIR et MIGAC. La délégation de la première tranche d’aide aux établissements devra avoir lieu avant le 31 décembre 2015.

 

 

3-      La comptabilisation

 

Les établissements publics de santé qui « renégocient » les emprunts toxiques doivent « classiquement » mandater sur le compte 668 « Autres charges financières» les indemnités de renégociation de la dette ou les indemnités de remboursement anticipée (IRA), qu’elles soient capitalisées ou non.

 

La charge « budgétaire » de ces indemnités peut cependant  être tout aussi « classiquement » étalée dans le temps sur la durée résiduelle de l’emprunt initial ou du nouvel emprunt si son terme est plus proche ou encore sur la durée pondérée restant à courir des différents emprunts avant renégociation si les IRA sont dus au titre d’une renégociation concernant plusieurs emprunts, conformément aux dispositions de l’Instruction budgétaire et comptable M21.

 

En cas d’étalement, le compte 4817 « Charges à répartir sur plusieurs exercices est débité en fin d’exercice du montant de ces indemnités par le crédit du compte 796 «Transferts de charges financières» au vu d’un mandat de paiement et d’un titre de recettes établis par l’ordonnateur (opération d’ordre budgétaire). À la fin de chaque exercice, le compte 6862 «Dotations aux amortissements des charges financières à répartir» est débité par le compte 4817 au vu uniquement d’un mandat de paiement établi par l’ordonnateur (opération d’ordre semi-budgétaire).

 

La seule différence en la matière par rapport à ce schéma « normal » consiste dans la comptabilisation sur le compte 768 « Autre produits financiers » de l’aide attribuée par le fonds de soutien qui ne compensera que partiellement la charge supportée par l’établissement. Dans ce cas, deux situations peuvent se rencontrer :

 

–          L’ordonnateur choisit de ne pas étaler la charge : l’intégralité de l’aide doit être enregistrée en produit sur l’exercice considéré ;

–          L’ordonnateur choisit d’étaler la charge : l’aide doit alors être enregistrée en produit de l’exercice pour la seule part de la charge d’IRA supportée sur celui-ci et pour le reste transférée en produit constaté d’avance. Elle sera ensuite rapportée au compte de résultat de chaque exercice suivant, au même rythme que la charge d’IRA répartie dans les conditions rappelées ci-dessus.

 

Il ne faut pas se laisser abuser par la rédaction de l’article 4.3 lorsqu’il y est indiqué que « l’ordonnateur et le comptable veilleront à assurer une comptabilisation concordante du produit inscrit au compte 768 et de la charge inscrite au compte 668 (éventuellement étalée)» qui ne saurait signifier que les montants inscrits sur chacun de ces comptes seront identiques. Le caractère « concordant » n’est que calendaire, lié au principe du rattachement des crédits, en dépenses et en recettes, à l’exercice.

 

C’est d’ailleurs ce que confirme la suite du 4.3 qui explicite le traitement des IRA en fonction de la date de notification de l’aide qui, sauf exception (IRA payées en 2014 avec aide notifiée en 2015), ne fait que renvoyer aux règles « classiques » applicables aux produits à recevoir, produits constatés d’avance et transferts de charges.

 

Si l’on peut approuver la mise en place d’un dispositif d’aide aux établissements publics de santé, il ne faut pas se cacher ses limites. La faiblesse des moyens y consacrés a conduit les pouvoirs publics à limiter au minimum les bénéficiaires de cette aide et à plafonner son niveau à un montant qui risque de s’avérer insuffisant dans de nombreux cas. Cette politique d’aide à la désensibilisation d’encours à très hauts risques ne pourra produire d’effets tangibles et appréciables que si les organismes bancaires jouent enfin le jeu et acceptent de prendre leur part de la perte qu’ils font subir à leur client. Qu’ils cessent en définitive de se réfugier dans le déni de leurs agissements passés et assument enfin leur part de responsabilité dans les sinistres provoqués par une politique commerciale irresponsable en prenant à leur charge une fraction des IRA.

 

Il serait scandaleux que les fonds de l’Assurance maladie ne servent qu’à rendre solvables des emprunteurs extrêmement fragilisés et permettent aux banques de sortir indemnes non seulement en  nettoyant leur encours à risques aux frais de la collectivité mais aussi en augmentant leurs profits en s’assurant un nouveau portefeuille de prêts auprès de secteur public de la santé : elles doivent participer de  manière significative à l’effort collectif d’apurement des excès d’endettement passés.

 

Les pouvoirs publics sont les gardiens de cet équilibre. Seul l’intérêt général et non l’intérêt de quelques banques doit guider leurs pas. Evitons la chute.

 

 

 

 

 



[1] Fonds d’intervention Régionale

[2] Mission d’intérêt général et Aide à la contractualisation

[3] Analyse financière rétrospective simplifiée de l’établissement.