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SEL : le départ a la retraite n'est pas une fin en soi
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SEL : le départ à la retraite, pas une fin en soi

 

Article rédigé le 12 février 2023 par Me Lorène Gangloff

 

Plus que chargé, le quotidien du médecin libéral lui laisse peu de temps pour penser à la retraite, qui pourtant s’anticipe !
Pour des raisons pratiques et financières, la plupart des médecins se structurent aujourd’hui en société d’exercice libéral (SEL) au moment de leur installation, seuls ou avec d’autres confrères.
Les sociétés d’exercice libéral offrent, en effet, de nombreuses perspectives aux médecins, notamment au moment de leur retrait.
L’associé qui entend cesser son activité professionnelle au sein de sa SEL doit naturellement procéder aux formalités de rigueur, à savoir informer la société en respectant le préavis prévu par les statuts, ainsi que le conseil départemental de l’ordre des médecins, mais il doit surtout statuer sur le sort de ses parts ou actions.

 

 

A la veille de la retraite, deux scenarii sont, en principe, envisageables :

  1. cesser son activité et conserver ses titres ;
  2. cesser son activité et céder ses titres.

Pour mieux comprendre les possibilités qui s’offrent à vous, suivez le guide :

 

Je cesse mon activité et conserve mes titres

La première option envisageable est de conserver vos parts ou actions, puisqu’un médecin exerçant en SEL peut, en principe, rester propriétaire de ses titres pendant une durée de dix ans suivant la cessation de son activité.

Les statuts de la société peuvent toutefois prévoir une durée plus courte voire imposer une cession des titres.

La seule solution envisageable pour contraindre un associé à quitter la société au moment de son départ à la retraite est d’insérer une clause de retrait volontaire dans les statuts.

L’associé sortant s’engage alors à céder ses parts en cas d’arrêt de son activité. Dans cette hypothèse, une procédure de rachat des parts de l’associé doit être prévue.

A cet égard, les statuts de société peuvent prévoir qu’à compter de la cessation de l’activité du médecin au sein de la société, ce dernier ne bénéficiera plus des droits, notamment de vote, attachés à ses parts ou actions, mais l’associé conservera nécessairement le droit de percevoir les dividendes correspondants jusqu’au rachat de ses titres.

 

Ainsi, au jour de votre départ, vous ne pourrez être contraints de céder vos parts que si les statuts prévoient une telle cession.  

Il faudra donc être vigilant dès le début de votre exercice, au moment de la rédaction des statuts ou de votre intégration dans une SEL déjà constituée, mais également en cas de modification des statuts en cours de vie sociale.

 

Je cesse mon activité et cède mes titres

La seconde option envisageable est de céder vos parts ou actions.

Si vous décidez de céder vos titres et que vous exercez à plusieurs, vous devrez obtenir de vos confrères l’agrément de votre acquéreur potentiel.

Vous devrez donc notifier votre projet de cession de part à la société et à chacun de vos associés. Ces derniers devront alors se prononcer sur le projet de cession et délibérer sur l’agrément du cessionnaire que vous leur présenterez.

Dans les SELARL et les SELAS, qui sont les deux formes de sociétés d’exercice libéral les plus couramment choisies par les praticiens, l’agrément suppose de réunir respectivement la majorité des trois quarts et la majorité des deux tiers des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte.

Si vos associés refusent d’agréer votre repreneur, ces derniers seront tenus, dans un délai de trois mois à compter du refus, d’acquérir ou de faire acquérir vos parts ou actions à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil (à dire d’expert, sauf accord entre les parties), excepté si vous renoncez finalement à votre projet de cession.

La bonne nouvelle est qu’ils ne pourront vous tenir en otage, en revanche, vous n’aurez pas les mains totalement libres pour choisir votre successeur ou simple acquéreur.

En effet, il serait simpliste de n’envisager qu’une reprise de vos parts par un confrère.

 

À qui puis-je céder ?

Si vous décidez ou devez céder vos parts, vous ne pourrez les céder à n’importe qui, certes, mais les options n’en sont pas moins variées !

Bien entendu, la cession ne doit pas conduire à une remise en cause des conditions de détention de capital au sein de la société.

Pour rappel :

  • un médecin ne peut exercer que dans une seule SEL ;
  • plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue directement ou par l’intermédiaire de sociétés de participations financières de professions libérales par des professionnels en exercice au sein de la société ;
  • seulement ¼ du capital peut être détenu par des personnes ne relevant pas des catégories prévues au 1er alinéa et aux 1°à 5° du B de l’article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (excepté dans les SEL constituées sous forme de société en commandite par actions).

Par ailleurs, l’accès au capital et aux droits de vote d’une SEL de médecins est interdit à certains professionnels.

 

Qui est exclu du rachat ?

  • les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, ainsi que les professionnels paramédicaux ;
  • les pharmaciens d’officine, les vétérinaires et les directeurs ou directeurs adjoints de laboratoire d’analyse médicale ;
  • les fournisseurs, distributeurs ou fabricants de matériel en lien avec la profession médicale et de produits pharmaceutiques ;
  • les prestataires de services dans le domaine de la médecine ;
  • les entreprises et organismes d’assurance et de capitalisation, tous les organismes de prévoyance, de retraite et de protection sociale.

 

En dehors de ces interdictions, de nombreuses opportunités s’offrent à vous.

Evidemment, vous pourrez céder vos titres à un confrère, mais si vous exercez à plusieurs au sein de la société et que les conditions de détention du capital et des droits de vote sont respectées, vous pourrez envisager d’autres repreneurs, tels que des sociétés de participations financières de professions libérales, mais également des sociétés commerciales « classiques ».

Les rachats de parts ou actions par des sociétés commerciales qui souhaitent diversifier leurs activités et y ont un intérêt financier et commercial, se multiplient dans certaines spécialités (radiologie, médecine nucléaire, radiothérapie…) ces dernières années.

Dans cette dernière hypothèse, il conviendra non seulement d’être vigilant aux conditions de cession de vos titres (prix, modalités de règlement, garanties…), mais également aux conditions de poursuite de l’activité au sein de la structure post cession, afin de préserver la liberté d’exercice de vos confrères.

Tous ces éléments devront naturellement être envisagés dès le début des négociations et être précisés dans une lettre d’intention qui constituera le cadre des discussions.

Attention, à défaut, vous pourriez perdre votre temps et celui de vos confrères et passer à côté d’acquéreurs plus soucieux de préserver cet équilibre !

 

Il est donc important de préparer votre départ pour avoir le temps de trouver un repreneur répondant à vos propres conditions et à celles de vos confrères en exercice.

Le départ à la retraite doit être bien organisé en amont pour éviter que vous ne soyez de contraint de travailler après la cessation de votre activité.

 

Nous consacrerons prochainement un article au décryptage des évolutions apportées par l’ordonnance du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.