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“Le biologiste passe, la grenouille reste”.
Jean Rostand, Inquiétudes d’un biologiste

La Commission européenne avait décidé de saisir la Cour de justice des Communautés européennes (Recours introduit le 2 mars 2009 – Affaire C-89/09) en raison de l’incompatibilité entre, d’une part, la liberté d’établissement garantie par l’article 43 du traité CE et, d’autre part, les restrictions imposées par la législation française à la détention du capital des laboratoires de biologie médicale.
La loi française disposait en effet que les sociétés non actives dans le secteur biomédical ne pouvaient détenir plus d’un quart des actions d’une société exploitant des laboratoires de biologie médicale et interdisait à toute personne physique ou morale de détenir des participations dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale.
La Commission considérait que ces restrictions limitaient les possibilités de partenariat, notamment avec des personnes morales d’autres États membres, et entravaient la liberté d’établissement en France de laboratoires établis dans d’autres États membres et ne satisfaisant pas aux critères posés par la législation française.
Cette nouvelle saisine faisait suite à de précédentes condamnations de la France en la matière (CJCE, 11 mars 2004, Affaire C-496/01, Commission des Communautés européennes c/République française).
À la suite de cette intervention, la ministre chargée de la santé avait annoncé, en avril 2008, l’intention des autorités françaises de faire évoluer la réglementation relative à la détention, par des tiers, du capital des sociétés d’exercice libéral de biologistes. Le Gouvernement s’était alors engagé à lever certaines restrictions concernant la détention du capital dans le cadre d’une réforme globale du secteur de la biologie médicale. C’est ainsi que l’article 69 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires avait autorisé le Gouvernement à procéder à la réforme de la biologie médicale par voie d’ordonnance.
Voilà qui est fait :
– Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale
– Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale
La réforme s’inspire largement du rapport de l’IGAS de 2006 « La biologie médicale libérale en France : bilan et perspectives» et du rapport « Ballereau » – «Rapport pour un projet de réforme de la biologie médicale, 23 septembre 2008 ».
Cette réforme qui assouplit les règles de gestion des laboratoires, devrait favoriser les regroupements et les coopérations.
On relèvera avec intérêt qu’un « laboratoire de biologie médicale peut être exploité sous la forme d’un groupement de coopération sanitaire selon les règles définies au chapitre III du titre III du livre Ier de la sixième partie » (Art.L. 6223-2 du CSP).
Cette réforme généreuse pourrait laisser penser qu’il n’y a plus d’obstacle à la coopération publique/privée en matière de biologie médicale : « Alors que la loi n° 75-626 du 11 juillet 1975 relative aux laboratoires d’analyses de biologie médicale et à leurs directeurs et directeurs adjoints ne concernait que les laboratoires de biologie privés, la réforme harmonise les règles de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale entre le secteur privé et le secteur public qui sont soumis aux mêmes exigences, avec la reconnaissance d’un même niveau de fiabilité. De plus, la coopération entre les secteurs public et privé est facilitée, notamment au travers des groupements de coopération sanitaire » (Rapport au Président de la République).

C’est oublier un peu vite que « la participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée, dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause, exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services » ainsi que le rappelle avec constance la Cour de justice européenne (par exemple : CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, aff. C-26/03 ; 13 octobre 2005, Parking Brixen, aff. C-458/03).
La Cour justifie cette solution en rappelant que le rapport entre une autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, et ses propres services, est régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêt public, alors que « tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres aux intérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente ».
Dans ces conditions, « l’attribution d’un marché public à une entreprise d’économie mixte sans appel à la concurrence porterait atteinte à l’objectif de concurrence libre et non faussée et au principe d’égalité de traitement des intéressés (…) dans la mesure où, notamment, une telle procédure offrirait à une entreprise privée présente dans le capital de cette entreprise un avantage par rapport à ses concurrents ».
La réponse est limpide : « dans l’hypothèse où un pouvoir adjudicateur a l’intention de conclure un contrat à titre onéreux portant sur des services qui relèvent du champ d’application matériel de la directive (…) avec une société juridiquement distincte de lui, dans le capital de laquelle il détient une participation avec une ou plusieurs entreprises privées, les procédures de passation de marchés publics prévues par cette directive doivent toujours être appliquées ».
Il n’y aurait donc rien de changé par rapport à notre article de 2006 sur le sujet et l’ouverture effectuée par l’ordonnance serait donc vouée à l’échec.
Un arrêt récent de la Cour semble offrir cependant une solution : « Les articles 43 CE, 49 CE et 86 CE ne s’opposent pas à l’attribution directe d’un service public impliquant la réalisation préalable de certains travaux, tel que celui en cause au principal, à une société à capital mixte, public et privé, spécialement créée aux fins de la fourniture de ce service et ayant un objet social unique, dans laquelle l’associé privé est sélectionné sur appel d’offres public, après vérification des conditions financières, techniques, opérationnelles et de gestion se rapportant au service à assurer et des caractéristiques de l’offre au regard des prestations à fournir, pourvu que la procédure d’appel d’offres en question soit conforme aux principes de libre concurrence, de transparence et d’égalité de traitement imposés par le traité CE pour les concessions » (15 octobre 2009, Affaire C-196/08, Acoset SpA).
Il suffirait dès lors qu’un établissement public de santé sélectionne sur appel d’offre son partenaire avant de constituer avec lui un GCS pour pouvoir couler des jours heureux sans nouvelle mise en concurrence …pendant toute la durée du groupement.
Le GCS avec le PPP constitueraient ainsi la meilleure négation des obligations de mise en concurrence européennes puisque l’on pourrait extraire, en toute légalité, du domaine marchand pendant plusieurs dizaines d’années des activités quand bien même celles-ci seraient fortement concurrentielles.
A suivre donc !