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Peut-on être condamné pour des faits commis dans la sphère personnelle et continuer à exercer des fonctions d’agent public liées à l’exécution du service public hospitalier ?

 

Le Conseil d’Etat a répondu à cette délicate question dans une décision récente du 4 février 2015

 

A l’instar du secteur privé, l’éviction d’un agent public condamné pénalement  ne pourra se justifier que si la gravité du comportement de l’agent, compte tenu du trouble objectif à l’établissement et des fonctions propres de l’agent, rend impossible son maintien dans le service.

 

Dans cette affaire, il s’agissait d’une femme, agent d’entretien (AEQ) contractuel, recruté depuis 2002 qui avait vocation à être titularisée en 2010.

 

Cependant, à l’occasion des démarches de titularisation, le centre hospitalier a pris connaissance du casier judiciaire de l’agent. Celui-ci faisait mention d’une condamnation pénale en janvier 2008 à 30 mois d’emprisonnement avec sursis pour complicité de trafic de stupéfiant.

 

L’établissement avait alors mis fin à la procédure de titularisation et licencié l’agent au motif d’une part que les mentions du casier judiciaire étaient incompatibles avec les fonctions d’agent d’entretien et d’autre part au motif que l’agent avait commis une faute grave en n’informant pas l’établissement de sa condamnation pénale.

 

Avant toute chose, le Conseil d’Etat rappelle que l’administration peut parfaitement engager une procédure disciplinaire sur des faits ayant motivé une condamnation pénale, peu important que ces faits soient tirés de la sphère privée.

 

Pour autant, fort de son contrôle entier des sanctions disciplinaire depuis son revirement du 13 novembre 2013[1], le Conseil d’Etat examine la proportionnalité de la sanction disciplinaire aux faits reprochés.

 

Dans le cas d’une condamnation pénale, le Conseil d’Etat précise que toute condamnation pénale ne justifie pas en soi un licenciement. Encore faut-il que celle-ci ait eu des conséquences préjudiciables pour l’établissement notamment sur sa réputation. Il faut également prouver que les faits réprimés soient incompatibles avec les fonctions exercées par l’agent. Et enfin, le Conseil d’Etat relève qu’en tout état de cause, il ne peut être reproché à un agent public de n’avoir pas révélé à son employeur la condamnation pénale dont il a fait l’objet puisqu’aucune disposition ne crée l’obligation professionnelle de donner cette information.

 

Enfin, le Conseil d’Etat précise l’application de sa jurisprudence Cavallo[2] dans le cas d’une condamnation pénale mentionnée au bulletin n°2 du casier judiciaire qui est susceptible d’entacher d’irrégularité un contrat de recrutement.

 

Par cette décision, observons que le Conseil d’Etat prévoit qu’un contrat devenu irrégulier en cours de contrat, à l’instar le contrat irrégulier dès sa conclusion, doit pouvoir faire l’objet d’une régularisation.

 

Pour déterminer si dans le cas d’une condamnation pénale, le contrat est irrégulier, l’employeur public doit apprécier si eu égard aux mentions portées au bulletin n°2 du casier judiciaire et aux caractéristiques des fonctions de l’agent public condamné, ces mentions sont incompatibles avec l’exercice de ces fonctions. Dans l’affirmative, le contrat est irrégulier et l’employeur public devra avant tout licenciement examiner si une régularisation du contrat irrégulier n’est pas envisageable.

 

On le voit bien le droit de la fonction publique est de plus en plus animé par une dynamique protectrice des agents publics empruntée au secteur privé.



[1] Conseil d’État, Assemblée, 13/11/2013, 347704, Publié au recueil Lebon

[2] Conseil d’État, Section du Contentieux, 31/12/2008, 283256, Publié au recueil Lebon