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La Cour de Cassation a condamné un médecin ophtalmologue pour faute de surveillance pour ne pas avoir proposé un rendez-vous rapide  à l'un de ses patients qui souffrait de troubles visuels. Elle a considéré que «la surcharge des cabinets ne constituait pas une excuse».

M.X…, atteint de diabète consultait Mme Y…, médecin ophtalmologue, en 1993, 1998, 2000, puis le 7 janvier 2002. A cette date, le médecin pratiquait un fond d’œil qui ne révélait pas de signes de rétinopathie diabétique. L'acuité visuelle était par ailleurs normale.

En mai et novembre 2002, M. X… ressentait des troubles visuels. Il avertissait le Docteur Y. qui ne pouvait lui proposer un rendez-vous qu'en mai 2003. Devant la persistance des symptômes, il consultait son médecin traitant qui l'adressait à un autre médecin ophtalmologiste, lequel diagnostiquait le 27 février 2003, une rétinopathie diabétique œdémateuse proliférante bilatérale, compliquée d’une hémorragie du vitré à gauche. Cette pathologie décelée tardivement a nécessité plusieurs traitements et interventions, lesquels ont laissé subsister d’importantes séquelles.

M.X… saisissait alors la CRCI qui, après expertise, concluait à la responsabilité du Docteur Y. La MACSF, assureur du Docteur Y, refusait de faire une offre d’indemnisation. L'ONIAM indemnisait alors M.X… avant d’exercer un recours subrogatoire à l'encontre de Mme Y et de son assureur.

La Cour d'appel de Versailles déclarait responsable le Docteur Y d'une faute de surveillance ayant entraîné pour M. X… une perte de chance de 50% d'éviter les complications qu'il a présentées.

La Cour de Cassation a confirmé le raisonnement retenu par la Cour d'appel. Elle constate que, au regard des faits du dossier, le Docteur Y a commis une faute de surveillance en ne prévoyant pas, dans le cadre du suivi du patient, les complications dont M.X…  a été atteint.

En effet, selon l'expert, la rétinopathie est une complication quasi constante du diabète, survenant la plupart du temps dix ans après le début de la maladie. Lors de l’examen du 7 janvier 2002, les facteurs favorisant l’apparition de la rétinopathie diabétique étaient déjà réunis.

Compte tenu de ses circonstances, le médecin aurait dû mettre en place une surveillance accrue de son patient. Cette surveillance était d’autant plus nécessaire en l’espèce que le Docteur Y, qui suivait M. X… depuis 1993, n’ignorait pas que celui-ci ne se soignait pas de façon rigoureuse.

Par ailleurs, les appels de M. X…, qui a tenté à deux reprises d’obtenir un rendez-vous auprès du Docteur Y, aurait dû alerter cette dernière sur la nécessité de garantir au patient une prise en charge rapide et efficiente. Si le Docteur Y se trouvait dans l’impossibilité matérielle de recevoir dans les meilleurs délais M. X…, elle aurait dû le diriger vers un autre confrère.

Le Docteur Y a donc commis une faute de surveillance de nature à entraîner sa responsabilité en ne proposant pas un rendez-vous dans un délai rapproché, compte tenu de son emploi du temps. En effet, les complications auraient pu être évitées par un traitement précoce d’une rétinopathie.

Selon la Cour de cassation, la surcharge du Cabinet, qui est à l’origine de l’impossibilité pour le Docteur Y de proposer rapidement un rendez-vous à M. X…,  n’est pas une cause exonératoire de responsabilité.

En effet, la Cour de cassation considère que le Docteur Y n’a pas assuré un suivi adéquat et conforme aux règles de l’art du patient. Par une mauvaise gestion de son Cabinet, elle n’a pas été en mesure de prendre en charge à temps M. X, alors que son état de santé nécessitait un suivi rigoureux.

Ainsi, il n’est pas reproché au Docteur Y un défaut de prise en charge en urgence du patient, mais un défaut de surveillance dès lors qu’elle ne s’est pas organisée pour examiner M. X… à une date moins éloignée de l’examen, alors qu’il présentait des signes de rétinopathie diabétique dont l’évolution est connue. La gestion du cabinet ne doit pas être un frein à la prise en charge adaptée du patient.

La Cour de cassation rappelle que si le praticien se trouve dans l’impossibilité d’assurer le suivi de son patient dans les meilleures conditions, il doit alors l’adresser à un de ses confrères.

Par cet arrêt, l’organisation et la gestion du Cabinet médical apparaît comme une composante de la qualité des soins. Un arrêt à méditer, car en l’espèce, l’indemnisation était de 54 268, 03 euros…


(Cassation, civ.1, 6 oct, 2011, n°10-21212)