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L’assemblée nationale a adopté en première lecture dans la nuit du 7 octobre, le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires.

Le projet de loi ainsi voté est désormais sur le bureau du Sénat qui devra l’examiner à son tour.

Après une période d’oubli de presque deux ans, ce projet de loi a donc ressurgi par la voie de la procédure accélérée, profitant d’un contexte de réforme importante des collectivités locales (loi NOTRE, Loi MAPTAM).

Ce projet de loi s’inscrit directement dans la continuité de la loi 2013-907 du 11 octobre 2013 et dans une vaste entreprise de moralisation de la vie publique qui avait d’abord touché les membres du gouvernement et les élus, suite à « l’affaire CAHUZAC ».

Après le devoir d’exemplarité des élus de la république, celui des agents publics doit permettre de redonner confiance aux citoyens dans les pouvoirs publics.

Quel est l’apport de ce projet loi ? Celui-ci bouleverse-il sensiblement le statut général de la fonction publique ?

En un sens oui, et même si il est encore un peu tôt pour se prononcer, le projet de loi n’étant pas encore adopté par les deux chambres, on peut dire qu’il va modifier en profondeur les droits et obligations de tous les fonctionnaires (Chapitre IV du Titre I du statut général des fonctionnaires, loi 83-634 du 13 juillet 1983) et donc corrélativement l’étendue du pouvoir de direction de l’ensemble des employeurs publics et de leur pouvoir disciplinaire.

L’alinéa 5 du nouvel article 25 prévu par le projet de loi précise d’ailleurs à cet égard : « Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité».

Le projet de loi modifie ainsi l’article 25 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 et l’intitulé du chapitre IV désormais libellé : « Des obligations et de la déontologie ». Il créé de « nouvelles » obligations pour les fonctionnaires et d’avantage pour les hauts fonctionnaires ainsi que pour les magistrats administratifs et financiers

L’article 14 du projet de loi prévoit quant à lui que la loi 86-634 s’appliquera aux agents contractuels pour les garanties (chapitre II) et les obligations (chapitre IV), à l’exception des II et III de l’article 23bis et de l’art 30 (qui ne bénéficient donc qu’aux fonctionnaires).

 A / Les « nouvelles » obligations générales des fonctionnaires

– Exercer ses tâches avec dignité, impartialité, intégrité et probité

– Respecter le principe d’égalité, de neutralité et de laïcité, même si ceux-ci devaient déjà être respectés par le fonctionnaire et pouvaient même donner lieu à sanction disciplinaire

– Respecter les « principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique », dont il sera nécessaire de déterminer le contenu

– Faire cesser tout conflit d’intérêt dans lequel le fonctionnaire se trouverait engagé en s’abstenant d’exercer ses fonctions, son mandat, etc…

 

B / Les obligations  propres aux postes « dont la nature le justifie » ainsi qu’aux Conseillers d’Etat, aux membres des tribunaux et des cours administratives d’appel ainsi qu’aux magistrats financiers (cour des comptes, chambres régionales des comptes)

Déclarer son patrimoine à la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour les emplois « dont la nature des fonctions ou le niveau hiérarchique le justifient » et dont la liste sera établie par décret en Conseil d’Etat (quels emplois, quelles fonctions, etc…), condition de la nomination du fonctionnaire sur le poste.

Déclarer ses intérêts également pour les emplois « dont la nature des fonctions ou le niveau hiérarchique » le justifient, condition de la nomination du fonctionnaire sur le poste.

La liste de ces emplois sera déterminée par décret de même que le contenu, les modalités de transmission et de conservation des déclarations d’intérêts.

– L’obligation pour les fonctionnaires dont les missions ont des incidences « en matière économique » et « dont la nature des fonctions ou le niveau hiérarchique » le justifient de  « prendre toutes dispositions pour que leurs instruments financiers soient gérés dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part »

– Les magistrats administratifs et financiers sont désormais soumis à des déclarations d’intérêts et pour les plus importants d’entre eux (Vice-Président du Conseil d’Etat, Présidents de section, Présidents de CAA, Présidents de TA, pour les juridictions administratives ; Président de la Cour des comptes, Présidents de chambres, Présidents de CRC, procureurs général et financiers) à des déclarations de patrimoine auprès de la HATVP.

– Un collège de déontologie sera chargé d’examiner les questions déontologiques et les déclarations d’intérêts, pourra formuler des avis et les rendre publics 

– La nomination sur ces postes sera conditionnée à ces déclarations dans les deux moins à peine de nullité.

 Le projet de loi prévoit que toute déclaration mensongère ou partielle de ses intérêts ou de son patrimoine par le fonctionnaire soumis à cette obligation est passible d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ainsi que d’une peine accessoire de privation de ses droits civiques.

On ne peut que s’interroger sur l’applicabilité de ces principes par les employeurs publics et sur les éventuelles sanctions disciplinaires qui en découleront.

Par exemple, quel faut-il entendre par obligation de dignité dans l’exécution des tâches ?

Il est fort à craindre que les employeurs publics n’appliquent pas (par crainte d’un contentieux) ou mal (par abus) ces principes. Les jurisprudences promettent donc d’être nombreuses et instructives.

C / L’élargissement du rôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

Initialement créée pour recevoir les déclarations  de patrimoine des parlementaires, le projet de loi laisse une large place à la haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Il prévoit que celle-ci pourra être saisie dès lors que l’autorité hiérarchique aura un doute sur les notions de conflits d’intérêts de ses agents.

Elle sera destinataire des déclarations de patrimoine condition préalable à la nomination de certains hauts fonctionnaires et recevra également les mesures prises par les hauts fonctionnaires ayant de missions dans le domaine économique.

Elle sera chargée d’apprécier les variations de patrimoine (alinéa 2 du II de l’article 25 sexies) et de transmettre le cas échéant l’information, en cas de variations inexpliquées à, l’administration fiscale.

Elle pourra solliciter toute information utile auprès du fonctionnaire et de l’administration fiscale.