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La récente publication du décret n° 2009-1574 du 16 décembre 2009 vient nous rappeler que le péage est définitivement entré dans les moeurs. Ce décret qui permet désormais l’instauration d’un péage sur certains ouvrages d’art, n’a, en effet, pas suscité la moindre réaction ou le plus infime commentaire.
Et pourtant !
Et pourtant, les droits féodaux, en particulier les octrois et les péages avaient été abolis par l’Assemblée législative en août 1792. Les physiocrates relataient à l’époque dans l’une de leurs publications comment un commissaire de police allant chercher du vin dans le midi pour le ramener à Paris avait traversé 8 douanes intérieures et 9 péages et avait versé 2 droits seigneuriaux et 7 octrois. Les péages ont par la suite été rétablis sous le Directoire et leur nombre fut considérablement augmenté sous le Consulat. En 1802, un voyageur étranger note «Les Français ont récemment découvert un moyen de prélever l’argent nécessaire à la réparation des routes. Ils placent à des distances irrégulières des barrières, que l’on ne peut ouvrir sans payer un droit de trois à dix-huit ou vingt sous ». Depuis différents textes ont rétabli officiellement l’instauration de péages sur les autoroutes (loi du 18 avril 1955) et sur les ponts.
« On est loin du droit de la santé et de la protection sociale », me direz-vous. Pas si loin malheureusement !
La sauvegarde de notre système de protection sociale (c’est comme cela qu’on nous le présente) conduit à la multiplication des « tickets modérateurs », « déremboursements de médicaments », « forfaits journaliers », « forfaits hospitaliers » et autres « participations forfaitaires » qui sonnent comme autant de péages à l’accès aux soins.
Arrêté du 23 décembre 2009 fixant les montants du forfait journalier hospitalier prévu à l’article L. 174-4 du code de la sécurité sociale
Décret n° 2010-6 du 5 janvier 2010 relatif à la participation de l’assuré prévue à l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale
L’instauration des péages repose sur le principe que seul l’usager doit supporter le coût du service qu’il utilise et non pas la collectivité : j’emprunte cette autoroute ou ce pont et, en contrepartie, j’accepte de participer à sa construction et à son entretien. Si je ne veux pas payer (ou si je ne peux pas payer), je ne prends pas l’autoroute (CQFD !).
La transposition au système de santé est particulièrement limpide : je vais à l’hôpital, consulte un médecin, consomme des médicaments ou ai recours à un professionnel de santé, je me dois de participer aux dépenses que je génère. Si je ne veux pas payer (ou si je ne peux pas payer), je ne prends pas l’autoroute. Non ! Je n’ai pas recours au système de santé…
On est loin du principe de solidarité qui régit notre système de sécurité sociale depuis 1945 qui implique que toutes les personnes qui peuvent travailler contribuent à aider ceux qui ne peuvent être actifs ou qui ont besoin de moyens financiers supplémentaires en raison de leur âge ou d’une maladie : « L’organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale » (article L.111-1 du code de la sécurité sociale).
Notre système de protection sociale est un pont entre les Hommes. Faut-il y mettre des péages ?