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Au moment où Elisabeth HUBERT va rendre son rapport dans lequel elle exprime ses doutes sur les maisons de santé («Présentée comme LA solution aux problèmes de la démographie médicale, les maisons de santé pluridisciplinaire (MSP) se révèlent plus compliquées à mettre en place qu’on ne le pensait ») et où l’on parle de donner un statut juridique auxdites maisons, l’Ours blanc se penche à son tour sur ces “nouveaux outils”.

Le Rédacteur en Chef

De l’intérêt de la distinction

Jusqu’à la loi du 21 juillet 2009 dite loi HPST, les médecins généralistes croulaient sous “les maisons” de toutes sortes et de toutes natures : maisons médicales de garde, maisons pluridisciplinaires, maisons de santé voire pôle de santé. Il n’y manquait que … la maison de maçons (!).

La loi du 21 juillet 2009 a apporté incontestablement de la clarté et de la compréhension en ne retenant plus que deux dispositifs : la maison de santé et le pôle de santé.

Attachons-nous à les distinguer.

1) Les missions principales:

Les maisons de santé “assurent des activités de soins sans hébergement”, alors que les pôles de santé “assurent les activités de soins de premiers recours (…), le cas échéant de second recours”.

De ces premières missions dévolues à l’une et à l’autre, apparaît aussitôt une différence de taille: soins sans hébergement d’un côté, soins de premiers recours de l’autre.

Que signifie cette différence ?

Il nous semble inutile de rechercher un sens caché résultant d’une dissonance sémantique. Parions plutôt pour un simple oubli du législateur.

En effet, la maison de santé continue de bénéficier, et ce depuis la loi du 19 décembre 2007, de la même définition et par “activités de soins sans hébergement”, on comprenait alors toute activité ambulatoire dévolue aux médecins de ville.

En revanche, on doit relever qu’avec la loi HPST, les missions du médecin généraliste, dénommées désormais de premiers recours font l’objet d’une définition précisée à l’article L 4130-1 du CSP, qui s’éloigne des “activités sans hébergement”.

Le champ de ces missions est désormais beaucoup plus large puisqu’il intègre:

– L’offre de soins ambulatoire englobant la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies ainsi que l’éducation pour la santé,

– L’orientation des patients (dans le système de soins et le secteur médico-social),

– La coordination des soins,

– Le suivi des maladies chroniques,

– La synthèse des informations transmises par les différents professionnels de santé,

– La participation à la mission de service public de permanence des soins,

– Enfin, l’accueil et la formation des stagiaires.

Ainsi, au final, l’activité de soins sans hébergement apparaît comme n’étant qu’un élément, parmi d’autres, des missions dites de premiers recours.

Nous ne pouvons donc croire que le législateur ait voulu restreindre le champ des maisons de santé.

Espérons qu’à l’occasion d’un toilettage de la loi HPST cette dissonance soit supprimée sauf à risquer des discussions et polémiques un peu vaines.

Quoi qu’il en soit, nous conviendrons aisément que la maison de santé et le pôle de santé disposent d’un périmètre très proche.

La différence notable est que le pôle de santé peut également, et ce à titre principal, exercer des missions de second recours.

2) Les missions accessoires

Il en est de même concernant, ce que nous qualifierons de missions accessoires:

En effet, les maisons de santé peuvent participer à des actions de santé publique ainsi qu’à des actions de prévention et d’éducation pour la santé et à des actions sociales.

Quant au pôle de santé, il peut “participer aux actions de prévention, de promotion de la santé et de sécurité sanitaire (…)”.

Il nous faut une nouvelle fois constater que les périmètres de l’une et de l’autre sont très proches et que les différences sont avant tout de vocabulaire. Décidément le langage sanitaire de 2009 n’est déjà plus celui de 2007.

Examinons-les de plus près:

– Dans les deux cas nous retrouvons les actions de prévention.

– Si l’éducation à la santé est visée dans les actions que peuvent mener des maisons de santé, ce n’est pas le cas pour les pôles de santé. En réalité, nul besoin de l’indiquer puisque l’éducation à la santé figure désormais dans les missions du médecin généraliste de premiers recours.

– Il en est de même des actions de santé publique, non visées directement dans les missions d’un pôle de santé mais que nous retrouvons à travers la notion de mission de service public (qui fait une entrée fracassante dans le périmètre d’intervention du médecin généraliste de premier recours).

– En revanche, il n’y a pas de participation à des actions de promotion de la santé et de sécurité sanitaire dans la définition des maisons de santé, ce qui est regrettable.

– A l’inverse, seules les maisons de santé peuvent participer à des actions sociales.
Certes, des actions dites de promotion de la santé ou de sécurité sanitaire peuvent recouvrir une partie des actions sociales mais pas en totalité. Or, et ainsi que nous allons le voir, c’est bien aux pôles de santé que devraient incomber cette participation aux actions sociales dans le cadre d’une transversalité sanitaire/ médico-sociale/ sociale.

Cela aurait pu ainsi contribuer à une meilleure compréhension et distinction de ces deux outils dont le constat de confusion s’impose et ne facilitera pas leur utilisation par les professionnels.

3) Composition

– La maison de santé est composée, à titre principal, de professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux. Ces mots viennent remplacer dans la définition de 2007 celui de professionnels de santé.

Nous rappellerons que sont des professionnels médicaux : les médecins, les sages-femmes, les pharmaciens et les chirurgiens dentistes.

Quant aux auxiliaires médicaux ils font l’objet du livre III du Code de la Santé Publique et d’un régime juridique spécifique (Article L 4381-1 et suivants du CSP).

– En revanche, les pôles de santé sont constitués… entre des professionnels de santé (!)

Bizarre, bizarre, on supprime dans un cas ce que l’on ajoute dans l’autre.

Soit les professions sont visées par les dispositions applicables dans le code de la santé publique et est retenue la locution « les professionnels médicaux et auxiliaires médicaux », soit on retient une définition plus large et non réglementée et l’on s’adosse à la notion de « professionnels de santé ».

Décidément, tout ceci manque, à l’évidence, de cohérence et il eut été plus simple et judicieux d’adopter ou l’une ou l’autre.

Nous glisserons une nouvelle fois sur cette dissonance sémantique, néanmoins importante, pour nous arrêter – enfin – sur ce qui nous semble être l’essentiel de la distinction entre maison de santé et pôle de santé:

* Dans une maison de santé, peuvent être “associés des personnels médico- sociaux”.

* En revanche, dans les pôles de santé peuvent participer: “des maisons de santé, des centres de santé, des réseaux de santé, des établissements de santé, des établissements et des services médico-sociaux, des groupements de coopération sanitaire et des groupements de coopération sociale et médico-sociale”.

Nous y voilà!

Autant la maison de santé est avant tout, principalement, et surtout destinée à assurer des missions de premiers recours (nous utiliserons désormais les nouvelles appellations de la loi HPST) par un regroupement opportun de professionnels et d’auxiliaires médicaux, à l’instar de ce qui se développe sur l’ensemble du territoire national. Notons au passage que la possibilité (peuvent) d’associer (on ne sait pas comment et avec quels outils juridiques) des personnels médico-sociaux (qui dit “personnels” dit salariés qui donc ne peuvent s’engager individuellement !) est un non-sens juridique.

En revanche, le pôle de santé a une vocation différente, celle de regrouper l’ensemble – ou du moins une très grande partie – des acteurs d’un territoire pour mener des actions transversales, de prévention, de dépistages, d’éducation à la santé…

Le texte précise en effet “peuvent y participer”; il ne s’agit donc pas de mentions d’une seconde catégorie de membres. La seule conséquence de cette construction sémantique est que le pôle doit impérativement être constitué avec des “professionnels de santé”.

Ainsi, le pôle de santé peut apparaître comme étant véritablement l’outil de mise en oeuvre de l’esprit de la loi HPST c’est-à-dire celui du décloisonnement, de la fluidité et de la transversalité.

Nous pouvons ainsi tout à fait imaginer la constitution d’un pôle de santé territorial permettant de regrouper l’ensemble des maisons de santé, des établissements médico-sociaux, des établissements de santé sans omettre les réseaux dont ils assurent – à notre sens – la continuité et la suite.

Le pôle de santé peut alors devenir le coordonnateur de la mise en oeuvre territoriale des actions de prévention, d’éducation thérapeutique (cf. décret 4 aout 2010) et de permanence de soins.

Formulons cependant un voeu. Que le législateur nous apporte les éclaircissements nécessaires pour une meilleure compréhension, et dans un souci de cohérence du dispositif, aménage également les missions du pôle de santé: inutile de prévoir à titre principal les soins de premiers recours.

Il reste désormais à réfléchir sur leur structuration juridique.

C’est une autre histoire… qui fera l’objet d’un prochain article dans ces mêmes colonnes.

L’Ours blanc