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Par Caroline DENAMBRIDE, avocate stagiaire

L’article 69  de la  loi HPST qui avait autorisé le gouvernement à prendre par  ordonnance dans un délai de six mois à compter de sa publication, toutes mesures relevant du domaine de la loi, afin de réformer les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des laboratoires, a permis l'élaboration de l'ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la  biologie médicale.

Cette ordonnance organise la profession de technicien de laboratoire, traite en partie notamment de l'installation de laboratoire au sein d'une communauté hospitalière de territoire ou d'un groupement de coopération sanitaire (Dans le cadre de la communauté hospitalière de territoire, un établissement public membre peut se voir confier la gestion d'un laboratoire de territoire multi-sites. Ensuite, un groupement de coopération sanitaire de moyens peut également gérer une activité de biologie médicale, soit en tant qu'exploitant d'un laboratoire (article L. 6223-2 du Code de la Santé publique), soit en mutualisant les compétences et les moyens de plusieurs laboratoires et/ou établissements de santé (les membres du GCS qui disposent chacun d’un laboratoire de biologie médicale s’engagent dans une politique de rationalisation de l’utilisation de leurs moyens etc).
Cette ordonnance a été publiée au journal officiel du 15 janvier 2010. Par conséquent, elle est entrée en vigueur et applicable à cette date, à l'exception des articles nécessitant un décret d'application.
Cependant, un projet de loi de ratification est nécessaire pour achever le parcours législatif. Celui-ci a été déposé le 7 avril 2010 mais n'a toujours pas été ratifié par le Parlement. Pis, à la mi-février, les députés ont adopté, au cours de l'examen du projet de loi de bioéthique, un amendement portant abrogation de l'ordonnance du 13 février 2010 réformant la biologie médicale. Cet amendement se justifiant par l'interdiction de l'exercice de la biologie à des chercheurs non diplômés en biologie médicale…
La ratification doit donc attendre !
Mais l'historique du projet de loi de ratification de l'ordonnance ne s'arrête pas là.
En effet, il se poursuit par une lecture au sénat en avril 2011 puis par une seconde lecture ultérieure par les 2 assemblées.
Cependant bien qu'entrée en vigueur, l'ordonnance demeure toujours dans l'attente d'une ratification : Grave conséquence ou simple futilité ?

Au regard de l’\article 38 de la Constitution, à défaut d’un dépôt sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée du projet de loi ratifiant l’ordonnance dans le délai fixé par la loi d’habilitation, l’ordonnance devient caduque. Il appartient donc au ministère principalement intéressé de préparer le projet de loi de ratification afin qu’il puisse être soumis au Conseil d’État, puis inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres dans des conditions permettant d’éviter la caducité de l’ordonnance.

A noter que si les ordonnances deviennent caduques lorsqu'un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation, rien ne contraint le gouvernement à inscrire son projet à l’ordre du jour des assemblées.
 

Il est rappelé que tant que l’ordonnance n’est pas ratifiée (par le vote de la loi de ratification, d’une disposition législative ayant explicitement cet objet, ou par la modification par le législateur des dispositions de l’ordonnance), elle demeure un acte administratif dont la légalité peut être contestée devant le juge administratif soit par voie d’action, soit par voie d’exception.

Telle est aujourd'hui la valeur de l'ordonnance relative à la biologie médicale. Il est donc temps de ratifier celle-ci en adoptant un projet de loi de ratification, si l'on veut empêcher sa caducité.

En tant qu'acte administratif, elle peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (CE sect, 3 novembre 1961 Damiani) ou fonder une exception d'illégalité. Du fait du contenu potentiellement législatif de celle-ci, le contrôle exercé en premier et en dernier ressort par le Conseil d'Etat est particulier. Le Conseil contrôle tout d'abord la légalité externe de l'ordonnance, il vérifie sa caducité. Une fois le contrôle de la légalité externe opéré, le Conseil vérifie que l'ordonnance ne dépasse pas le champ de l'habilitation législative, qu'elle ne rentre pas dans le domaine de la loi organique, et qu'elle est conforme aux principes constitutionnels (véritable contrôle de constitutionnalité de l'acte administratif). Ce contrôle se fait aussi par rapport aux engagements internationaux et aux principes généraux du droit.

Il faut noter qu'avant la révision constitutionnelle de juillet 2008, la ratification pouvait se faire de manière explicite par un projet de loi destiné à cet effet, mais aussi de manière implicite, possibilité qui a été reconnue par le Conseil constitutionnel (la ratification implicite est apparue pour la première fois dans la décision Conseil de la concurrence n86-224 DC du 23 janvier 1987), le Conseil d’État et le Tribunal des conflits. Cette dernière juridiction a estimé, à propos de la ratification implicite de l'ordonnance relative au contrat nouvelle embauche, que « la ratification d'une ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, qui a pour effet de lui conférer rétroactivement valeur législative, peut résulter non seulement du vote du projet de loi de ratification  prévu par l’article 38, mais aussi du vote d’une autre disposition législative ayant expressément cet objet ou qui, sans avoir la ratification pour objet direct, l’implique nécessairement » (T. confl. 19 mars 2007, nC3622). Ce considérant de principe est aussi utilisé par le Conseil d’État (V. par exemple, CE 29 oct. 2004, req. n269814, Sueur, Lebon 393). Mais cette ratification implicite pouvait conduire à des abus et à déposséder le Parlement de sa fonction législative, ce qui explique que cette pratique ait été souvent critiquée.

Puisque la ratification implicite ne permettait pas d’avoir un véritable débat parlementaire autour de l'ordonnance à ratifier et pouvait être une atteinte au principe de sécurité juridique, la révision de 2008 a rajouté la phrase suivante à la fin du deuxième alinéa de l’article 38 : « Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse ».
Désormais, il faudra que la loi précise explicitement que l'ordonnance à laquelle il fait référence est ratifiée.

Le projet de loi de ratification tant attendu devra alors préciser que l'ordonnance sur la biologie médicale est ratifiée.

Ce projet de loi de ratification ne doit, en principe, faire l’objet d’aucune autre consultation que celle du Conseil d’État en application de l'article 39 de la Constitution. Il en va toutefois différemment dans les cas suivants :
 

– la loi d’habilitation a prévu la consultation de certains organismes sur le projet de loi  
 de ratification ;

– le projet de loi de ratification ne se borne pas à ratifier l’ordonnance mais comprend  
 des modifications des dispositions de celle-ci ou d’autres dispositions ; dans ce cas, il
 est soumis aux consultations requises par son contenu ;
– l’ordonnance n’a pas fait l’objet des consultations nécessaires ; il convient alors de
             soumettre le projet aux organismes qui auraient dû être saisis de celle-ci ;

– Le législateur ne méconnaît aucune règle non plus qu’aucun principe d’ordre
 constitutionnel s’il décide de ratifier une ordonnance qui aurait excédé le champ de  
 l’habilitation initiale, car la limitation en résultant ne lui est pas opposable au stade de  
 la ratification.


Il faut savoir qu'il est toujours possible d’inclure dans un projet de loi de ratification, des dispositions modifiant, le cas échéant pour corriger des erreurs, ou complétant celles introduites par l’ordonnance à ratifier.
 


De plus, alors même que l’ordonnance ne serait pas ratifiée, l’expiration du délai fixé par la loi d’habilitation a pour conséquence d’interdire au Gouvernement de modifier ou d’abroger celles des dispositions qui relèvent du domaine de la loi, sauf à obtenir du Parlement une nouvelle habilitation ou en soumettant au Parlement un projet de loi. Une telle modification est en revanche possible, par décret en Conseil d’État et en conseil des ministres, pour celles des dispositions de l’ordonnance qui seraient intervenues dans un domaine que l'article 34 de la Constitution ne réserve pas au législateur.

Cependant, une fois que l’ordonnance relative à la biologie médicale sera ratifiée, les dispositions ne relevant pas du domaine de la loi ne pourront être modifiées qu’en mettant en œuvre la procédure de déclassement prévue par le second alinéa de l'article 37 de la Constitution.

Les dernières péripéties offertes dans le cadre des discussions sur la loi de bioéthique fragilisent un peu plus cette ordonnance.

Certains mauvais esprits considèrent que l'absence de ratification est le signe d'un désengagement gouvernemental, vis-à-vis d'une réforme pourtant présentée comme exceptionnelle.

Le ministre, par ses récentes déclarations a certes rassuré… Alors à quand la ratification ?