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Article rédigé le 26 mai 2014 par Me Marine Jacquet

Le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale a été amené à se pencher sur une décision tout à fait inédite d’une CPAM qui avait notifié à un professionnel libéral la cessation du bénéfice de ses avantages sociaux en tant que médecin conventionné en le plaçant sous le régime de travailleur indépendant depuis son intervention dans un GCS dit libéral.

La CPAM informait ainsi le Médecin qu’elle ne prendrait plus en charge une partie des cotisations maladie, familiale et vieillesse, comme elle le faisait jusqu’alors du fait de sa qualité de professionnel libéral conventionné. Autant dire que cette décision jeta un pavé dans la mare de la coopération ville- hôpital !

A notre sens, la CPAM procède, ici, en réalité à une interprétation erronée des textes.

En effet, en premier lieu, il convient de rappeler le cadre tout à fait particulier d’intervention des professionnels libéraux au sein des GCS défini par l’article L.6133-1 du code de santé publique qui dispose que ce dernier peut notamment être constitué pour « permettre les interventions communes de professionnels médicaux et non médicaux exerçant dans les établissements ou centres de santé membres du groupement ainsi que des professionnels libéraux membres du groupement ».

Ce dispositif autorise ainsi les professionnels libéraux à intervenir au sein d’un centre hospitalier pour assurer des soins au bénéfice des usagers du service public. L’objectif visé par le législateur est de faire face à la pénurie de médecins. Dans ce cadre, les médecins libéraux perçoivent en contrepartie une rémunération de l’établissement pour chaque acte réalisé, dans la limite des tarifs opposables.

En second lieu, rappelons également que la convention nationale signée le 26 juillet 2011 rappelle en préambule qu’elle s’applique « aux médecins exerçant à titre libéral, inscrits au Tableau de l’Ordre national, et qui ont fait le choix d’exercer sous le régime conventionnel, pour les soins dispensés sur leur lieu d’exercice professionnel ou au domicile du patient lorsque celui-ci est dans l’incapacité de se déplacer ». Dans le cas d’espèce, ces conditions étaient manifestement remplies, d’autant plus que le dernier alinéa de l’article L. 6133-6 du code de la santé publique a pris la précaution d’indiquer de manière particulièrement limpide (pour une fois…) que « Les professionnels médicaux libéraux exerçant une activité dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire continuent à relever à ce titre des professions mentionnées à l’article L. 622-5 du même code [code de la sécurité sociale]».

Néanmoins, la CPAM persistait dans sa position invoquant notamment le fait que sa participation au financement des cotisations dues au médecin était assise exclusivement sur les honoraires perçus dans le cadre de l’exercice libéral, de sortes qu’elle ne pouvait pas prendre en compte la rémunération reversée par l’établissement de santé.

Là aussi l’argument ne saurait tenir.

En effet, aux termes de l’article 60, alinéa 1 de la convention nationale et de l’article L.162-14-1, 5° CSS, l’assiette qui doit être prise en compte par les Caisses se base tant sur les honoraires perçus par les médecins que sur leurs revenus tirés des activités non salariées. En l’occurrence, la rémunération versée par le GCS est bien un revenu tiré d’une activité non salariée.

La question a  finalement été portée par devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale du LOT.

La juridiction ne s’y est pas trompée et, par décision du 17 avril 2014, a fait pleinement application des dispositions du code de la santé publiques et du code de la sécurité sociale en annulant la décision de la Caisse :

«  L’article R 6133-10 du Code de la Santé Publique, visé dans l’article 9 de la convention signée le 16 janvier 2012 prévoit les modalités de rémunérations des praticiens libéraux exerçant dans un groupement à savoir que les actes médicaux et consultations sont rémunérés par les établissements publics de santé ou les établissements de santé mentionnés à but non lucratif ayant été admis à participer à l’exécution du service public hospitalier ou les autres établissements de santé.

Le Docteur … est donc rémunéré conformément à la réglementation applicable.

Aux termes de l’article L 162-14-1-5° du Code de la Sécurité Sociale (dans sa rédaction applicable au 16 janvier 2012) « les conditions dans lesquelles les caisses d’assurance maladie participent au financement des cotisations dues par les professionnels de santé au titre de leurs honoraires ou de leurs revenus tirés des activités non salariées réalisées dans deux structures dont le financement inclut leur rémunération… ».

L’article 60 de la convention nationale du 26 juillet 2011 dispose que la CPAM participe au financement des cotisations dues par les médecins conventionnés en secteur à honoraires opposables. Elle est assise sur les honoraires perçus dans le cadre de l’exercice libéral effectué dans le cadre de la convention à l’exclusion des dépassements.

Force est de constater que L 162-14-5° prévoit expressément les revenus tirés des activités non salariées réalisées dans des structures dont le financement inclut leur rémunération et que la convention ne fait pas la différence sur l’origine des revenus perçus par les médecins libéraux.

En conséquence, le Docteur X exerçant à titre libéral, en secteur 1, ne peut se voir être affilié au Régime Sociale des Indépendants (RSI) et doit bénéficier de la convention pour la période… (Période relative à son intervention au sein du GCS). »

Morale de l’histoire : Quand la Caisse d’assurance Maladie croise le chemin du Groupement de Coopération Sanitaire… Mieux vaut y regarder à deux fois.

Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.

Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.

Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans  les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels,  leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.

Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).