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La Fédération de l'hospitalisation privée a sorti l'artillerie lourde en portant plainte récemment contre l'Etat français pour distorsion de concurrence et aide illicite d'Etat. Il est vrai que l'écart des tarifs des séjours de médecine, chirurgie et obstétrique demeure élevé entre public et privé (26 % selon la FHP) et que les hôpitaux bénéficient de la quasi-totalité (99 %) des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) versées aux établissements de santé. Pour autant, l'hospitalisation dans le secteur privé lucratif n'est pas non plus la panacée si l'on considère qu'elle est souvent génératrice d'une inflation du volume d'actes non justifiés. La France fait à cet égard figure d'exception au sein de l'Union Européenne avec un secteur privé lucratif particulièrement développé ce qui ne l'empêche pas de présenter un niveau de dépenses des établissements de santé publics et privés très supérieur à la moyenne européenne.

Au fond, il n'y a rien d'étonnant qu'en période de vaches maigres marquée par un ralentissement de l'Objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM), établissements publics et privés défendent leurs spécificités et essaient de tirer la couverture à eux.

Ce qui surprend davantage, c'est l'attitude de la Cour de Comptes qui, dans son dernier rapport annuel d'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale insiste sur l'urgence « de prendre sans plus tarder les arbitrages certes délicats, qu'implique la mise en œuvre de la convergence intersectorielle prévue pour 2018 ». La Cour des Comptes se prononce clairement pour une accélération de la convergence des tarifs de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ». Cette convergence introduite par la loi de financement de la sécurité sociale de 2004 repose évidemment sur l'alignement des tarifs actuels sur le tarif le plus bas, en général celui du secteur privé. Pour autant la question de l'objectivation des écarts de coûts entre les secteurs pose toujours problème. Il s'avère pour le moins difficile de mesurer avec précision la part de ces écarts justifiée par le nombre plus important d'hospitalisations non programmées ou d'accueil de patients précaires dans les hôpitaux publics. 

Le rapport de la Cour des Comptes est particulièrement inquiétant quand il énonce que « quel que soit le périmètre donné à cette convergence, celle-ci doit en tout état de cause reposer sur la convergence des coûts de production et sur une intensification des efforts d'amélioration de l'efficience du système hospitalier ». Cette conclusion se heurte à une réalité concrète. La convergence des coûts de production entre hospitalisation publique et hospitalisation privée apparaît aujourd'hui totalement impossible à mettre en œuvre. Il faut en effet considérer que 70 % des dépenses des hôpitaux publics sont constitués par des charges de personnel et que celui-ci est, dans son immense majorité, titulaire de la fonction publique. Cela signifie que l'hôpital n'est pas maitre du niveau des salaires qu'il verse (plus élevés en moyenne que dans le secteur privé) et qu'il dispose d'une faible marge dans la gestion du volume des emplois, sauf à ne pas remplacer des départs à la retraite ou développer l'emploi contractuel. Le niveau des autres dépenses de l'hôpital public est souvent impacté par les obligations créées par le code des marchés publics qui peuvent se traduire par des surcoûts, notamment parce que la lourdeur des procédures décourage certaines entreprises et limite de ce fait la concurrence.

En définitive , la convergence tarifaire s'applique à deux secteurs qui n'exercent pas exactement les mêmes missions et surtout qui n'ont pas la même maitrise de leurs charges. C'est pourquoi, au-delà de l'injonction il apparaît pour le moins complexe de faire des préconisations sur la façon de faire converger les coûts de production. C'est bien la limite de ce rapport : donner la marche à suivre sans fournir de mode d'emploi.