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Dans un précédent post[1], nous avions rappelé dans quelles hypothèses le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) devait être consulté. La Cour Administrative d’Appel de Nancy a été récemment amenée à se prononcer sur ce point par un arrêt du 21 avril 2015 (n°14NC01741) par lequel elle a censuré le raisonnement des juges de premier degré à propos de la constitution d’un groupement de coopération sanitaire (GCS). Elle adopte dans ce cadre pleinement le raisonnement que nous vous avions présenté.

 Cette décision fait suite à la constitution du groupement de coopération sanitaire Territorial Ardennes Nord. Alors que les syndicats CGT des centres hospitaliers de Charleville-Mézières et de Sedan n’avaient pas contesté l’arrêté initial d’approbation de la convention constitutive ni l’arrêté érigeant le GCS en établissement de santé, ils ont en revanche déféré l’arrêté approuvant l’avenant n°1 à la convention constitutive du GCS (qui avait notamment pour objet d’acter de l’adhésion d’un nouveau membre au groupement) soutenant que celui-ci était irrégulier au motif que le CHSCT aurait dû être consulté avant l’adoption de l’avenant par l’assemblée générale du GCS et son approbation par le Directeur Général de l’ARS.

 Ils soutenaient en effet que l’avenant modifiait les conditions de travail des agents des centres hospitaliers, et qu’en application des dispositions de l’article L.4612-8 du code du travail, la consultation préalable du CHSCT était requise.

 La Ministre de la Santé et le GCS Territorial Ardennes Nord soutenaient quant à eux que le CHSCT n’avait pas à être consulté dès lors que l’acte contesté ne modifiait pas en lui-même les conditions de travail des agents. Cette position s’appuyait sur les dispositions des articles L.4111-1 et L.4612-8 du code du travail, ainsi que sur la jurisprudence du Conseil d’Etat rendue en matière de fusion d’établissements publics de santé : ” si une opération de fusion d’établissements de santé doit faire l’objet d’une consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail lorsqu’elle modifie par elle-même les conditions de travail, notamment en cas de transformation importante des postes de travail, le décret attaqué, qui se borne à créer le nouveau centre hospitalier régional par fusion du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France, du centre hospitalier du Lamentin et du centre hospitalier Louis Domergue de Trinité, à fixer son siège et à transférer les droits et obligations des deux établissements au nouveau centre, ne modifie pas par lui-même les conditions de travail des personnels concernés ; qu’ainsi, les dispositions précitées du code du travail n’imposaient pas de consulter les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements appelés à fusionner sur le projet de décret ; ” (Conseil d’Etat, 17 juin 2014, n°363216 du 17 juin 2014 ; idem à propos des hôpitaux de la Réunion : CE, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 17/06/2014, 354921, Inédit au recueil Lebon).

 La Cour administrative d’appel  fait droit au moyen soulevé par la Ministre, dans les termes suivants :

 « 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4111-1 du code du travail : ” (…) les dispositions de la présente partie (…) sont également applicables : / (…) 3° aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ” ; qu’aux termes de l’article L. 4612-8 du code du travail : ” Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ” ; qu’aux termes de l’article L. 6133-1 du code de la santé publique : ” (…) Un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué pour : / 1° Organiser ou gérer des activités administratives, logistiques, techniques, médico-techniques, d’enseignement ou de recherche ; / 2° Réaliser ou gérer des équipements d’intérêt commun ; il peut, le cas échéant, être titulaire à ce titre de l’autorisation d’installation d’équipements matériels lourds mentionnée à l’article L. 6122-1 ; / 3° Permettre les interventions communes de professionnels médicaux et non médicaux exerçant dans les établissements ou centres de santé membres du groupement ainsi que des professionnels libéraux membres du groupement (…) ” ; qu’aux termes des dispositions de l’article R. 6133-1-1 du même code : ” La convention constitutive du groupement de coopération sanitaire est approuvée et publiée par le directeur général de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle le groupement a son siège selon des modalités définies par arrêté du ministre chargé de la santé. / Le groupement jouit de la personnalité morale à compter de la date de publication de l’acte d’approbation mentionné au premier alinéa au recueil des actes administratifs de la région dans laquelle le groupement a son siège ainsi qu’au recueil des actes administratifs des autres régions lorsque les membres du groupement ont leurs sièges dans des régions distinctes. / Les avenants à la convention constitutive du groupement sont approuvés et publiés dans les mêmes conditions de forme que la convention constitutive ” ;

 5. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’avenant à la convention constitutive du GCS territorial Ardenne-Nord devait faire l’objet d’une consultation des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des centres hospitaliers de Sedan et de Charleville-Mézières si, eu égard à sa portée, il pouvait être regardé comme modifiant par lui-même les conditions de travail des agents de ces établissements, en raison notamment d’aménagements importants des postes de travail ;

 6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’avenant n°1 à la convention constitutive du GCS territorial Ardenne-Nord modifiant les articles 1er, 3, 6, 9, 10, 11 et 16 de cette convention a pour objet d’intégrer un nouveau membre dans le groupement, d’ériger celui-ci en établissement de santé privé, de lui attribuer les autorisations d’activités de soins cédées par la clinique du parc de Charleville-Mézières, de lui accorder l’autorisation de fonctionner et de dispenser des soins remboursables et d’instituer une conférence médicale d’établissement, sans toutefois organiser lui-même des transfert de services même s’il prévoit la possibilité que certaines activités soient, à terme, délocalisées ; que cet avenant ne modifie dès lors pas, par lui-même, les conditions de travail des personnels concernés des centres hospitaliers de Charleville-Mézières et de Sedan ; qu’ainsi, les dispositions précitées de L. 4612-8 du code du travail n’imposaient pas la consultation des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de ces établissements publics de santé ; que, dès lors, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’arrêté n° 2012-1202 du 10 septembre 2012 du directeur général de l’ARS Champagne-Ardenne au motif que l’avenant n°1 à la convention constitutive du GCS territorial Ardenne-Nord devait être regardé comme une décision d’aménagement importante modifiant les conditions de travail au sens de l’article L. 4612-8 du code du travail ; ».

 

La Cour administrative d’appel confirme ainsi purement et simplement l’analyse que nous vous avions fournie dans notre post du 20 juin 2014. Qu’on se le dise une fois pour toute : la compétence du CHSCT n’est conditionnée que par l’existence de modifications des conditions de travail du personnel. Si l’acte ne les modifie pas par lui-même, le CHSCT n’a pas à être saisi …ce que vient de nouveau de rappeler le Conseil d’Etat à propos de la fusion des universités Montpellier I et Montpellier II « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, eu égard à l’objet du décret attaqué, qui ne comporte par lui-même aucun aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des personnels, l’administration, qui a consulté le comité technique de l’université Montpellier II, n’était pas tenue de consulter le CHSCT ; » (CE, 4ème SSJS, 17/04/2015, 385053, Inédit au recueil Lebon).

 


[1] 20 juin 2014 « Consulter ou ne pas consulter le CHSCT, telle est la question »