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La Cour de cassation vient de rappeler un principe fondamental en droit du travail, mais vient en préciser les contours. Sans être un arrêt de principe, la Cour de cassation confirmant sa position antérieure, il mérite néanmoins la lecture (ch. Soc., 3 nov. 2011, n° 10-14702).

Une salariée travaillant à temps plein a refusé les aménagements aux horaires de travail annoncés par courrier de son employeur.

La salariée travaillait sur un seul site du lundi au vendredi de 5 heures 30 à 10 heures et de 15 à 17 heures, ainsi que le samedi de 7 heures 30 à 10 heures. Son employeur l’affecte sur deux sites selon la répartition de l’horaire de travail suivante : du lundi au jeudi de 15 heures à 17 heures 30 et de 18 heures à 21 heures, le vendredi de 12 heures 30 à 15 heures et de 16 heures à 21 heures et le samedi de 10 heures à 12 heures 30 et de 17 heures à 20 heures.
La salariée estime que la modification de ses horaires et son affection à deux sites constituent une modification substantielle de son contrat de travail. Elle saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de son contrat de travail.
La Cour d’appel (CA Dijon, 21 janv. 2010) rappelle le principe selon lequel une nouvelle répartition des horaires de travail ne constitue pas une modification du contrat. Néanmoins, elle juge que le pouvoir de direction de l’employeur en la matière connaît une limite : la modification des horaires de travail ne doit pas bouleverser le rythme de travail du salarié.
Au regard des faits de l’espèce, la Cour d’appel fait droit à la demande de la salarié, constatant que les horaires de la semaine, répartis précédemment entre le matin et l’après-midi, passent exclusivement sur l’après-midi, le temps de travail déborde sur la soirée, et les horaires du samedi sont considérablement accrus. Elle considère que cette nouvelle répartition impose à la salariée un bouleversement de ses conditions de travail et, partant, constitue une modification de son contrat de travail. La salariée devait donc donner son accord.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel pour défaut de motivation. Selon elle, il appartenait aux juges du fond de rechercher si ce changement d’horaires "portait une atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit de repos".

En l’espèce, elle considère que "le changement d’horaires consistant dans une nouvelle répartition de l’horaire au sein de la journée, alors que la durée de travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur et non une modification du contrat de travail ; qu’en jugeant que la SAS GSF ORION avait imposé une modification de son contrat de travail à la salariée après avoir constaté qu’elle s’était limitée à prévoir une nouvelle répartition de l’horaire de travail sur la journée, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil".

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la notion de "modification du contrat de travail", nécessitant l’accord du salarié, ne peut se caractériser que par un simple bouleversement des conditions de travail, mais doit porter une atteinte excessive au respect de la vie privée de l’agent (principe fondamental protégé par l’article 9 du code civil, l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme, et l’article 8 de la CEDH). Cette atteinte doit être appréciée in concreto par les juges du fond.

On peut toutefois relever que si ni le temps de travail, ni la rémunération n’est affectée par la modification apportée, il n’y aurait pas, a priori, de modification du contrat.

Cet arrêt semble sévère, au regard des faits de l’espèce (rappelons que la salariée devra travailler sur deux sites au lieu d’un, et seulement l’après-midi), et fait peser sur le salarié la preuve du caractère excessif de l’atteinte à sa vie privée, une notion emprunte de subjectivisme et donc difficile à appréhender.