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La T2A : cette procédure étrange venue d’une autre planète. Sa destination : les établissements de santé. Son but : diminuer par tout moyen le trou de la sécu. Le Cabinet HOUDART l’a vu. Pour lui, cela a commencé par une nuit sombre, parcourant le code de sécurité sociale, tandis qu’il cherchait les fondements juridiques d’une décision prise par l’assurance maladie…


Contrairement à David Vincent, nous ne sommes pas trop las pour continuer notre route. En revanche, nous savons, comme lui, que les envahisseurs sont là, qu’ils ont pris une apparence humaine, et que le cauchemar a déjà commencé…

Quel est l’esprit tordu (ou simplet) qui a envisagé la procédure T2A ? Sûrement un esprit éclairé (ou… suis-je obligée de me répéter?) qui a pensé qu’il s’agissait de la solution parfaite pour résorber le déficit abyssal de la sécurité sociale.

Nous ne sommes pas au bout de nos surprises : la T2A montre un nouveau visage, à rendre fou David Vincent… Pour le découvrir, un petit récapitulatif s’impose.


L’établissement de santé est inclus dans le programme régional de contrôle préparé par la commission de contrôle, sur la base d’un projet de l’UCR. Le Directeur Général de l’ARS notifie à l’établissement la période de contrôle.

Juste pour le plaisir, on rappellera que tant la commission de contrôle que l’UCR sont composées de personnels de l’ARS et de l’assurance maladie. Cerise sur le gâteau les membres de l’UCR sont proposés par la commission de contrôle !

Non, non, ce n’est pas une blague, mais bel et bien la première étape du contrôle ! L’assurance maladie et l’ARS sont les deux protagonistes d’une procédure qui dessert les intérêts financiers de l’assurance maladie.


Le contrôle se déroule sur site et les médecins contrôleurs (est-il utile de vous préciser qu’il s’agit de médecins de l’assurance maladie?) constatent des manquements aux règles de facturation. L’établissement s’en émeut, conteste, mais le rapport tombe, et le résultat reste le même…

Observations de l’établissement, puis notification par l’assurance maladie d’un montant d’indu définitif. L’établissement est ainsi mis en demeure de payer dans le délai d’un mois. 3 options :

a) L’établissement procède au règlement, la procédure de recouvrement d’indu prend fin.
b) L’établissement conteste cette mise en demeure devant le TASS.
c) L’établissement ne procède pas au paiement, qu’il ait ou non saisi le TASS. Il s’expose alors à ce que l’assurance maladie entame une procédure de contrainte, qu’il pourra contester… devant le TASS !


Parallèlement, l’ARS notifie à l’établissement une sanction financière (parce que c’est vraiment pas bien de ne pas respecter les règles de codage), que l’établissement conteste, généralement sans succès. La décision définitive de sanction lui est notifiée.

L’établissement de santé saisit alors le tribunal administratif (rappelons que le recours contentieux peut être précédé d’un recours amiable) d’une demande d’annulation de la sanction financière prononcée. Il peut, également solliciter la suspension de la décision en engageant, concomitamment au recours au fond, un référé suspension.

Mais ça n’est pas fini, voire même, ça ne fait que commencer…


Que dit l’article R.162-42-13 du CSS ? Le Directeur Général de l’ARS n’a compétence que pour prononcer le montant définitif de la sanction, et non pour recouvrer cette somme. Le recouvrement s’effectue par l’assurance maladie… ce qui veut dire que la décision de sanction prononcée par l’ARS ne vaut pas exécution !

Cela pose une réelle difficulté juridique puisque la décision arrêtant le montant de la sanction est indubitablement un acte administratif faisant grief, et partant susceptible de recours, mais il est amputé de son caractère exécutoire, l’assurance maladie étant seule compétente pour assurer l’exécution de la décision du Directeur Général de l’ARS !

Le référé suspension vise à paralyser l’exécution de la décision jusqu’à ce qu’il soit statué au fond. Dès lors, comment justifier auprès du juge l’exercice d’un tel référé ? L’incohérence de la procédure de contrôle externe vise à priver le justiciable d’une voie de droit devant la juridiction administrative; L’établissement de santé ne pourra ainsi pas agir à titre préventif mais devra attendre la mise en demeure de payer prononcer par l’assurance maladie.

Par ailleurs, en l’absence de caractère exécutoire de la décision de sanction, ne faudrait-il pas envisager, dans le cadre du recours en annulation intenté devant le juge administratif, d’appeler à la cause l’assurance maladie pour que la décision lui soit opposable et s’impose à elle en cas d’annulation de la décision arrêtant le montant de la sanction ?

A ce jour, l’assurance maladie fait fi d’un éventuel recours en annulation de la décision de sanction, sans que sa position ne soit juridiquement contestable, le recours en annulation n’étant pas suspensif d’exécution. Elle adresse donc à l’établissement sanctionné une mise en demeure de payer.

L’établissement n’est pas contraint de procéder au règlement mais peut contester la procédure d’exécution. Il saisit alors la commission de recours amiable compétente (CRA).

Concernant le délai de saisine de la CRA, l’assurance maladie commet, à notre sens, une erreur d’interprétation des textes : Elle notifie à l’établissement, un délai d’un mois suivant notification de la mise en demeure. Or,  la contestation de la décision portant exécution de la sanction financière ne figure pourtant pas à l’alinéa 2 de l’article R.142-1 du CSS (prévoyant un délai réduit à un mois). Cette procédure devrait donc être soumise au délai de droit commun qui est de deux mois.  

Si la CRA rejette expressément la demande ou si elle garde le silence pendant un mois, la procédure de contestation se poursuit, et l’établissement de santé peut alors saisir…. Le TASS !!!

Mais attention ! Les textes restent silencieux sur la possibilité pour l’assurance maladie d’engager une procédure de contrainte. Ainsi, si l’établissement ne paye pas dans le délai d’un mois suivant notification de la mise en demeure, qu’il ait ou non saisi le TASS, il s’expose, à notre sens, à ce qu’une contrainte soit prononcée à son encontre, contrainte dont il pourra faire opposition devant le TASS !


L’incohérence de la procédure de contrôle externe à la tarification vient de prendre toute son ampleur.

D’une part, il apparaît que, plus que jamais, l’assurance maladie est juge et partie. Elle intervient effectivement tout au long d’une procédure (vote du programme, contrôle sur site, procédure d’indu, procédure d’exécution) qui dessert ses seuls intérêts financiers.

D’autre part, arrêtons cette hypocrisie selon laquelle chaque étape de la procédure de contrôle externe est indépendante des autres. Les trois décisions intervenant dans la procédure sont intimement liées : la décision d’indu emporte le prononcé d’une décision de sanction, qui emporte le prononcé d’une mise en demeure de payer !

Ensuite, notons le courage des établissements de santé qui s’engage dans un processus de contestation de la procédure de contrôle externe. Au regard de ce qui précède, il appert qu’il peut engager parallèlement 4 procédures : Contestation de l’indu, contestation de la sanction, contestation de la décision de recouvrement, contestation de la contrainte pouvant être prononcée par l’assurance maladie pour le recouvrement ! Et dire que toutes ces procédures découlent d’un seul contrôle externe à la tarification…

Enfin et surtout, l’établissement de santé s’engage dans un parcours juridictionnel éprouvant : le TA est compétent pour contester le montant de la sanction, mais le TASS est compétent pour contester l’indu, l’exécution de la décision de sanction, et les éventuelles contraintes prononcées par l’assurance maladie en cas de non paiement de l’indu ou de la sanction ! Ô joie de la dualité des ordres de juridiction, une spécificité française!

Dans un souci de simplification, il serait souhaitable que le législateur intervienne pour donner compétence à un ordre juridictionnel de connaître l’ensemble de la procédure de contrôle. En l’absence de rénovation d’une procédure complexe, l’établissement de santé sera amené à solliciter sursis à statuer sur sursis à statuer : devant le TA, dans l’attente de la décision du TASS sur le bien fondé de l’indu, la décision de sanction reposant sur la constatation de manquements aux règles de facturation; devant le TASS, en cas de contestation de la procédure de recouvrement, dans l’attente du jugement du TA sur la décision de sanction…

Le premier qui trouve la cohérence de la procédure de contrôle externe gagne toute notre estime !

En tout cas, une chose est sûre. Si ce grand esprit éclairé à l’origine du contrôle de la tarification à l’activité n’est pas un envahisseur, c’est un descendant des Shadocks : "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer".