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II – DECRYPTAGE DU FONCTIONNEMENT DU GHT

 

Le projet de décret actuellement à la concertation largement diffusé à travers les médias et les forums nous permet de percevoir un peu mieux son fonctionnement et son organisation.

Nous traiterons successivement des thèmes suivants :

–       Sa composition ;

–       Son périmètre

–       Le projet médical partagé ;

–       Le fonctionnement mutualisé et les aspects sociaux ;

–       La fonction achat ;

–       Le Département d’Information Médicale ;

  1- Composition du GHT  

Quels sont les établissements concernés ?

La réponse est simple : TOUS les établissements publics de santé.

Il y a cependant plusieurs exceptions qui méritent quelques développements :

–       dérogation liée à la spécificité dans l’offre de soins territoriale

La première dérogation concerne les établissements pour lesquels est reconnue une «  spécificité dans l’offre de soins territoriale » (article L 6132-1-I CSP). Nous pouvons imaginer que ce type de dérogation pourrait s’appliquer à des établissements dont la situation géographique ou dont les missions justifieraient qu’ils ne participent pas au GHT de leur territoire. L’exemple typique est celui des établissements autorisés en psychiatrie ; Quel est l’intérêt de les faire adhérer à un GHT généraliste ? La loi de modernisation du système de santé leur ouvre un cadre nouveau, celui des projets territoriaux de santé mentale. Ils se tournent désormais principalement vers les collectivités territoriales et les établissements et services médicosociaux. De plus, ils ne partagent ni le mode de financement, ni le dossier patient avec les établissements MCO. Leur spécificité est donc réelle et leur participation à un GHT généraliste posera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. En revanche, leur association au projet médical partagé de façon à décliner le projet territorial de santé mentale est une excellente chose.

Ceci n’est cependant pas la direction qui semble retenue à l’heure actuelle ; Un premier projet de décret aurait même prévu que seuls les établissements nationaux et les établissements venant de fusionner ou allant fusionner pouraient bénéficier d’une dérogation. Outre qu’il s’agirait alors d’un détournement de la loi qui vise une« spécificité dans l’offre de soins territoriale », cela en dirait long sur les intentions des pouvoirs publics.

La nouvelle version du projet de décret n’évoquerait cependant plus les conditions de dérogation (alors qu’il s’agit pourtant de l’un de ses objets qui lui est imparti par l’article L 6132-6).

–       Les CHU

Si les CHU n’échappent pas à l’obligation d’être « partie » à un GHT, ils seront également « associés » aux autres GHT de leur territoire.

Cette disposition est heureuse dans l’esprit et vient corriger l’un des inconvénients des CHT. En revanche, on regrettera cette approximation sémantique qui différencie abusivement « être partie » et « associé ». Il eut été plus simple et juridiquement plus correct de prévoir des obligations de nature différente.

N’aurait il pas d’ailleurs été plus efficient de prévoir, dans un souci notamment de cohérence de l’organisation des soins, que les CHU ne soient partie d’aucun GHT en particulier mais qu’ils soient associés à tous ceux de leur territoire ?

En l’état, ils seront conduits suivant les cas :

–       Dans les GHT dans lesquels ils seront parties, à gérer pour le compte d’autres établissements le DIM, les achats, constituer des équipes médicales communes, constituer des pôles interétablissements, gérer très certainement d’autres fonctions en qualité d’établissement support,

–       et dans les GHT ou ils seront associés à se cantonner au rôle de recours et référent, de gestionnaire de la démographie médicale sans omettre la recherche et la formation.

 

–       Les établissements autorisés en psychiatrie

Ces établissements pourront être  associés  au projet médical partagé des GHT dont ils ne sont pas parties. Comme nous l’avons vu précédemment, les établissements autorisés en psychiatrie devront donc également participer à un GHT. Certains, lorsque la configuration le permettra, constitueront des GHT spécifiques en santé mentale et leur association avec les GHT « généralistes » de leur territoire prendra alors tout son sens. 

Sachant cependant que ces établissements devront par ailleurs participer à l’élaboration de projets territoriaux de santé mentale (article 107) (qui incluraient tous les professionnels et établissements travaillant dans le champ de la santé mentale bien au-delà du sanitaire), qu’ils pourront constituer de surcroît des communautés psychiatriques de territoire qui devront se traduire dans leur projet d’établissement…, la participation, en sus, à un GHT généraliste apparaitrait comme redondante, et se traduirait par un empilement de projets médicaux.

–       Les établissements assurant une activité d’Hospitalisation à domicile (HAD)

La règle est proche de celle prévue pour les établissements autorisés en psychiatrie.

Cela concerne d’abord les établissements publics ayant une activité d’HAD ; Ils pourront être  associés  au projet médical partagé des GHT dont ils ne seront pas parties. A notre connaissance, il n’y a guère d’établissement public ayant pour seule activité l’HAD. Quoi qu’il en soit, leur simple association au GHT dont ils ne sont pas parties mais qui sont situés sur leur territoire est une bonne chose.

Cela concerne également les établissements privés (à but lucratif ou non) ayant une activité d’HAD ; Ils pourront être associés à l’élaboration des projets médicaux des GHT dont ils ne seront pas partenaires. Voilà qui est étrange : être partenaire d’un GHT consistera à prévoir l’articulation de son projet médical avec le projet médical partagé du GHT. N’est-ce pas le but d’être associé au projet médical du GHT ? Et un établissement ne peut-il être alors partenaire de plusieurs GHT ?

–       Les hôpitaux des armées

Ils peuvent également, avec l’autorisation du ministre de la défense et avec l’accord du directeur général de l’ARS, être associés à l’élaboration du projet médical partagé.

–       Les établissements de santé privés

Nous venons de l’indiquer, ils pourront être partenaires. Le partenariat consistera à prévoir l’articulation de leur projet médical avec le projet médical partagé du GHT et prendra la forme d’une convention. Il y aura donc une nécessité en pareille hypothèse d’articuler une convention [de partenariat] avec une convention constitutive de GHT ! Il en sera de même des établissements frontaliers.

En outre, ils pourront participer, suivant le projet de décret, au comité stratégique lorsqu’il sera débattu « des activités mutualisés avec les établissements partenaires » (les établissements associés ont été oubliés dans la rédaction du projet de décret, mais il est vrai qu’il y a de quoi s’y perdre entre partenaire, associé, partie…).

–       Les établissements ou services médico-sociaux publics

Oubliés des CHT, ils peuvent (faculté) être partie à un GHT, mais à un seul, alors même que le décloisonnement entre sanitaire et médico-social au sein du public aurait pu être une bonne chose et régler une fois pour toutes les difficultés de gestion d’un grand nombre de petites et moyennes structures médico-sociales publiques.

 

 

 

2 – Le périmètre du GHT

La question cruciale est alors de savoir comment sera fixée la liste des établissements qui devront être  parties à un tel GHT, quel en sera le périmètre ?

Le projet de Loi dans sa première version prévoyait que la liste des membres (on parlait alors de « membre » et non de « partie à la convention ») d’un GHT devrait être établie en accord avec les établissements.

Puis, dans une seconde version, le futur article L6132-6 prévoyait « Les directeurs généraux des agences régionales de santé arrêtent, dans le respect du schéma régional de santé prévu à l’article L. 1434-3, la liste des groupements hospitaliers de territoire dans la ou les régions concernées et des établissements publics de santé susceptibles de les composer »

Mais la version finale est quelque peu différente : l’article L 6132-5-I précise que « Après avoir reçu les projets médicaux partagés des établissements souhaitant se regrouper au sein d’un groupement hospitalier de territoire ou en cas d’absence de transmission des projets médicaux partagés, les directeurs généraux des agences régionales de santé arrêtent le 1er juillet 2016, dans le respect du schéma régional de santé prévu à l’article L. 1434-3, la liste de ces groupements dans la ou les régions concernées et des établissements publics de santé susceptibles de les composer ».

La rédaction ne souffre aucune ambiguïté : les GHT sont constitués des établissements qui ont souhaité se regrouper et ont établi un projet médical partagé. Le DG d’ARS en prend acte et arrête au 1er juillet la liste des GHT.

Ce n’est que dans l’hypothèse ou il n’y a pas de projet médical partagé au 1er juillet 2016 que le DG d’ARS peut imposer un GHT.

A l’évidence, dans les faits, nous sommes bien loin du schéma voulu par le législateur ; A chaque région, sa liste et sa cartographie des GHT d’ores et déjà établies par les ARS ; certains sont départementaux, d’autres dépasseraient 40 établissements et un bassin de population supérieur à un million d’habitants, d’autres à 200 000 habitants… 

Il est regrettable que le périmètre des futurs GHT ait été laissé autant dans le flou et ne puisse faire l’objet d’un véritable travail en concertation avec tous les acteurs du territoire et en particulier avec les collectivités territoriales ; les GHT auront en effet un impact direct sur l’aménagement du territoire et l’occasion était donné de pouvoir intégrer le sanitaire dans l’aménagement territorial. 

Quoi qu’il en soit, sur un terrain strictement juridique (article L6132-5-I du CSP), des établissements seraient en droit de présenter à l’ARS un projet médical sur un territoire librement défini quand bien même il ne correspondrait pas au souhait de cette même agence. Juridiquement, l’ARS ne pourrait y apporter que des remarques et demander des modifications liées exclusivement au SROS. Mais dans les faits, cela apparaît dès à présent un cas d’école parfaitement hypothétique…

Dernière question : Un établissement public de santé pourrait-il sérieusement refuser d’adhérer ?

 L’absence d’adhésion empêcherait les établissements de pouvoir bénéficier des dotations de financements des missions d’intérêt général et de l’aide à la contractualisation (dispositions qui devraient être applicables à compter du 1er juillet 2016). Les conséquences financières d’un refus d’adhésion à un GHT devraient donc emporter définitivement la conviction des derniers récalcitrants.

3- Le projet médical partagé  

La lettre de la Loi ne nous permettait pas d’appréhender réellement la nature, le contenu et la méthodologie des projets médicaux partagés.

Ce que nous apprenons du projet de décret nous permet de considérer que le projet médical serait établi pour 5 ans maximum et pourrait être modifié par voie d’avenant à la convention constitutive du GHT (le projet médical est « défini » au sens de la Loi par la convention constitutive).

Le projet médical précise la « stratégie médicale du GHT par filières ».

Il devrait comprendre ;

1° Les objectifs médicaux conformes au PRS;

2° Les objectifs en matière d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins;

3° L’organisation par filière d’une offre de soins graduée de la proximité au recours;

4° La description de l’organisation des activités par site, au sein de chacune des filières, portant sur :

–       la permanence et la continuité des soins,;

–       les activités de consultations externes et avancées,;

–       les activités de prise en charge ambulatoire;

–       les activités d’hospitalisation conventionnelle,;

–       les plateaux techniques;

–       la prise en charge des urgences et soins non programmés;

–       les activités de soins de suite et réadaptation;

–       les activités d’hospitalisation à domicile ;

–       les activités de prise en charge médico-sociale.

5° Le projet commun de biologie médicale;

6° Le projet commun d’imagerie diagnostique et interventionnelle;

7° Le projet commun de pharmacie le cas échéant ;

8° La répartition des emplois médicaux et pharmaceutiques;

9° Les modalités d’organisation des équipes médicales communes.

Le projet médical serait donc très complet et ne pourrait donc se satisfaire d’une simple juxtaposition des projets d’établissements.

Enfin, précisons que la nouvelle organisation devrait tenir compte des coopérations respectives de chacun des établissements et services parties au groupement.

Cela n’est il pas contradictoire avec l’impérieuse nécessité d’un projet par filière qui devrait conduire inéluctablement à remettre en question immédiatement ou à moyen terme certaines coopérations avec des opérateurs privés ?

Que se passera-t-il si un établissement refuse de se plier au projet médical qui sera établi ?  La question n’est pas d’école. Nous répondrons dans le chapitre suivant relatif au processus de création du GHT.

 

Le processus d’adoption du GHT : du projet médical à la convention constitutive  

Les étapes :

Le mode de création et d’approbation d’un GHT exige que l’on s’y attarde quelque peu :

Si nous nous en tenons à la Loi, nous devons considérer que :

1-    Le projet médical partagé est transmis à l’ARS par les établissements qui souhaitent se regrouper au sein d’un GHT (combinaison des articles L6132-1-I et L 6132-5-I).

 

Nous en déduisons que le projet médical est la première étape du processus.

 

2-    Le 1er juillet 2016, le DG d’ARS arrête la liste des groupements et des établissements qui les composent ; une distinction doit être faite entre ceux qui ont transmis volontairement un projet et ceux qui ne l’ont pas transmis et qui se verront imposer un GHT. Le premier effet de cette liste est d’entraîner aussitôt la création du comité territorial des élus. Précisons également que les CHT sont automatiquement transformées à cette date en GHT.

 

La seconde étape est donc celle de l’arrêté de la liste.

 

3-    La troisième serait celle de l’approbation de la convention constitutive ; Tel est bien le sens de l’article L 6132-2-I ; « le projet médical est transmis à l’agence …avant la conclusion de la convention constitutive » (article L 6132-2-I du CSP).

La convention constitutive fixe notamment la gouvernance et l’organisation du futur GHT.

Toutefois, l’article 108 de la loi contrevient, in fine en ses dispositions V que « La liste des groupements hospitaliers de territoire prévue au I de l’article L. 6132-5 du code de la santé publique est arrêtée avant le 1er juillet 2016 en conformité avec le schéma régional en vigueur à cette date ».

Bien plus ; « VI.  Chaque établissement public de santé, …, conclut une convention de groupement hospitalier de territoire avant le 1er juillet 2016 ».

A l’évidence, nous faisons face à une contradiction que l’on peut sans aucun doute rattacher à la navette parlementaire : le Sénat a souhaité imposer le projet médical comme socle fondateur du GHT (tel est le sens de l’article L 6132-2-I du CSP) en modifiant l’ordonnancement souhaité par le gouvernement. Ce dernier, par le biais de la chambre des députés, est revenu avec le calendrier sur le processus d’adoption.

Au final, nous tenterons de régler cette contradiction en considérant qu’au 1er juillet 2016, le Directeur général de l’ARS devra être en possession d’une part, d’un projet médical et d’autre part, d’une convention constitutive.  

Qui décide ?

–       Le projet médical : La loi se borne à indiquer qu’il est transmis par les établissements à l’ARS. Le projet de décret précise qu’il « implique les professionnels médicaux et soignants des filières concernées». Il appartiendra aux établissements de décider de leur mode d’élaboration du projet médical.

 

Que se passe-t-il si un établissement refuse de se plier au projet médical ?

Dans une première version – très vite retirée –, le projet de décret prévoyait que le directeur de l’établissement support pourrait enjoindre les représentants de l’établissement récalcitrant à se mettre en conformité, ce qui créait une hiérarchie entre établissements publics de même nature et …toujours autonomes.

Dans la seconde version, il est prévu, plus pudiquement, que les projets médicaux des établissements parties au groupement hospitalier de territoire sont conformes au projet médical partagé du groupement hospitalier de territoire.

–       La convention constitutive : La convention constitutive du groupement est transmise à l’Agence régionale de santé (ou aux agences) qui « apprécie » sa conformité avec le(s) Plan Régional de Santé (PRS) et le DG d’ARS peut demander à ce qu’il soit apporté des modifications pour sa mise en conformité. Pour les CHT, le DG d’ARS vérifiait  simplement sa compatibilité avec le SROS.

L’approbation de la convention par le(s) directeur général de l’ARS emportera  création du GHT. Aucune publication ne serait prévue à l’instar des CHT. Et pour cause, il s’agit d’une convention, sans création de personne morale.

Dans cette logique de renforcement des pouvoirs des ARS, le respect du projet médical du GHT devrait également s’imposer, au même titre que le respect du PRS, pour l’octroi de toute autorisation d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds (dispositions qui devraient être applicables à compter du 1er janvier 2016).Une façon habile de bloquer toute velléité d’indépendance des membres du GHT.

Suivant ce que nous savons du projet de décret, la convention  constitutive est préparée par les directeurs et les présidents de CME. Elle est approuvée par les directeurs. Il n’y aura pas de vote au CTE et au conseil de surveillance.

En revanche, l’avis des CTE et des CME sera recherché ce qui, au regard du périmètre de compétence de ces deux instances, est un préalable obligatoire.

En d’autres termes, la convention constitutive reposera avant tout sur les directeurs d’établissement.

L’approbation aura lieu par le directeur général de l’ARS  

 

4-   Un fonctionnement centré sur un établissement support et gestionnaire des activités mutualisées pour le compte des membres

 

Le GHT est présenté comme un outil de coopération qui vise « à rationaliser les modes  gestion soit par une mise en commun de fonctions soit par des transferts d’activité entre établissements. Les modes de gestion s’entendent ainsi de plusieurs manières, la gestion de l’offre de soins d’une part (…) et la gestion des outils supports d’autre part, permettant une amélioration des modalités de travail » (Rapport de la commission des affaires sociales).

La mise en commun de fonctions repose en réalité sur la désignation d’un établissement dit « support » qui gérerait ces activités et fonctions pour le compte de l’ensemble des membres :

 Le mécanisme est celui de la délégation de compétence : « L’établissement support désigné par la convention constitutive assure, pour le compte des établissements parties au groupement… »

Les délégations suivantes au bénéfice de l’établissement support sont obligatoires :

–       Stratégie, gestion et optimisation du système d’information hospitalier (SIH), avec un dossier patient partagé et mise en œuvre des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ;

–       La gestion du département de l’information médicale (DIM), avec transmission des données au « médecin responsable  de l’information médicale du groupement » (nous y reviendrons ultérieurement) ;

–       La fonction achats ;

–       la formation initiale et continue des professionnels de santé (coordination des instituts et écoles de formation, plan de formation continue) ;

 Il s’agit du cœur du dispositif qui doit se conjuguer avec les mesures financières ;

–       L’EPRD de chaque établissement est apprécié au regard de l’ensemble des budgets des établissements ;

–       Application de la législation sur les comptes consolidés à compter de 2020.

A cela, rajoutons que la certification sera conjointe.

Enfin, toujours au chapitre des dispositions obligatoires figure la coordination des missions d’enseignement, de formation des professionnels médicaux, de recherche, de gestion de la démographie médicale et les missions de référence et de recours qui par les CHU au bénéfice des établissements parties au GHT auxquels ils sont associés.

De quelle liberté disposeront alors les établissements dans la convention constitutive?

Celle de pouvoir confier à l’établissement support d’autres « délégations » : activités administratives, logistiques, techniques et médico- techniques, gestion des équipes médicales communes, mise en place de pôles inter-établissements.

Dans le cadre de la mutualisation voulue par la voie de délégations de fonctions, d’activités ou de gestion, la gouvernance mise en place témoigne avec l’organisation du dialogue social et de l’exercice médical mutualisé des enjeux sociaux de ce « groupe-ment ».

 

4-1. une gouvernance préfigurant une fusion

  1. a.    un comité stratégique en soutien de l’ « établissement-support »

Si la composition du comité stratégique telle qu’envisagée[1] prévoit la présence[2] de :

–       directeurs des établissements membres du GHT

–       présidents des CME des établissements membres du GHT

–       présidents des CSIRMT des établissements membres du GHT

elle ne prévoit en revanche pas la présence de représentants du personnel. Cela étant, le fait de ne pas prévoir dans sa composition la présence de représentants du personnel est cohérent d’un point de vue juridique. Le GHT étant sans personnalité juridique, il n’est pas employeur.

Le comité stratégique rappelle furieusement le directoire d’un établissement ; la comparaison est frappante ; Présidé par le chef de l’établissement support ( directeur ), avec un  responsable de la stratégie médicale (Président de CME) et un coordonnateur général des soins. Les autres présidents de CME ne feraient-ils alors office de chefs de pôles, les directeurs des établissements parties, de membres de la direction ?  

Il est donné pour compétence à ce comité stratégique de « proposer ses orientations au directeur de l’établissement support dans la gestion et la conduite de la mutualisation des fonctions et du projet médicale partagé ».

Le domaine de compétence du comité stratégique circonscrit dans le projet de décret est imprécis et minimisé par rapport à celui que lui donne la loi (art.L.6132-2 II. 5°b). La loi prévoit que le comité stratégique se prononce « sur la mise en œuvre de la convention et du projet médical partagé ». Le projet n’aborde pas à côté des « fonctions » déléguées[3], les « activités » déléguées[4] ou encore les transferts d’activités[5] ou enfin l’organisation des activités et la répartition des emplois médicaux…etc.[6]

On regrette que le projet de décret ne définisse pas la notion d’ « activités déléguées » c’est-à-dire gérées par l’établissement support pour le compte des établissements membres.

  1. b.   Le responsable de la stratégie médicale et l’éventuelle « CME-GHT »

Aux côtés du comité stratégique, le responsable de la stratégie médicale (RSM), médecin d’un des établissements membres du GHT[7] est élu parmi les membres du comité stratégique, c’est-à-dire parmi les présidents des CME des établissements membres[8]. Le responsable de la stratégie médicale du GHT est donc forcément un président de CME.

En cas de mise en place d’une « CME » du GHT, le Président de cette « CME-GHT » est membre de droit du comité stratégique GHT et est le responsable de la stratégie médicale GHT [9])

Ce RSM aura pour fonction notamment de « coordonner la stratégie médicale du GHT »[10]. On peut et on doit alors s’interroger sur l’autorité et les pouvoirs ou prérogatives qui seront donné au responsable de la stratégie médicale, nécessairement Président de CME d’un établissement membre du groupement, à l’égard de ses confrères  également présidents de CME des autres établissements membres du GHT ainsi que des chefs de pôles de ces mêmes établissements membres. Quelles en seront les implications en cas de CME de groupement ?

La constitution d’une commission médicale de GHT est laissée la libre détermination des établissements membres. La désignation et le « mandat » des membres des CME des établissements membres seront déterminés dans le Règlement intérieur (RI) GHT qui fixera la répartition et le nombre de sièges[11]. Le projet de décret reste à ce stade très imprécis et sujet à des disparités fonctionnelles selon les GHT. Le RI devra-t-il également fixer les modalités de désignation ? ou faut-il que ce soit dans le décret ?

4-2. des instances de dialogue social a minima

Le projet de décret prévoir la création obligatoire d’un« espace d’expression et de dialogue »[12]avec une « représentation minimale et équilibrée » gouvernée par le « principe général de représentativité ». Au sein de cet espace se réuniraient des :

–       représentants du personnel des CTE des établissements membres

–       représentants CME des établissements membres

–       représentants direction

–       voire des représentants CME-GHT

Il reviendrait alors à la convention constitutive du GHT de fixer tout à la fois la composition, l’organisation, le fonctionnement et le périmètre d’intervention. Le champ des possibles apparaît particulièrement ouvert. Mais l’est-il réellement ?

Cet « espace d’expression et de dialogue » n’a aucune définition juridique. Le décret mériterait d’apporter des précisions sur sa nature juridique et sa compétence. Au surplus la loi prévoit en son article L.6132-2. 5°c) du CSP la possibilité de prévoir dans la convention constitutive la mise en place d’ « instances communes ». En revanche, la loi ne prévoit pas la mise en place d’un « espace d’expression ». Cet espace correspond-il à une instance au sens de la loi ? Le décret semble pour le moins imprécis et peut être sérieusement suspecté d’excéder le champ des dispositions de la loi.

Si cet « espace » est une instance, une autre question émerge. Peut-on prévoir une instance de dialogue social au sein d’un GHT qui n’a pas de personnalité juridique et qui n’est a fortiori pas employeur ? Quelle serait la finalité d’un tel espace, d’une telle instance ?

Si une instance de dialogue social a pour objet d’émettre un avis à l’attention d’une autorité de nomination décisionnelle. Ici, le GHT étant dépourvu de personnalité juridique, et donc de qualité d’employeur ; aucun avis, aucune consultation n’est donc requise en matière sociale au niveau du GHT. Tout au plus le « dialogue social » peut-il prendre la forme d’une simple information « descendante » au sein d’une instance commune.

Si le projet de décret prévoit que le fonctionnement et le périmètre de compétence de cet « espace d’expression et de dialogue » sont définis par la convention constitutive, nous aurons des GHT qui pourront avoir des espaces de dialogue et d’expression des personnels avec des prérogatives différentes selon la rédaction de la convention constitutive.

La composition prévue au projet de décret interroge également. Dès lors qu’une CME-GHT serait créée, pourquoi prévoir la désignation de représentants des CME qui s’ajouterait aux représentants des CME  déjà désignés au sein de la « CME-GHT ». En toute vraisemblance, il s’agit ici d’une imprécision rédactionnelle qui mériterait d’être corrigée pour éviter une double représentation des CME des établissements membres.

Le projet de décret doit être plus précis pour éviter toute confusion et ambiguïté pouvant être source d’inquiétude et de revendication des organisations syndicales à être représentées au sein des diverses instances du GHT. Notons qu’à juste titre, le comité stratégique ne comporte pas dans ses membres de représentants du personnel. Laisser tel quel l’article R.6132-11 CSP pourrait inciter les syndicats à réclamer des membres au sein du comité stratégique.

Le projet de décret est silencieux sur l’articulation des instances consultatives (CTE, CHSCT et CAP) respectives des établissements et de l’établissement support pour la gestion des personnels liés aux fonctions et activités déléguées.

Or, des précisions sont indispensables au niveau réglementaire sur ces questions juridiques comme sur les rapports de droits découlant du transfert de compétences (fonctions déléguées) ou découlant d’une délégation de gestion (activités déléguées). Y a-t-il un dessaisissement totale des compétences et donc des responsabilités y afférents des établissements membres ?

En d’autres termes, l’établissement support délégataire devient-il totalement responsable des compétences déléguées (fonctions/activités) ?

Dans l’affirmative, le personnel devrait lui être transféré avec toutes les conséquences en termes de gestion individuelle, collective. A défaut, comment doit s’opérer, de manière non exhaustive, la gestion du lien hiérarchique, la notation et l’évaluation, les élections professionnelles, la discipline… ?

Par ailleurs, le conseil de surveillance des établissements membres doit-il (cela nous apparaît nécessaire) et selon quelles modalités se prononcer sur ces délégations et/ou transfert de compétences? (art.L.6132-7. 7° CSP).

Le projet de décret doit nécessairement répondre à l’ensemble de ces questions de droit et de gestion. Nous en proposons quelques-unes :

1)   Il serait préférable de modifier cet article R.6132-11 du CSP en prévoyant la « possibilité » de prévoir dans la convention constitutive du GHT la mise en place d’une instance commune d’information composée de membres désignés par les représentants du personnel des CTE des établissements membres sur des matières précises et limitativement énumérées (par exemple l’organisation des activités au sein du GHT, l’organisation territoriale des équipes médicales communes …etc.). Cette instance commune ne se réunirait que pour des problématiques communes entre les établissements parties à la convention constitutive.

Reste à déterminer les modalités de convocation : par exemple et indépendamment d’une convocation à l’initiative du directeur de l’établissement support et ou du directeur d’un établissement membre, on pourrait imaginer que ladite instance serait convoquée sur demande des 2/3 de ses membres.

Nous serions ici sur la même logique du CHSCT de coordination prévu par le code du travail et qui n’est pas un CHSCT permanent. Cette proposition revêt plusieurs intérêts : contenir la propension à la multiplication des réunions d’instances qui sont chronophages et qui ont un impact financier (coût des crédits d’heures, temps hors du service auprès des patients).

2)   L’article 7 du projet de décret prévoit l’intégration d’un 7° à l’article R.6144-40 du code de la santé publique qui vient compléter la compétence des CTE en matière de consultation sur la convention constitutive du GHT. Cette intégration est redondante car l’article 1er du projet de décret (R. 6132-5 I- 1° et 2°) prévoit déjà que les comités techniques d’établissement sont consultés pour avis. Cette intégration est également incohérente puisque l’article R.6144-40 CSP n’a pas intégré les consultations des CTE sur les conventions constitutives des différents groupements (GCS, GCSMS, GIP…). Pourquoi modifier l’article R.6144-40 CSP pour les GHT et pas pour les autres groupements ?

3)   Par ailleurs, il serait peut-être opportun de prévoir que lesdites instances sont consultées non seulement sur la convention constitutive mais également sur le règlement intérieur dudit GHT qui est élaboré et adopté par le comité stratégique (art.R.6132-2 CSP).

 

4)   Une instruction ou une circulaire pourrait à profit préciser que si la convention constitutive et son règlement intérieur emportent tous deux une modification substantielle des conditions de travail des agents des établissements parties à la convention constitutive (transfert d’activité, transfert de compétences, délégation de compétences et de gestion), le CHSCT de l’établissement concerné est consulté dans les conditions de l’article L.4614-12 du code du travail. En effet, à défaut de consultation préalable, il existe un risque de suspension de la procédure de publication de la convention constitutive par le juge judiciaire pour trouble manifestement illicite au visa et sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile ou de suspension par le juge des référés suspensions du TA.

 

4-3. une gestion mutualisée des équipes médicales communes et les pôles inter établissements[13]

Le projet de décret prévoit que les pôles inter établissements seront gérés par l’établissement support pour le compte des établissements parties ![14]

Les pôles inter établissement n’ont pas de personnalité juridique. Ce ne sont pas des instances. Ce sont des organes qui ne sont pas internes à un établissement publics de santé comme les pôles d’activités, mais qui seraient « externes » aux établissements parties au pôle inter établissement.

Plus encore ces organes externes seraient gérés par un autre établissement dit-support, alors même que la loi ne prévoit que la gestion par l’établissement support de « la mise en place » de ces pôles inter établissement. Le projet de décret irait donc plus loin que la loi qui ne vise pas la mise en œuvre des pôles dans les compétences déléguées à l’établissement support.

On peut se demander si ces pôles inter établissements ne devraient pas en définitive prendre une forme juridique tel qu’un groupement de coopération sanitaire (GCS) afin de donner un sens à la notion d’autorité fonctionnelle et de permettre des mises à disposition des personnels tant médicaux que non- médicaux pour la réalisation du projet médical partagé et des contrats de pôle inter établissements en résultant (prestations médicales croisées). Dès lors le praticien chef du pôle inter établissements, étant détenteur d’une délégation de gestion, pourrait disposer d’une autorité fonctionnelle sur le personnel mis à disposition de son pôle. Le directeur de l’établissement support est en revanche du fait de la loi détenteur de la délégation de compétences pour gérer la mise en place desdits pôles. Est-ce à dire que la gestion des personnels mis à disposition du pôle inter établissements ne relèverait pas de sa compétence et serait conservée par les établissements membres dont relèvent lesdits personnels ?

Le projet de décret ou une circulaire devrait apporter des précisions et clarification sur ces points.

A cette réflexion, il faut également relever que la multiplication des niveaux de gestion pourrait complexifier l’organisation et la mutualisation visée puisque les pôles d’activités dans les établissements seront conservés.

Dans l’optique d’une gestion mutualisée des équipes médicales, la loi de modernisation du système de santé et le projet de décret sur le GHT[15] organise la publicité des postes correspondant aux emplois médicaux par le directeur de l’établissement support par délégation ou par l’un ou plusieurs des directeurs d’établissement concernés.

Est ainsi organisé un dessaisissement du pouvoir d’affectation des praticiens hospitaliers et de recrutement du directeur d’établissement membres du GHT au profit du directeur de l’établissement support, interrogeant sérieusement sur l’existence d’un transfert à l’établissement support du personnel médical ainsi affecté dans les équipes communes le cas échéant – voire mis à disposition – au sein de pôle inter établissements.

Si est expressément visé la gestion des praticiens hospitalier dans cette gestion mutualisée dans le GHT, en revanche rien n’est prévu pour les autres catégories du personnel médical :Qu’en est-il des praticiens contractuels, cliniciens, attachés…etc des internes et post-internat ? Aucune disposition n’est prévue pour ces autres personnels médicaux alors qu’ils constitueront à n’en pas douter des acteurs incontournables des équipes médicales communes.

 

4-4.      les fonctions « RH » obligatoirement déléguées : coordination des IFSI …etc et des plans de formation ; art.4 : médecin DIM : R.6113-11-1 CSP et suivant

Si le projet de décret apporte quelques précisions sur la désignation et les missions du médecin responsable DIM de territoire sans pourtant abordé la question des responsabilités, en revanche le projet de décret est silencieux sur la fonction de coordination des instituts de formation et des plans de formation.

 

Le point 3° de l’article L.6132-4 I prévoit qu’un transfert de compétences s’opère d’office des établissements membres vers l’établissement support pour assurer des fonctions de coordination des IFSI et autres instituts de formation du GHT et des plans de formation tout au long de la vie professionnelle et de DPC. Dans cette hypothèse, les établissements membres conserveront la compétence d’établissement des plans de formation après consultation des instances représentatives du personnel hospitalier et médical dans l’établissement (CTE, CME). Cependant, préalablement, le rôle de coordination de l’établissement support aura pour effet :

       d’une part de mutualiser les démarches de marchés publics, trouver, évaluer et sélectionner des formateurs internes et externes pour intervenir au sein du GHT.

       d’autre part d’homogénéiser les plans de formation dans le GHT sur la base d’axes de formation prioritaires au regard des enjeux du territoire et donc d’homogénéiser les politiques de GRH dans le GHT.

Si la loi donne un rôle de coordonnateur, est-ce pour autant que le directeur de l’établissement support pourra imposer sa politique de GRH en matière de formation aux autres établissements membres ? Rien n’est moins sûr. La loi n’a pas prévu en effet de contraindre les établissements membres à suivre les règles de coordination fixées par l’établissement support. Il reste à savoir qu’elles seront les précisions réglementaires (art. L.6132-7 5° CSP). En tout état de cause, les représentants du personnel prennent une part active dans la définition des plans de formation. Aussi, le rôle de coordination sans mise en place d’une instance consultative propre à garantir un dialogue social à ce niveau avec les partenaires sociaux s’exposerait à des difficultés de fonctionnement.

 

Article cosigné par Me Laurent HOUDART, Me Stéphanie HOUDART, Me Guillaume CHAMPENOIS, Me Pierre-Yves FOURE, Monsieur Dominique LAROSE, Me Caroline LESNE, Madame Laurine JEUNE et Me Mélanie HUET

DERNIERE PARTIE DE CETTE ANALYSE A DECOUVRIR SUR NOTRE BLOG LE MARDI 8 MARS



[1] art. R. 6132-7 CSP

[2] Composition du comité stratégique prévue par la loi de modernisation du système de santé : L.6132-2 II.5° b) CSP

[3] art.L6132-2 CSP

[4] art.L.6132-2 II.2° CSP et art.R.6132-3 II CSP

[5] art.L.6132-2 II. 3° CSP

[6] art.L.6132-2 II 4°CSP

[7] R. 6132-8 I al. 1er et al.2 CSP

[8] R.6132-8 I.al.3 CSP

[9] R.6132-I al.2 CSP

[10] R.6132-8 II CSP

[11] R.6132-9 II CSP

[12] R.6132-11 CSP

[13] art. R.6132-19 et art.5 projet  de décret)

[14] R.6132-19 I. CSP

[15]L.6132-2 II 4° CSP et l’art.6 projet de décret