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Synopsis : Après s’être fait enfumer par sa banque, une collectivité publique décide de se désintoxiquer de l’addiction aux emprunts structurés et entame une thérapie en refusant d’honorer sa dette aux conditions qui lui ont été imposées et en saisissant les tribunaux. C’est ainsi qu’entre deux contentieux, elle fait la connaissance de plusieurs personnes et réalise peu à peu…

Au cas d’espèce, la municipalité d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) refuse de payer la hausse d’intérêts d’un emprunt toxiques à la banque Dexia qui représenterait "un surplus financier de 380.000 euros"mais s’engage à régler à l’échéance les intérêts "sur la base du taux initial de 4,50%". Dans le même mouvement, la commune dépose plainte au pénal pour "publicité trompeuse et pratique commerciale trompeuse" et assigne la banque devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour demander la nullité du contrat d’emprunt (Source AFP, 26 septembre 2012). Dans le même temps, le Député-Maire d’Asnière qui a hérité de la situation, interroge la ministre en charge de la décentralisation lors de la séance de questions au Gouvernement à l’Assemblée Nationale du 26 septembre 2012.

La réponse du 3 octobre 2012 prête à l’évidence à interprétation : « Les parties contractantes au contrat de prêt ne peuvent décider, ni d’un côté, ni de l’autre, de s’arranger avec la loi. Les banques doivent d’un côté respecter leurs obligations. Les collectivités doivent honorer leurs échéances de prêt sauf à avoir fait constater les manquements ou fautes».

Cette réponse a été majoritairement comprise par la presse qui a relayé cette information, comme une injonction aux collectivités territoriales d’honorer leur dette quoi qu’il leur en coûte. Et ce message vaut certainement de manière égale pour les hôpitaux que l’on cherche par tous moyens à détourner de la voie contentieuse (Voir notre précédent billet sur ce sujet).Et une telle injonction paraît machiavéliquement cohérente, puisqu’il ne faut pas fâcher les banques si l’on souhaite qu’elles recommencent à prêter aux collectivités et établissements publics. Bien plus, il ne faut pas dégrader encore plus la situation de Dexia qui devra être prochainement recapitalisée par les Etats français et belges, et ce d’autant plus que clle-ci vient encore d’accroître ses pertes de 199 millions d’euros lors de la recapitalisation de la Banque International à Luxembourg (BIL) – qui était considérée comme une des pépites de DEXIA – à l’occasion de sa cession à la famille royale qatarie Al Thani (L’Echo, 7 octobre 2012).Si l’on considère l’effort budgétaire que la France doit faire pour respecter ses engagements 2013 avec les difficultés énormes que l’on voit, on comprend mieux une stratégie qui viserait à limiter l’ardoise finale de la banque qui pèsera incontestablement et dans des proportions encore difficilement chiffrables sur le budget et les ratios d’endettement nationaux.

Ceci étant dit, tout n’est-il pas dans le "sauf à avoir fait constater les manquements et les fautes" ?

Et des manquements et des fautes, il peut y en avoir un certain nombre en matière d’emprunts structurés !

-l’interdiction faite aux collectivités locales et aux établissements publics de souscrire des contrats à caractère spéculatif, rappelée par la circulaire interministérielle du 15 septembre 1992 (CA Paris, 4 juillet 2012, n° 11/21801) ;
– l’absence ou le caractère erroné du taux effectif global (TEG) en contravention avec l’article L. 313-4 du Code monétaire et financier ( L’omission du TEG ou toute erreur dans son calcul entraînent l’annulation par le juge civil de la clause d’intérêt du prêt et son remplacement par le taux de l’intérêt légal, et l’application de ce dernier depuis la date de signature du contrat – Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2010, n° 09-67930) ;
– la violation des obligations d’information et de mise en garde du prêteur (Cass. Com., 5 novembre 1991, « Buon») ; Le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde "s’analyse en la perte d’une chance de ne pas contracter» (Cass. Com., 20 octobre 2009, n°08-20.274).
– le vice du consentement qui impose de démontrer, sur la base d’éléments de preuve, la carence d’information ou de conseil, voire une présentation trompeuse des caractéristiques des emprunts proposés.

Les moyens ne manquent pas ! Dès lors, oui ! "Les collectivités doivent honorer leurs échéances de prêt sauf à avoir fait constater les manquements ou fautes»