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Nous avons d’ores et déjà évoqué dans ces colonnes les divergences d’interprétation éclatantes entre la lettre de l’article 64 de la loi qui vient d’être adoptée et le texte du projet de décret soumis à concertation.

Afin d’oeuvrer dans le souci permanent du bien commun et éviter des déboirs inutiles à ce décret déjà bien tardif, l’Ornithorynque apporte sa modeste pierre à l’édifice en rappelant quelques "impondérables" juridiques et notamment que le pouvoir réglementaire doit impérativement se conformer à la volonté du législateur. Eh oui ! C’est comme ça ! C’est terrible un Etat de droit !!!

Ainsi, de jurisprudence constante,une décision réglementaire ne peut méconnaître les dispositions de la loi applicable à la date de l'édiction de l'acte, ainsi que son sens et sa portée (CE 10 mars 1950, Guilloux et Ramatis Rec. CE p. 150).

La violation de la volonté du législateur telle qu'interprétée par le juge autant que la méconnaissance des dispositions expresses du texte est source d'illégalité.

Pour interpréter la loi, le juge de l'excès de pouvoir peut se référer aux travaux parlementaires (CE 16 mars 1956 Garrigou, Ass, rec CE p. 121).

Le juge vérifie si la volonté du législateur a bien été respectée par le pouvoir réglementaire. Par exemple, "Rien, dans les débats parlementaires n'indique que le législateur ait entendu confier au Gouvernement le pouvoir de définir discrétionnairement, au sein de l'ensemble des entreprises industrielles et commerciales, des catégories dont il serait a priori inutile de favoriser l'adaptation des structures à l'évolution économique, par exemple en ne retenant que les seules entreprises industrielles à l'exclusion de toutes les autres entreprises commerciales.
Au contraire, dans son rapport devant le Sénat, M. Marcel Pellenc (Doc. Sénat n.16.62/63 avait souligné que le texte avait pour objet d'étendre le champ d'application de l'agrément jusqu'alors prévu à l'article 722 du CGI ; or cet article, s'il était limité aux seules opérations immobilières effectuées en vue d'opérations de regroupement et de reconversion, concernait bien les opérations de type de réalisées par toutes les entreprises industrielles ou commerciales. M. Pellenc exposait que l'objet viserait désormais plus largement non seulement les acquisitions d'immeubles, mais les acquisitions de fonds de commerce, et que l'expression «adaptation des structures à l'évolution économique» était moins restreinte que celle de regroupement et reconversion ».
Le Législateur n'a donc pas eu un seul instant l'idée que l'extension de la définition matérielle des opérations susceptible d'être favorisées pourrait aller de pair avec une réduction de la définition fonctionnelle des entreprises pouvant se prévaloir du texte.
Néanmoins, le décret (simple) pris pour son application (n° 64-442 du 21 mai 1964 ; modifié le 17 juin 1977, le 20 juin 1979 en en dernier lieu, le 16 décembre 1983) codifié à l'article 265 du CGI, a prévu que la réduction des droits de mutation tant sur les immeubles que sur les fonds de commerce ne concernait que les seules entreprises ou établissements industriels : seules échappent à l'ostracisme contre le non-industriel les créations de centres de formation professionnelle, les acquisitions des coopératives agricoles et les créations, extensions ou décentralisations des services de direction d'études, d'ingénierie et d'informatique, encore ces exceptions ne
concernent elles que les mutations immobilières.
Contrairement à ce que soutient le Ministre, l'expression «dans les conditions prévues par décret» contenue dans la loi du 15 mars 1963 n'emporte pas délégation au Gouvernement du pouvoir de réserver l'application de l'avantage fiscal à une catégorie de contribuables si la définition de cette catégorie n'est pas faite selon des critères répondant à l'objectif du législateur. Le Gouvernement tenait de ce texte, certainement, le pouvoir de créer un mécanisme d'agrément, de déterminer des modalités telles que la consultation de tel ou tel organisme de planification de fixer des conditions liées à la création ou au maintien d'emplois, à l'intérêt de l'opération par rapport à la politique d'aménagement du territoire, etc…mais l'exclusion de tout (ou quasiment tout) ce qui n'est pas industriel n'était pas possible puisque le Législateur avait au contraire repris l'expression « des entreprises industrielles et commerciales » sans même la faire précéder du pronom indéfini «certaines» (des entreprises….)."(Conclusions  Commissaire du gouvernement Martin Laprade sous la décision du CE 7 décembre 1988, n° 84073, 7ème et 8ème s.-s., Droit Fiscal 1989 n° 18 com 936).

Ne me remerciez pas, il ne s’agit que d’une modeste contribution à la prévention du contentieux…