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Dans la poursuite de sa jurisprudence[1], le Conseil d’Etat a fait récemment application de la méthode d’identification des conséquences de l’anormalité d’un acte administratif dans le cadre d’un arrêt publié au recueil Lebon.

A la suite d’un accident de la circulation, Mme X a été prise en charge dans un état grave au sein d’un établissement public de santé. Elle y a subi une importante intervention chirurgicale en vue de réduire les nombreuses fractures dont elle était atteinte. Au bout de 3h30 d’intervention, la patiente a fait l’objet de deux arrêts cardio-circulatoires successifs. En dépit des moyens de réanimation mis en oeuvre par l’équipe chirurgicale, Mme X est décédée.

A la suite du décès de son épouse, M. X a sollicité la condamnation de l’établissement où elle était hospitalisée pour faute médicale. Il a également sollicité la condamnation de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale. Le Tribunal administratif a rejeté sa demande. La Cour administrative d’appel a annulé le jugement pour irrégularité et a ordonné une expertise en vue de déterminer la cause du décès. Elle a toutefois rejeté les demandes indemnitaires.

Le Conseil d’Etat va également rejeter le pourvoi qui lui est présenté, en confirmant d’une part l’absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité de l’établissement de santé, et d’autre part l’absence d’anormalité du dommage.

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale, le Conseil d’Etat rappelle qu’en l’absence de responsabilité d’un établissement notamment, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale.

Il rappelle les conditions fixées par l’article L.1142-1 CSP :

 – Les préjudices doivent être directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;

–  Ils doivent avoir pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci ;

–  Ils doivent présenter un caractère de gravité apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

 Le dossier est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler la méthode d’appréciation du critère de l’anormalité :

 « Considérant que la condition d’anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ; que, lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu’ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage ».

 Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat écarte l’anormalité du dommage en raison de la gravité de l’état de santé de la patiente, qui a conduit l’établissement à pratiquer un acte comportant des risques élevés. En effet, l’intervention médicale a été réalisée à la suite d’un accident de la route ayant causé des polyfractures graves sur une personne présentant une pathologie cardiovasculaire et présentant 35% de risque de complications cardiovasculaires mettant en jeu le pronostic vital. Le Conseil d’Etat a pu confirmer que le déplacement d’un cathéter au cours de l’intervention était accidentel. S’il a concouru au dommage, il n’en est pas la cause : Le dommage a résulté de la réalisation d’un risque élevé de complication cardiovasculaire. L’anormalité a donc été écartée.

 Source : CE, 29 avril 2015, n°369473

 



[1] CE, 12 décembre 2014, n° 355052 ; CE, 16 décembre 2013, n° 354268