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CE, 26 mars 2018, n°404819, Association Le Colombier

Rappelons les obligations pesant sur les gestionnaires d’établissements et de services faisant l’objet d’une mesure de cessation d’activité définitive et visant à éviter leur enrichissement au détriment des finances publiques ou des usagers et à faciliter la reprise de l’activité par un nouveau gestionnaire (article L. 313-19 du CASF) :

  • Ils sont tenus de reverser à un autre organisme gestionnaire (collectivité publique ou établissement privé poursuivant un but similaire), choisi par eux avec l’accord du préfet ou désigné par ce dernier, l’ensemble des dotations apportées par les collectivités publiques (« les sommes affectées à l’établissement ou service, apportées par l’Etat, par l’agence régionale de santé, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ou par les organismes de sécurité sociale»[1])
  • Le dernier alinéa prévoit que l’organisme gestionnaire de l’établissement ou du service fermé peut, avec l’accord de l’autorité de tarification concernée, s’acquitter des obligations prévues aux 1° et 3° en procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé de l’établissement ou du service.

L’article R. 314-97 du CASF reprend presque mot pour mot cette disposition[2] et précise que l’organisme gestionnaire « dispose d’un délai de 30 jours à compter de l’arrêté de fermeture ou de la cessation d’activité de l’établissement ou du service pour choisir entre le versement des sommes exigibles au titre du présent article et des 1°, 3°, 5° et 6° de l’article L. 313-19 ou la dévolution de l’actif net immobilisé. Après ce délai, le représentant de l’Etat dans le département arrête l’option après accord, le cas échéant, de l’autorité de tarification. »

Quid des conséquences du silence gardé par le gestionnaire jusqu’au terme des 30 jours?

Ce dernier peut ne pas détenir encore toutes les informations financières utiles pour opérer son choix entre le versement des sommes exigibles et la dévolution de l’actif net mobilisé. Il peut aussi, hypothèse rare, souhaiter faire obstruction à la procédure.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’État du 26 mars 2018, le préfet du Val-d’Oise, le directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France et le président du conseil général du Val-d’Oise ont, par arrêté du 29 octobre 2010, procédé à la dévolution, à la ligue pour l’adaptation du diminué physique au travail et à l’association Handicap, autisme, association réunie du Parisis, de l’actif net immobilisé de onze établissements et services médico-sociaux gérés par l’association Le Colombier (en application des articles L. 313-19 et R. 314-97 du code de l’action sociale et des familles).

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par un jugement n°1009732 du 5 avril 2012, a rejeté la demande de l’association d’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

Par un arrêt n° 15VE03152 du 1er septembre 2016, statuant sur renvoi du Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par l’association Le Colombier contre le jugement du 5 avril 2012.

Le Rapporteur public conclut qu’« Il est clair, en tout cas, que le code n’organise pas de procédure d’expropriation contre le gré de l’ancien gestionnaire et l’interprétation faite par la cour du décret comme permettant au préfet, au terme du délai de 30 jours, de passer outre l’absence d’accord de l’ancien gestionnaire et prononcer la dévolution de son actif immobilisé méconnaît l’article L. 313-19 du CASF ».

Le Conseil d’Etat juge, en substance, qu’en application de l’article L. 313-19 du CASF l’obligation du gestionnaire consiste à procéder au reversement des sommes prévues par ce texte et que la dévolution de l’actif net immobilisé n’est qu’une option et en aucun cas une obligation pour le gestionnaire.

Dès lors, en l’absence de choix par le gestionnaire dans les 30 jours, l’administration ne peut pas procéder d’office à la dévolution de l’actif net immobilisé des ESSMS de l’ancien gestionnaire.

Le Conseil d’Etat considère en effet que l’article R. 314-97 du CASF « a prévu, afin que la procédure se poursuive dans des délais raisonnables, un délai de trente jours dans lequel l’organisme gestionnaire peut exercer l’option qui lui est offerte, étant précisé qu’à l’échéance de ce délai, il appartient au préfet, dans le cas où cet organisme opte en faveur de la dévolution, d’entériner ce choix, après avoir vérifié l’accord de l’autorité de tarification concernée ».

Par conséquent, « lorsque, passé ce délai de trente jours, l’organisme n’a pas fait connaître son choix, seul le reversement des sommes énumérées par l’article L. 313-19 du code de l’action sociale et des familles peut être poursuivi par le préfet, le cas échéant, par application du régime de recouvrement forcé des créances publiques ».

C’est cette procédure que le préfet aurait dû suivre et non un arrêté de dévolution d’office.

Comme le Rapporteur public le souligne dans ses conclusions, « La satisfaction de l’association pourrait être de courte durée dès lors que l’autorité administrative peut la contraindre au reversement des sommes dues à la suite de la fermeture de ses établissements ».

« En pratique d’ailleurs, un organisme défaillant a tout intérêt à procéder à la dévolution de ses actifs immobilisés dans l’établissement fermé car son patrimoine, sauf s’il bénéficie d’une localisation très recherchée, par exemple en centre-ville, n’est pas nécessairement adapté à une autre utilisation ou susceptible d’intéresser des promoteurs. En accord avec l’organisme repreneur, l’autorité de tarification peut d’ailleurs s’opposer elle-même à cette dévolution, dès lors qu’il apparaît préférable d’installer les usagers et les personnels dans des locaux plus fonctionnels ».

[1] « 1° Les subventions d’investissement non amortissables, grevées de droits, ayant permis le financement de l’actif immobilisé de l’établissement ou du service. Ces subventions sont revalorisées selon des modalités fixées par décret ;

2° Les réserves de trésorerie de l’établissement ou du service constituées par majoration des produits de tarification et affectation des excédents d’exploitation réalisés avec les produits de la tarification ;

3° Des excédents d’exploitation provenant de la tarification affectés à l’investissement de l’établissement ou du service, revalorisés dans les conditions prévues au 1° ;

4° Les provisions pour risques et charges, les provisions réglementées et les provisions pour dépréciation de l’actif circulant constituées grâce aux produits de la tarification et non employées le jour de la fermeture ;

5° Le solde des subventions amortissables et transférables ;

6° En cas de non-dévolution des actifs immobilisés au repreneur de l’établissement ou du service fermé, les plus-values sur les actifs immobilisés ayant fait l’objet d’amortissements pris en compte dans les calculs des tarifs administrés. »

 

[2] «  L’organisme gestionnaire de l’établissement ou du service qui a cessé son activité ou a fermé peut, avec l’accord de l’autorité de tarification, s’acquitter de l’obligation relative au reversement des subventions d’investissement et des plus-values sur les actifs immobilisés mentionnées à l’article L. 313-19, en procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé de l’établissement ou du service.