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La nouvelle réglementation des concessions : vers un début d’harmonisation des règles de la commande publique.

La France, se conformant à ses obligations vis-à-vis du législateur européen, a transposé la directive n° 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, par une ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. On relèvera avec intérêt que dans un soucis de cohérence et de meilleure appréhension de ce texte, le rédacteur s’est penché sur le décret d’application concomitamment à l’élaboration de l’ordonnance, ne renouvelant pas les problématiques posées par l’absence des décrets d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics de transposition de la directive n° 2014/24/UE. Le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession fournit les précisions permettant l’application de ce nouveau corpus juridique à partir du 1er avril 2016.

Ce texte procède enfin à une harmonisation entre l’ensemble des concessions à savoir les délégations de service public (soumises à la loi « Sapin » du 29 janvier 1993) et les concessions de travaux (régies par l’ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009).

Globalement, les acquis de la loi Sapin sont préservés, la délégation de service public devient une concession de service, avec l’insertion de quelques modifications comme l’aptitude des opérateurs économiques à assurer la continuité du service, l’égalité des usagers qui peut être prise en compte pour sélectionner le candidat, la qualité du service rendu aux usagers qui devient un critère pour l’attribution et, enfin, le rapport annuel de contrôle, étoffé, qui doit être remis aux autorités concédantes.

Ce texte ne peut qu’être applaudi en ce qu’il vient confirmer la mise en place d’un socle commun à tous les contrats de la commande publique. En effet, il est particulièrement loisible d’observer la très grande similitude entre cette ordonnance relative aux concessions et celle relative aux marchés publics sur de nombreux points. Ceci facilite leur lisibilité, mais également leur applicabilité pour les acheteurs publics et les opérateurs économiques :

–        En premier lieu, les deux textes disposent d’un titre préliminaire rappelant les principes fondamentaux de la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement, transparence des procédures…) ;

–        En deuxième lieu, on retrouve la même définition des notions de pouvoir adjudicateur (personnes morales de droit public, personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général, organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par les pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun), mais également d’entité adjudicatrice. Il est à noter ici qu’il y a un véritablement changement par rapport aux anciennes délégations de service public qui ne pouvaient être conclues que par des personnes de droit public ;

–        En troisième lieu, l’ensemble des contrats conclus sous l’empire de ces ordonnances sont des contrats administratifs par détermination de la loi ;

–        En quatrième lieu, il y a une harmonisation générale des interdictions de soumissionner bien que persistent quelques petites différences propres à la nature même des contrats de concession et des marchés publics ;

–        En cinquième lieu, il y a une harmonisation des règles de la quasi-régie ou « in house », prévue par les textes (article 16 de l’ordonnance). Dans les deux cas,  les trois mêmes critères  doivent être remplis (l’exercice d’un contrôle analogue, l’entité contrôlée doit réaliser 80% de son activité dans le cadre de tâches confiées par l’acheteur public, la personne contrôlée ne doit pas contenir de capitaux privés à moins que cet actionnariat soit imposé par la loi, dépourvu de capacité de contrôle ou de blocage et ne puisse pas exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée [il s’agit d’un point clarifié par la directive qui remet en cause marginalement la jurisprudence européenne et interne et qui va permettre à de nouvelles entités de bénéficier de ce cadre dérogatoire comme certains GIE]) ;

–        En sixième lieu, il y a une harmonisation des règles en matière de coopération entre pouvoirs adjudicateurs et de contrats attribués à une entreprise liée.

Cette ordonnance apporte également une nouvelle définition du contrat de concession avant tout centrée sur la notion de risque d’exploitation. En effet, l’article 5 dispose que « les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter l’ouvrage ou le service qui fait l’objet du contrat, soit de ce droit assorti d’un prix ». C’est cette notion de transfert de risque d’exploitation supporté par le concessionnaire qui permet de différentier la concession des marchés publics.

Contrairement aux régimes antérieur, ce corpus vient limiter la durée des concessions de manière très stricte, voir restrictive. En effet, dès lors que la concession est conclue pour une durée de plus de 5 années, la durée de la concession ne doit excéder le temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour  amortir les investissements réalisés pour l’exploitation des ouvrages ou des services, avec un retour sur les capitaux investis compte tenu des investissements nécessaires à l’exécution du contrat. Cette notion d’investissement recoupe à la fois les investissements initiaux ainsi que ceux réalisés pendant la durée du contrat.

Comme le prévoyait la loi Sapin, le contrat doit déterminer les tarifs à la charge des usagers et préciser l’incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution.

Il est également intéressant de relever que le concessionnaire peut confier à des tiers une partie des services ou travaux objet du contrat de concession avec l’autorisation de l’autorité concédante, comme le précise la jurisprudence du Conseil d’Etat. Cependant, le législateur a voulu aller plus loin en permettant aux autorités concédantes d’imposer au concessionnaire de confier à des tiers, notamment des PME, une part minimale des travaux ou de services faisant l’objet du contrat.

L’ordonnance et son décret d’application mettent en place trois types de procédure de passation, respectant à la fois les règles européennes, mais également les anciennes règles prévues par la loi Sapin :

–        Une procédure fidèle à la directive 2014/23/UE pour les concessions dont la valeur est estimée à un montant égal ou supérieur à 5 225 000 euros HT ;

–        Une procédure allégée s’inspirant de la loi Sapin pour les concessions dont la valeur estimée est inférieure à ce seuil de 5 225 000 euros HT ;

–        Une procédure de négociation directe sans publicité ni mise en concurrence pour certains contrats lors que la concession ne peut être confiée qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité. Il est possible de recourir à ce type de procédure également dans les cas où  aucune candidature ou aucune offre n’a été reçue ou lorsque seules des candidatures irrecevables ou inappropriées ont été déposées, pour autant que les conditions initiales du contrat ne soient pas substantiellement modifiées et qu’un rapport soit communiqué à la Commission européenne si elle le demande.

Enfin, et cela peut être éventuellement regrettable, il est à noter que les dispositions concernant les délégations de service publics passées par les collectivités territoriales et leurs établissements publics figurant dans le Code général des collectivités territoriales sont conservées et mises en cohérence avec la réforme opérée par ce nouveaux corpus de textes. Ainsi, alors que cette ordonnance a vocation à réunir sous une seule même législation l’ensemble des concessions (travaux et services), une dualité de régime perdurera dans une certaine mesure entre les concessions conclues par l’Etat ou ses établissements publics et celles des collectivités territoriales et leurs établissements publics. Or, cette ordonnance était l’occasion de mettre un terme à certains particularismes applicables aux collectivités territoriales, que l’on ne retrouve pas dans les marchés publics. Cela pose la question de la pérennité de cette dualité. En effet, celle-ci pourrait appeler  de nouvelles modifications et réformes en vue de réaliser enfin le Code de la commande publique regroupant l’ensemble des textes en la matière, appelé de vive voix tant par les acheteurs publics que par les opérateurs économiques.