La loi relative aux droits des malades de 2002 avait fait obligation à tout professionnel ou établissement de santé qui a constaté ou suspecté la survenue d’un accident médical, d’une infection nosocomiale ou tout autre évènement indésirable associé à un produit de santé d’en faire la déclaration « à l’autorité administrative compétente ». En 2010[1], cette obligation de déclaration a concerné plus précisément, outre les infections nosocomiales, les « évènements indésirables graves » (EIG) liés à des soins, cette déclaration devant être faite à l’agence régionale de santé. Pour autant, la définition d’un évènement indésirable grave n’avait pas fait l’objet, dans ce cadre, d’une définition réglementaire[2]. Un décret du 25 novembre[3] vient de le définir et de préciser les modalités de cette déclaration.
S’il est évident que pour de nombreux professionnels et établissements, la déclaration d’un EIG va de soi, nous constatons que dans de nombreux cas, un retard de déclaration à l’ARS est souligné par les corps d’inspections ou dans le cadre d’une procédure judiciaire et peut fragiliser la position du professionnel ou de l’établissement, à plus forte raison naturellement si un tel retard a pu conduire à une répétition de l’évènement.
Une définition des EIG qui précise les obligations de déclaration
Tout d’abord, le décret définit donc ce qu’on entend par évènement indésirable grave associé à des soins ou à des actions de prévention. C’est « un évènement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale ».
Cette définition présente l’inconvénient que plusieurs des critères caractérisant la gravité ne pourront, dans certaines situations, être appréciés que postérieurement à l’évènement. Il en est par exemple ainsi du décès ou de la survenue d’un déficit fonctionnel permanent. Par contre la définition permettra aux juridictions d’apprécier un éventuel manquement à une déclaration. Ceci étant la loi[4] fait obligation à tout professionnel de santé ou établissement de santé ou établissement et service médico-social, non seulement de déclarer tout EIG, mais aussi « une infection associée aux soins, dont une infection nosocomiale ».
Les agences régionales de santé avaient, dès 2010, mis en place des plateformes régionales pour recueillir les signalements des évènements sanitaires ayant des conséquences préjudiciables chez les personnes prises en charge ou présentant un risque sanitaire pour la population. Il est naturellement recommandé de signaler de tels faits dans la mesure où ils nécessitent parfois que des mesures soient prises par les divers services concernés de l’Etat.
Le décret du 25 novembre précise que l’obligation de déclaration à l’ARS s’impose à tout professionnel « quel que soit son lieu et son mode d’exercice » ainsi qu’à tout représentant légal d’établissement de santé ou d’établissement ou service médico-social, « sans préjudice des déclarations obligatoires » prévues par les réglementations relatives aux recherches biomédicales, à l’exposition aux rayons ionisants, aux infections nosocomiales et à toutes les procédures de vigilances. Il ne suffit donc pas qu’un professionnel chargé de ces procédures les ait mises en œuvre pour qu’il soit exempté de faire une déclaration à l’ARS lorsqu’il s’agit d’un EIG.
Dans un établissement, la déclaration peut toutefois être faite par écrit à son représentant légal qui aura alors la responsabilité d’en faire la déclaration à l’ARS. Le professionnel est alors réputé avoir rempli son obligation.
Une déclaration formalisée
La déclaration doit se faire au moyen d’un formulaire qui doit faire l’objet d’un arrêté non encore publié. Ce formulaire devrait comporter deux parties qui définissent deux moments distincts relatifs au même EIG. Le décret étant entré en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 26 novembre, ces deux moments doivent être mis en œuvre dès maintenant, même en l’absence de formulaire.
La déclaration de l’EIG (première partie du formulaire) doit être adressée « sans délai » à l’ARS. Elle indique la nature de l’évènement et les circonstances de sa survenue ; l’énoncé des premières mesures prises localement au bénéfice du patient et en prévision de la répétition de même nature ; la mention de l’information du patient et, le cas échéant, de sa famille, de ses proches ou de la personne de confiance qu’il a désignée.
La loi a précisé que les professionnels de santé concernés devaient analyser les causes de ces infections et événements indésirables. Les revues de mortalité et de morbidité (RMM) sont en général pratiquées suivant les recommandations de la Haute autorité de santé. Le décret formalise la démarche puisqu’il prévoit que la seconde partie de la déclaration doit être adressée à l’ARS au plus tard dans les trois mois par le représentant légal de l’établissement où s’est produit l’évènement ou par le professionnel déclarant. Ce deuxième volet comporte le descriptif de la gestion de l’évènement ; les éléments de retour d’expérience et un plan d’actions correctrices.
[1] Ordonnance n° 2010-177 du 23 février 2010, article 7.
[2] Une définition d’un EIG était déjà précisée dans le cadre de la procédure de pharmacovigilance (art. R. 5121-152, CSP) : « Un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie en danger, ou entrainant une invalidité ou une incapacité importante ou durables, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale ».
[3] Décret n° 2016-606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des évènements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients.
[4] Article L. 1413-14, CSP
Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.
Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.
Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.
Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.