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Un arrêté du 2 juin 2017 publié au JORF du 10 juin modifie en certaines de ses dispositions l’arrêté du 22 juillet 2015 pris en application du décret n°2014-444 du 29 avril 2014 relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risque.

 

Ces dispositions méritent qu’on s’y arrête.

 

La première modification intéresse l’article 3 II consacré aux versements de l’aide dans l’hypothèse de remboursement ou de résiliation anticipée de la totalité du prêt ou du contrat financier.

Il est désormais prévu : « Sauf application du dispositif de versement dérogatoire prévu au II de l’article 7 du décret précité, le versement de l’aide octroyée, augmentée, le cas échéant, des aides octroyées mais non encore versées au titre de l’article 4, est effectué, dans la limite des crédits annuels disponibles, jusqu’à une date qui ne peut être postérieure au 31 décembre 2028 inclus. » ce qui laisse penser que la répartition[1] par fractions annuelles égales jusqu’en 2028 ne serait plus nécessairement la règle.

Ainsi que nous le soulignions dans un précédent article, quelle que soit la voie choisie par les bénéficiaires, tout repose sur la parole donnée par l’Etat quant à sa capacité à abonder chaque année le Fonds de soutien et respecter ses engagements…dans la limite des crédits du fonds disponibles.

Cependant, au-delà du rappel de cette règle immuable, les rédacteurs ont pu vouloir intégrer une certaine souplesse dans la gestion du fonds en permettant le cas échéant de procéder par anticipation au versement de soldes d’aides.

En tout état de cause, les bénéficiaires du fonds peuvent se prévaloir d’une créance à l’égard de l’Etat dont les engagements ont été définis dans le cadre des conventions régissant les conditions de versement des aides… et l’Etat contractant ne peut tout à fait ignorer ses obligations.

L’autre série de modifications concerne le dispositif dérogatoire.

En l’état du décret n°2014-444 du 29 avril 2014 précité, il est laissé aux bénéficiaires la possibilité de renoncer à procéder au remboursement anticipé du prêt et de recourir à l’aide pour couvrir une part de la charge d’intérêts, sous réserve des conditions suivantes :

« I. ― Par dérogation à l’article 4 et pour une durée limitée à trois ans à compter du dépôt de la demande dans les conditions prévues au I de l’article 2, l’aide, calculée ainsi qu’il est dit à l’article 4, peut être versée au titre des contrats éligibles n’ayant pas fait l’objet d’un remboursement anticipé, lorsque le taux d’intérêt exigible est supérieur au taux de l’usure, défini conformément à l’article L. 313-5 du code monétaire et financier, en vigueur à la date de signature des contrats éligibles.

Dans ce cas, le montant annuel d’aide ne peut pas être supérieur à la différence entre la charge d’intérêts exigible au titre du contrat et la charge d’intérêts telle qu’elle serait calculée en appliquant au capital restant dû le taux de l’usure en vigueur à la date de signature du contrat de prêt éligible.

Ce montant est calculé tous les ans et ne peut pas dépasser le montant d’aide alloué la première année du versement de l’aide.

  1. – A l’expiration du délai de trois ans mentionné au I, la collectivité ou l’établissement public bénéficiant d’une aide en application du I peut obtenir, dans des conditions déterminées par le Comité national de suivi et d’orientation mentionné à l’article 10, et pour une durée de trois ans renouvelable jusqu’au terme du contrat considéré, la poursuite du versement de cette aide.
    III. – La collectivité ou l’établissement public bénéficiaire d’une aide attribuée en application des dispositions du présent article peut décider, à tout moment et au plus tard le dernier jour de l’année au cours de laquelle il bénéficie de cette aide, de rembourser par anticipation le contrat concerné afin de bénéficier d’une aide calculée et versée conformément à l’article 4. Les montants déjà perçus en application du présent article sont alors déduits de l’aide octroyée en application de l’article 4. 
    » (Article 6).

Un communiqué de presse du 9 février 2016 a relaté une décision prise par le Comité National de Suivi et d’Orientation (CNOS) aux termes de laquelle : « Il a été décidé à l’unanimité que, à l’exception des prêts indexés sur la parité EUR/CHF, dont la désensibilisation à court terme est impérative, les autres catégories de prêts à risque éligibles au fonds de soutien pourront s’inscrire dans le dispositif suivant :

  • Possibilité de conserver le Prêt au-delà de 3 ans sans perdre le bénéfice de l’aide et le maintien de la possibilité de mobiliser celle-ci pour compenser les intérêts dégradés (c’est-à-dire au-delà du taux de l’usure) payés sur une échéance.
  • Obligation d’une demande expresse du bénéficiaire chaque 3 ans en cas de souhait de renouvellement du bénéfice de ce régime
  • Applicabilité jusqu’à 2028 (échéance du fonds de soutien) au plus tard.»

L’arrêté du 2 juin 2017 a consacré cette nouvelle « Doctrine » en ajoutant à l’arrêté de 2015 une annexe 3 ainsi rédigée :

« CONDITIONS DE LA POURSUITE DU VERSEMENT DE L’AIDE DÉTERMINÉES PAR LE COMITÉ NATIONAL D’ORIENTATION ET DE SUIVI


La poursuite du versement de l’aide prévue au II de l’article 6 du décret n° 2014-444 du 29 avril 2014 est accordée sur demande de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné, au titre des contrats dont le taux n’est pas indexé sur la seule parité entre l’euro et le franc suisse, pour une durée de trois ans renouvelable jusqu’au terme de ces contrats et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2028.
 »

Ainsi, le maintien dans la durée du dispositif dérogatoire au titre des contrats dont le taux n’est pas indexé sur la seule parité entre l’euro et le franc suisse n’est soumis à aucune condition de fond, ni encore à une nouvelle appréciation en droit ou en opportunité par le service à compétence national.

En revanche, il revient à la collectivité ou à l’établissement qui entend continuer de bénéficier du dispositif dérogatoire à l’expiration de chaque période de trois ans d’en manifester la volonté selon une procédure déterminée à l’article 4 II et III de l’arrêté modifié :

  • Au moins six mois avant l’expiration de chaque période de trois ans, le bénéficiaire doit être informé de ses droits et obligations par le service à compétence nationale.
  • Lorsque la collectivité territoriale ou l’établissement public concerné souhaite bénéficier de la poursuite du versement de l’aide sous l’empire de ce régime dérogatoire, ils doivent présenter une demande expresse en ce sens.
  • Cette demande doit être adressée obligatoirement au service à compétence nationale dans les six mois précédant l’expiration de la période de trois ans à compter du dépôt de la demande d’aide, puis dans les six mois précédant l’expiration de chaque renouvellement de trois ans.
  • Le dossier joint à la demande doit comporter une décision de l’assemblée délibérante du bénéficiaire autorisant l’exécutif à y procéder, prise dans ces mêmes périodes de six mois.

Si cette procédure et les délais imposés n’étaient pas respectés, la collectivité ou l’établissement bénéficiaire ne pourraient plus se prévaloir du dispositif dérogatoire. Il convient d’appeler en conséquence à la plus grande vigilance.

Et sauf à risquer de perdre le solde de l’aide, la collectivité ou l’établissement devraient alors  procéder au remboursement ou à la résiliation anticipée du prêt ou du contrat financier dans les conditions prévues par l’arrêté modifié :

  • Un avenant à la convention avec le représentant de l’Etat doit
  • Quelle que soit sa date de prise d’effet, ce remboursement ou cette résiliation anticipée doit faire obligatoirement l’objet d’un accord signé avec le prêteur au plus tard trois mois après la date à laquelle le requérant a fait connaître sa décision d’y procéder. Ainsi le protocole transactionnel d’ores et déjà signé avec la banque, même s’il prévoyait les conditions d’un remboursement anticipé, ne suffira pas. Un nouvel acte devra  être conclu dans un temps relativement court. L’accord doit être communiqué au service à compétence nationale dans les meilleurs délais.
  • La décision de la collectivité ou de l’établissement de procéder à la résiliation ou au remboursement doit intervenir au plus tard le dernier jour de l’année au cours de laquelle ils ont bénéficié du dispositif dérogatoire (et au plus tard le 31 décembre 2028). En revanche rien n’interdit a priori de repousser le débouclage de l’opération.

Enfin, notons que l’article 6 du décret n° 2014-444 n’ayant pour sa part pas été modifié, la règle selon laquelle le montant d’aide annuel pouvant être alloué dans le cadre du dispositif dérogatoire est « calculé tous les ans et ne peut pas dépasser le montant d’aide alloué la première année du versement de l’aide »continue de s’appliquer.

Ce qui pourrait sans doute causer quelques difficultés dans l’hypothèse de situations sur les marchés qui s’aggraveraient d’année en année exigeant des collectivités qu’elles paient des intérêts de plus en plus élevés ou qu’elles s’acquittent de montants d’IRA tels que, même avec l’aide accordée, l’option du remboursement ou de la résiliation ne pourra être choisie.

 

[1] Article 3 II dans sa version antérieure « Sauf application du dispositif de versement dérogatoire prévu au II de l’article 7 du décret précité, le versement de l’aide octroyée, augmentée, le cas échéant, des aides octroyées mais non encore versées au titre de l’article 4, est effectué, réparti par fractions annuelles égales jusqu’en 2028. »

 

Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.

Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :

- contrats d’exercice, de recherche,

- tarification à l’activité,

- recouvrement de créances,

- restructuration de la dette, financements désintermédiés,

- emprunts toxiques

Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.

Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).