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La Médiation des marchés publics vient de faire paraître ses préconisations pour « Faire de la commande publique un vrai moteur de croissance des achats hospitaliers innovants ».

Partant du constat alarmant de la fuite à l’exportation de technologies innovantes et de grande qualité pourtant développées sur le territoire national, la Médiation des marchés publics dégage quinze propositions, regroupées sous quatre axes, pour faciliter l’accès sur le marché français des petites et moyennes entreprises innovantes :

–     Améliorer l’information des entreprises innovantes en santé pour faciliter leur accès à la commande publique,

–     Conforter les instruments d’une politique publique de l’innovation en santé pour accompagner l’émergence et la croissance des entreprises,

–     Des modalités innovantes d’achat pour une commande publique performante,

–     Impliquer pleinement les acheteurs publics hospitaliers.

 

Certaines des préconisations relèvent du bon sens, a priori.

Tel est par exemple le cas de l’action n°1, proposant la création d’une « plateforme nationale de l’achat public innovant en santé, vitrine technologique pour les entreprises et support d’expression des besoins des acteurs des secteurs médicaux et médicaux-sociaux pour une meilleur rencontre de l’offre et de la demande ».

Il est certain qu’un site dédié permettrait une vraie visibilité en la matière.

Toutefois, la déperdition des informations décriée par les auteurs et conduisant à la formulation de cette action n°1 résulte justement de la foultitude de sites recensant les marchés publics, de sorte qu’il n’a pas certain que la création d’un énième site soit réellement efficace.

 

D’autres préconisations laissent plus songeur.

Tel est le cas de l’action n° 11 qui propose l’introduction d’un « critère spécifique aux achats médicaux, lié à la santé publique dans les appels d’offre publics en santé, couplé à des mesures de traçabilité et de transparence sur le lieu et les conditions de production dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue de la qualité. »

La lisibilité de la préconisation – tout comme l’identification de son objectif précis -, déjà , interroge.

Mais surtout, faudrait-il comprendre que les auteurs de cette préconisation ignorent que le pouvoir adjudicateur est d’ores et déjà libre de choisir ses critères de sélection et que le « caractère innovant » est un critère de sélection visé depuis belle lurette par le Code des marchés publics (article 53) ?

Si l’on peut comprendre que la réunion au sein d’un même groupe de réflexion de partenaires partageant des intérêts parfois divergents (institutionnels/groupes industriels/centrales d’achats/observateurs) ait vocation à permettre des échanges constructifs, un observateur avisé pourrait malgré tout s’interroger sur la réelle connaissance des rédacteurs quant aux conditions quotidiennes de passation des marchés par les établissements publics de santé.

 

Rappelons pêle-mêle quelques-unes des contraintes paradoxales auxquelles se heurtent les acheteurs hospitaliers :

–     La sécurité et la nécessaire qualité des produits, évidemment ;

–     Les exigences formulées par les utilisateurs en terme de produits, qui se révèlent aussi diverses et variées qu’il existe de prescripteurs tant il est impossible en pratique d’arriver à une harmonisation des usages (molécule, dosage, emballage, couleur) ;

–     Le manque de ressources (financières mais également humaines) pour avoir le temps de s’informer de l’existence de nouveaux produits, de tester, de comparer,… ;

–     la demande croissante des autorités de tutelle d’ailleurs rappelée par les auteurs tendant à obliger les hospitaliers à se regrouper pour organiser leur achats, conduisant à la passation de marché comportant parfois plus de 850 lots distincts (!) et tendant nécessairement à une massification des achats et donc au bannissement de l’achat de faible quantité «juste pour  tester» ;

–     Sans oublier les mille et une subtilités des règles de la commande publique.

Dans la perspective d’une réelle efficacité des préconisations, il eut peut-être été judicieux d’associer au groupe de réflexion les services des marchés de quelques centres hospitaliers….

 

L’amélioration de l’accès au marché français pour les entreprises innovantes a été amorcée avec la création du partenariat d’innovation, d’ailleurs rappelé par les auteurs (action n°8).

Mais l’ambition des préconisations nous semble tout autre : réserver un secteur particulier de l’achat public « d’innovation » pour les hospitaliers.

Sauf à ce que ces préconisations trouvent une oreille extrêmement attentive auprès des pouvoirs publics, aussi intéressante que soit l’idée, une telle volonté semble en l’état manifestement fort éloignée des orientations européennes qui tendent au contraire à lisser autant que possible le Marché, sans véritablement tenir compte de la nature des produits.

 

C’est toutefois un début.