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A demi-consent qui refuse en silence.
John Dryden (Poète et dramaturge anglais)

Tant pis ! Je lance un pavé dans la mare !

J’ai pourtant attendu, patienté, escompté, rêvé, veillé, guetté, épié, …la moindre réaction, le plus petit frémissement, le plus minuscule commentaire, le plus infime des cillements.
Mais en vain ! Rien ! Pas le moindre souffle, pas le plus évanescent des zéphirs !
Alors que près de six mois se sont écoulés !
Et rien !
Nous qui étions si prompts à nous émouvoir, à nous mobiliser, à nous échauffer pour un « oui », pour un « non », pour un « mais », même pour un « peut-être » ! Est-ce l’époque (Là je sens que je suis devenu un vieux c.. ! Tant pis ! J’assume !) ?
Anesthésie générale ? Je-m’en-foutisme exacerbé ? Indifférence ou acculturation ? Alliances objectives ? Cynisme ou machiavélisme ? Renoncement définitif ? Manque d’imagination ? Soumission indéfectible ? Quelle que soit l’explication, le résultat est là : Rien ! Rien dans la presse professionnelle, syndicale ou même juridique ! Rien dans la presse tout court ou dans les autres médias ! Rien !
Et pourtant l’hôpital public a subrepticement changé de statut ! La loi HPST l’a radicalement et définitivement étatisé ! E- TA – TI – SE ! Oui, vous avez bien lu. Rien ne s’était fait de tel depuis deux-cents ans !
Adieu rêve d’autonomie ! Adieu fantasme de l’hôpital-entreprise ! Adieu même statut d’association de type PSPH !
C’est fini ! Râpé ! Foutu !

« Vous délirez ! » me dira-t-on. « Ce sont les dernières fumées de vos récentes agapes qui vous aveuglent ! »
Et bien non ! Je persiste dans mon analyse (parue sous le titre « La fin du rattachement local, une petite révolution » en décembre 2008 dans les Cahiers Hospitaliers n°251 dont je joins ci-après la version originale non retouchée afin de vous laisser juges) et signe !
Voulez-vous une preuve supplémentaire de ce que j’avance ?
En voilà une, et pas la moindre !
J’affirmais dans cet article (p.15 de la revue, pour ceux qui voudraient vérifier) que la fin du rattachement des hôpitaux publics aux collectivités territoriales priverait de base juridique notamment l’affiliation des agents permanents de la fonction publique hospitalière à la CNRACL.
Cette information ayant été reprise par un organe de la presse spécialisée puis par un parlementaire, la Ministre de la santé a proposé au Parlement d’introduire une disposition dans la loi HPST modifiant l’article 3 de l’ordonnance n°45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissements publics. C’est ce qui explique la disposition, apparemment invisible, figurant à l’article 31 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 : « La première phrase de l’article 3 de l’ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissement publics est complétée par les mots : « ainsi que les agents des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ».
Peut-il y avoir aveu plus éclatant ?
Et pourtant, vous n’y avez vu que du feu !
Et l’on n’a pas fini de mesurer l’étendue des conséquences d’un tel bouleversement (Nous y reviendrons assurément dans ces colonnes).
Bonne année tout de même !

VERSION ORIGINALE DE L’ARTICLE
RATTACHEMENT ORGANIQUE, LIBRE ADMINISTRATION ET DEMOCRATIE SANITAIRE : LE RETOUR DE MESSIDOR AN II ?
Dominique LAROSE, Juriste, Cabinet HOUDART, Paris
« Pour les services locaux, il importe avant tout de les soustraire à l’action des assemblées locales, trop proches de l’électeur.»
MASPETIOL et LAROQUE, La tutelle administrative, Sirey, 1930, p. 343-344.

Les hôpitaux publics sont rattachés depuis la loi du 16 Vendémiaire An V (7 octobre 1796) à leur commune d’implantation , l’Etat ne prenant alors en charge que des institutions très spécifiques comme celles accueillant les sourds-muets ou les aveugles. En l’An VIII (1800), la surveillance des établissements hospitaliers échappe aux municipalités pour être exercée par le sous-préfet, mais à la suite de nombreuses protestations, le ministre de l’Intérieur Chaptal reconnaît en Floréal An IX “comme membres-nés de l’administration hospitalière, les maires des communes…” . Certains établissements ont cependant obtenu par la suite un rattachement différent notamment départemental . Mais tous font l’objet jusqu’à ce jour d’un rattachement à une collectivité, même les établissements « nationaux » . Malgré les nombreuses critiques qu’il soulève depuis de longues années , le rattachement a été maintenu et réaffirmé par l’ensemble des « lois hospitalières » au cours du 20ème siècle et au début du 21ème (1941, 1958, 1970, 1991, 1996, 2002, 2005).
Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires » supprime ce rattachement organique par une reformulation de l’article L. 6141-1 du code de la santé publique (CSP) . L’objectif serait de créer « pour l’ensemble des établissements publics de santé un statut unique qui vise à simplifier leur gestion et de développer leur capacité d’adaptation ». En effet, le « Rapport Larcher », bien qu’en termes mesurés, a fait de nouveau une critique sans appel du conseil d’administration des établissements publics de santé : « Son rôle est (…) rendu difficile dans la mesure où ses membres peuvent être amenés à concilier une compétence relative à l’intérêt de l’établissement, une responsabilité pour le dynamisme des territoires dont ils peuvent avoir la charge, pour certains d’entre eux, en tant qu’élus, et une absence de responsabilité financière réelle à l’égard de l’établissement bien qu’ils délibèrent sur le budget ».
Il n’est pas dans notre propos de remettre en cause un tel choix politique mais d’analyser les conséquences juridiques de cette décision sur le fonctionnement des établissements publics de santé, sur l’ordonnancement juridique des textes comme sur la mise en oeuvre de la « démocratie sanitaire » consacrée par la loi du 4 mars 2002 et à laquelle les usagers et leurs représentants sont légitimement attachés .
Le nouveau dispositif législatif
Actuellement, en vertu de l’article L. 6141-1 du CSP, les établissements publics de santé « sont communaux, intercommunaux, départementaux, interdépartementaux ou nationaux ». Leur caractère d’établissements publics locaux est incontestable . On notera que les textes ne prévoient aucun rattachement régional ou interrégional malgré l’existence d’une part, de centres hospitaliers régionaux, d’autre part, des régions en tant que collectivités territoriales.
L’article 4 du projet de loi modifie cette disposition : « Le ressort des établissements publics de santé est communal, intercommunal, départemental, interdépartemental, régional, interrégional ou national. Ces établissements sont soumis au contrôle de l’Etat dans les conditions fixées au présent titre. Ils sont créés par décret lorsque leur ressort est national, interrégional ou régional ou par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé dans les autres cas ». L’exposé des motifs ne dit rien de cette évolution en dehors de la volonté de fixer « un statut unique ». Or cette évolution est fondamentale comme on le verra ci-après.
Mais pourquoi donc avoir choisi le terme de « ressort » ?
Celui-ci est particulièrement ambigu puisque le dictionnaire « Le Robert » nous rappelle que, depuis 1235, celui-ci renvoie, en droit, à la « compétence » notamment d’une juridiction. Autrement dit, le ressort communal ou départemental pourrait renvoyer à une compétence communale ou départementale. Il n’y aurait donc rien de changé !

En réalité, le projet de texte ne vise aucune collectivité territoriale de rattachement. D’ailleurs, il n’existe à ce jour aucun regroupement interdépartemental ou interrégional de collectivités. Le ressort doit donc être compris dans une acception différente, celle d’une simple référence géographique, zone de « chalandise » ou « marché pertinent » de l’établissement pour reprendre des notions commerciales ou concurrentielles, auquel cas il est bel et bien mis fin au rattachement organique.
La définition, pour les établissements publics de santé, d’une compétence par référence à une aire géographique est cependant en soi contestable.
En effet, lorsqu’un texte juridique évoque « le ressort », c’est à propos d’une compétence exclusive rationae loci (compétences des juridictions, compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements, etc.).
Or, contrairement aux collectivités territoriales, les établissements publics de santé, malgré les règles de planification, n’ont ni territoire ni population, pour reprendre l’expression de Chapus . Par ailleurs, les patients n’ont plus, contrairement à une époque heureusement révolue, obligation, sauf circonstances médicales particulières, de s’adresser à l’établissement de santé le plus proche de leur domicile pour pouvoir être pris en charge par l’assurance-maladie. En outre, aucun établissement public de santé n’a de vocation nationale pour la totalité de son activité, en dehors peut-être de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes en raison de la population particulière à laquelle il s’adresse. Enfin, la vocation régionale de certains CHR est parfois contestée et la constitution de communautés hospitalières de territoire met définitivement à mal le ressort géographique uniquement communal des établissements pour autant que celui-ci ait réellement existé. Faut-il dès lors s’attendre, comme cela existe pour les médecins traitants, à la désignation d’un établissement de référence comme certains pays ont pu en faire l’expérience ?
Quoi que l’on puisse penser de la formulation retenue qui peut permettre une transition feutrée entre deux régimes juridiques, c’est bien la fin du rattachement qui est visée .
Et cette fin du rattachement pose de nombreuses questions.
Les établissements publics de santé peuvent-ils ne pas être rattachés à une collectivité territoriale ?
Le rattachement désigne le lien organique qui unit une personne publique spéciale à son créateur : « En principe, une institution spécialisée est « rattachée » à une collectivité publique territoriale. Elle se présente comme un prolongement, personnalisé, de cette collectivité, du fait qu’elle exerce une activité qui entre dans les attributions de cette dernière » . Selon Maurice Hauriou, « les établissements publics peuvent être rattachés soit à l’Etat, soit aux départements, soit aux communes en ce sens que s’ils étaient supprimés les services qu’ils gèrent retomberaient à la charge tantôt de l’Etat, tantôt des départements, tantôt des communes ».
Que la décision soit prise de ne plus rattacher les établissements publics de santé aux collectivités territoriales ne constitue pas une surprise. On remarquera en effet que, depuis de nombreuses années, les établissements publics de santé n’apparaissent plus comme des démembrements des collectivités territoriales qui ne disposent d’ailleurs, depuis les lois de décentralisation de 1982 et de 1983 , d’aucune compétence en matière d’organisation des soins. Déjà, dans ses conclusions sur un arrêt du 20 décembre 1963 , le commissaire du gouvernement notait qu’au cours du temps « il apparut de plus en plus clairement que les problèmes touchant à la santé publique devaient être traités au plan national et qu’aucun particularisme local ou spécial à un établissement ne devait risquer d’en contrarier la solution […] [avec] la loi du 11 décembre 1941 […] si les hôpitaux et les hospices restent des établissements publics communaux, intercommunaux ou départementaux, la personnalité morale de l’établissement, les pouvoirs de la commission administrative sont en fait cantonnés dans un simple rôle de gestion matérielle ».

Mais peut-on pour autant envisager que ces établissements puissent ne pas disposer d’un rattachement organique ?
Le législateur de la fin du XIXème siècle a créé des établissements publics sans toujours désigner de collectivité de rattachement. C’est essentiellement le cas des chambres consulaires pour lesquelles le Conseil d’Etat a progressivement admis le rattachement à l’Etat mais aussi des associations syndicales autorisées et forcées instituées par la loi du 21 juin 1865.
De là à considérer qu’il est encore possible de constituer des établissements publics sans rattachement, il y a un pas que nous ne franchirons pas.
En effet, le Conseil constitutionnel qui rappelle systématiquement qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, le législateur est seul compétent pour créer les catégories d’établissement public, juge d’une part, que la Constitution n’attribue pas seulement compétence au législateur pour créer les catégories d’établissement public mais lui donne également celle de fixer les règles constitutives de chaque catégorie, d’autre part, que les rapports de l’établissement avec les collectivités publiques de rattachement sont un élément de définition d’une catégorie d’établissements publics .
Pour sa part, le Conseil d’Etat a estimé dans un avis que « tout établissement public [doit] être techniquement rattaché à une personne morale » ce qui conforte une grande partie de la doctrine pour laquelle on ne saurait concevoir d’établissement public sans rattachement à une collectivité publique . Dans ses conclusions relatives à l’affaire « Crépin », le commissaire du gouvernement Lamy a d’ailleurs relevé que, sauf loi contraire, un établissement public était rattaché à une personne publique et qu’il s’agissait de celle qui le créé, le contrôle et auprès de qui il exerce sa mission .
Toutefois, cette orientation doit être tempérée. En effet, il a pu être affirmé que «aucun texte ni aucun principe n’impose qu’un établissement public soit rattaché à une collectivité territoriale… » . Bien plus, dans sa décision remarquée du 25 octobre 2004 « Asaro », le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’appartenait qu’au législateur de déterminer, « s’il l’estimait nécessaire », la collectivité publique auprès de laquelle les associations syndicales autorisées exercent leurs missions.
Faut-il en conclure que le législateur pourrait, au cas d’espèce, estimer que les établissements publics de santé pourraient ne pas être rattachés à une collectivité publique ?
Nous nous garderons bien de répondre à cette question. Nous ferons simplement remarquer que le législateur, en s’abstenant de le préciser, n’épuiserait pas sa compétence. Il serait susceptible de surcroît de commettre une incompétence négative s’il laissait aux autorités administratives (Ministre pour les établissements dont le « ressort est national, interrégional ou régional » ou directeur général de l’agence régionale de santé « dans les autres cas »), le droit de choisir librement le rattachement des établissements que ces autorités décideraient de créer . En d’autres termes, le législateur renoncerait à une compétence qu’il détient de la Constitution, cette compétence étant alors transférée abusivement au pouvoir règlementaire.
Quoi qu’il en soit, on rappellera qu’en l’absence de désignation par la loi de la collectivité de rattachement, le Conseil d’Etat procède généralement selon la méthode du faisceau d’indices, en déterminant quelle personne publique est normalement compétente pour assumer la mission que remplit l’établissement public, qui a l’initiative de sa création, quelle est l’imputation des dépenses, qui se charge de la nomination et de la rétribution du personnel mis à sa disposition. « Ce n’est que si l’on admet que tout établissement public apparaît bien a priori comme étant un démembrement d’une collectivité administrative que la question du rattachement ne fait aucun doute » .
Le fait notamment que les collectivités territoriales ne disposent d’aucune compétence en la matière, que la création des établissements s’effectue « par décret lorsque leur ressort est national, interrégional ou régional ou par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé dans les autres cas » n’est donc pas anodin. Et, contrairement à l’organisation du service public de l’enseignement du second degré , il n’apparaît pas que le législateur ait entendu partager la compétence entre l’Etat, d’une part, les collectivités territoriales, d’autre part.
Il conviendrait donc d’en tirer la conclusion que faute de rattachement aux collectivités territoriales, les établissements publics de santé sont désormais rattachés directement à l’Etat (d’où, on l’aura compris, la référence à Messidor An II).

Est-ce la fin pour autant de l’autonomie des établissements publics de santé ?
Les établissements publics de santé qui, étant jusqu’à lors des établissements publics locaux, bénéficiaient jusqu’à présent des mêmes prérogatives que les collectivités territoriales auxquelles ils étaient rattachés. Ainsi, le Conseil d’Etat avait-il pu juger que l’obligation faite aux centres hospitaliers régionaux de passer certaines conventions portait atteinte à l’autonomie de ces centres, lesquels ont la qualité d’établissements publics locaux, et relevait, dés lors, de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution .
La suppression du rattachement fait sortir les établissements publics de santé de ce cadre constitutionnel protecteur qui s’impose au législateur et à toutes les autorités administratives, et ouvre la voie à une intervention de plus en plus grande du pouvoir réglementaire et des autorités administratives dans leur gestion. Il est vrai que l’Etat a largement usé, notamment en 2005, des prérogatives que lui reconnaît l’article 72 de la Constitution pour réduire de manière significative l’autonomie des établissements publics de santé.
La sauvegarde des intérêts nationaux, et au premier chef de l’équilibre de l’assurance-maladie, auront donc eu raison de la libre administration des établissements publics de santé.
Et la fin de l’autonomie est parfaitement justifiée dès lors qu’il a été décidé de confier la tutelle des établissements publics de santé non plus au représentant de l’Etat mais à un autre établissement public, l’agence régionale de santé (ARS) qui, aux termes du projet de loi, sera un établissement public de l’Etat . On relèvera avec intérêt que le directeur général de l’ARS continue, comme le directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation (DARH) auquel il succède, d’exercer le contrôle de légalité des actes des établissements publics de santé alors même qu’à aucun moment le projet de loi ne lui confère la qualité de « représentant de l’Etat » au sens du dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution . Il est vrai que cette disposition n’a vocation à s’appliquer que « Dans les collectivités territoriales de la République ». Dès lors que les établissements publics de santé ne disposent plus de rattachement organique avec ces dernières, le disposition ne s’y applique plus, l’Etat organisant librement le contrôle sur ses propres services et établissements publics.
Elle est également pleinement justifiée dès lors qu’il a été décidé d’organiser une hiérarchie au sein des communautés hospitalières de territoire de l’établissement siège sur les autres établissements publics qui en sont membres. En effet, le 4ème alinéa de l’article 72 de la Constitution prohibe toute immixtion d’une collectivité dans la gestion d’une autre , ce qui interdirait les évolutions du cadre institutionnel souhaitées par les pouvoirs publics.
Il conviendra cependant d’en tirer toutes les conséquences notamment en termes de responsabilité de l’Etat.
Quelles sont les conséquences de la fin du rattachement sur l’ordonnancement des textes ?
Le rattachement à une collectivité publique commande l’application de différentes règles et jusqu’à présent, les établissements publics de santé étaient soumis en tant qu’établissements publics locaux à nombre de dispositions législatives ou réglementaires, codifiées ou non, extérieures au code de la santé publique. Ainsi, selon l’outil statistique de « Légifrance », 1276 articles codifiés, 396 dispositions législatives et 1519 dispositions réglementaires viseraient les établissements publics des collectivités territoriales en utilisant l’expression « leurs établissements publics » ce qui inclut, dans de nombreuses occurrences, les établissements publics de santé.
La suppression du rattachement privera donc de base juridique plusieurs dispositifs indispensables à la gestion des établissements publics de santé ou à leur contrôle. On citera pêle-mêle diverses règles en matière de recouvrement des recettes, l’intervention des juridictions financières dans le contrôle des comptes et de la gestion des établissements et de leurs satellites, diverses dispositions fiscales dont l’imposition au droit fixe des actes portant autorisation d’occupation temporaire du domaine public constitutifs d’un droit réel immobilier, l’application de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée, l’obligation de dépôt des fonds au Trésor, l’intervention de la mission interministérielle d’enquête sur les marchés et les conventions de délégation de service public, l’affiliation à la CNRACL des agents permanents de la fonction publique hospitalière, la purge de tous privilèges et hypothèques par le notaire en cas d’acquisition d’immeubles, la contestation des créances, les dons et legs, etc.
Cette situation devrait donc imposer tant au législateur qu’au pouvoir réglementaire un réexamen dans des délais très brefs de l’ensemble des dispositions touchées par la fin du rattachement. Il convient en effet qu’il n’y ait aucun vide juridique.
En tout état de cause, n’étant plus des établissements publics des collectivités territoriales, les établissements publics de santé ne seront plus soumis de droit au code des marchés publics dont l’article 2 est d’interprétation stricte. Partant, ils seront bel et bien soumis, sans qu’un texte soit nécessaire, aux dispositions de l’ordonnance de 2005, comme le préconisait le « Rapport Larcher » .
S’ils sont des établissements publics de l’Etat, comme nous le suggérons, ils seront par contre soumis aux mêmes règles que ces établissements publics, notamment en matière de marchés publics ou d’occupation du domaine public. De surcroît, ils pourront bénéficier d’allègements en termes de comptabilité : appliquer les dispositions relatives aux établissements nationaux à caractère industriel ou commercial et disposer d’un agent comptable qu’ils rémunèreront, qui font partie des vieilles lunes de leurs gestionnaires.
Quelle place pour les collectivités territoriales ?
Au-delà de ces aspects, la fin du rattachement qui n’est pas en soi problématique, sauf sur un plan juridique comme cela a été montré, conduit à s’interroger sur la place qui sera réservée aux collectivités territoriales dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de santé au plan local. Il a en effet longtemps été considéré que la représentation démocratique des citoyens à l’hôpital passait notamment par la présence des élus locaux (représentants des communes, département et région) complétée aujourd’hui par celle des représentants des usagers au sein du conseil d’administration.
La suppression du rattachement impose d’examiner la place qui sera impartie demain aux collectivités territoriales dans les différentes instances prévues par le code de la santé publique.
Il apparaît immédiatement que l’esprit du projet de loi n’est pas à l’évidence d’aller dans le sens d’une décentralisation – choix qu’ont pu faire d’autres pays européens -, l’Etat restant responsable de la politique de santé publique .
L’examen du projet de loi montre également qu’au-delà des compétences qui leur ont été précédemment reconnues dans les conférences régionales de santé , les comités régionaux de l’organisation sanitaire , les conférences sanitaires, les commissions régionales de concertation en santé mentale , les collectivités territoriales participeront désormais aux instances suivantes :

? Le conseil de surveillance des établissements publics de santé et des groupements de coopération sanitaire « établissements de santé »
Le conseil de surveillance exerce le contrôle de l’établissement ou du groupement. Il délibère sur :
– Le projet d’établissement;
– La convention constitutive des centres hospitaliers et universitaires et les conventions passées en application de l’article L. 6142-5 ;
– Le compte financier et l’affectation des résultats ;
– Le rapport annuel sur l’activité de l’établissement présenté par le président du directoire ;
– Toute convention intervenant entre l’établissement public de santé et l’un des membres de son directoire ou de son conseil de surveillance ;
– Les statuts des fondations hospitalières créées par l’établissement.
Les collectivités territoriales et leurs groupements y disposeront « au plus de quatre représentants » au même titre que les représentants du personnel médical et non médical de l’établissement et au même titre que les personnalités qualifiées.
Il ne s’agit pas d’une compétence nouvelle puisque cette participation remplace celle prévue antérieurement au titre du rattachement des établissements publics de santé aux collectivités territoriales.
? Le conseil de surveillance de l’agence régionale de santé
Le conseil de surveillance de l’agence régionale de santé approuve le compte financier et émet au moins une fois par an un avis sur les résultats de l’action menée par l’agence.
Présidé par le représentant de l’Etat dans la région, il est composé de représentants de l’Etat, de membres des conseils et conseils d’administration des organismes locaux d’assurance-maladie de son ressort, de représentants des collectivités territoriales, de personnalités qualifiées ainsi que de représentants des usagers élus ou désignés, selon des modalités définies par décret .
Là encore, bien que l’exposé des motifs prenne la peine d’indiquer que « La gouvernance des ARS assurera un juste équilibre entre l’autorité forte de l’exécutif et une bonne représentation des différentes parties prenantes, indispensable à une large concertation », il s’agit simplement de la transposition aux ARS des dispositions antérieures applicables aux ARH en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004.
? Les deux commissions de coordination des politiques prévues à l’article L. 1432-1 du code de la santé publique
Les collectivités territoriales seront associées, dans des conditions déterminées par décret, aux services de l’Etat et aux organismes de sécurité sociale compétents « pour assurer la cohérence et la complémentarité de leurs actions, d’une part dans le secteur de la prévention et, d’autre part, dans celui des prises en charge et accompagnement médico-sociaux ».
Il s’agit de la seule réelle nouveauté institutionnelle en la matière.

Des esprits chagrins pourraient donc estimer qu’il est donc de nouveau fait appel à des représentants des collectivités territoriales uniquement « pour peupler des organes consultatifs rénovés, chargés de donner des avis préalables » soit à des décisions prises au nom de l’Etat par le directeur général de l’ARS, soit par le directeur de l’établissement public de santé dont les pouvoirs sont renforcés.
Que le débat sur l’organisation sanitaire ne soit plus pollué par des questions d’intérêt local mais étrangères à la prise en charge des soins est certainement une bonne chose. Que les élus locaux ne puissent plus bloquer la gestion des établissements en refusant l’approbation de délibérations essentielles, qu’ils n’aient plus à adouber les directeurs ni de pouvoir sur leur maintien à la tête des établissements – ce qui renvoyait plus à l’ancien régime qu’à une démocratie adulte – n’est certainement pas regrettable.
Cependant, le fait que les collectivités territoriales ne se soient pas précipitées pour mettre en oeuvre l’article 70 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ni pour revendiquer quelques compétences que ce soit dans le domaine sanitaire, ne peut exonérer le Parlement d’un véritable débat sur la place des collectivités territoriales dans l’organisation sanitaire, sociale et médico-sociale, débat qui ne saurait se réduire à la question du rattachement des établissements publics de santé.
En effet, qui défendra le point de vue des usagers, des habitants d’une ville, d’un département ou d’une région face à la tentation technocratique ? Qui en aura la légitimité ? Quels seront les recours par exemple dans l’hypothèse où, sous prétexte de respecter l’équilibre de l’assurance-maladie, des services publics seront supprimés entraînant un allongement des trajets et un accroissement des temps d’accès aux soins ? Où seront les contre-pouvoirs ?
La souveraineté du peuple « ne saurait s’exercer dans le cadre seul de la nation. Si certaines fonctions de la vie collective incombent naturellement au pouvoir central, certaines autres sont rattachées, par leur nature même, à la collectivité » .
La fin du rattachement organique constitue une petite révolution pour les établissements publics de santé. Pour qu’elle soit bénéfique, il conviendra que le législateur et les pouvoirs publics prennent toutes les dispositions pour accompagner ce changement qui ne peut se justifier que s’il favorise la restructuration du paysage sanitaire au profit de la population.