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Répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif

– Par une décision du 16 novembre 2015, le Tribunal des conflits précise la répartition des compétences dans le cas où un titulaire à un marché public appel en garantie son sous-traitant. La Métropole européenne de Lille a sollicité, devant le juge administratif, la condamnation d’une société à lui verser une indemnisation au titre d’un dysfonctionnement des installations qu’elle a construit. Cette dernière a décidé d’appeler en garantie son sous-traitant. Le juge administratif s’interrogeant sur sa compétence pour connaître de cet appel en garantie a saisi le Tribunal des conflits.  

Ce dernier estime que « la compétence de la juridiction administrative, pour connaître des litiges nés de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux ne s’étend pas à l’action en garantie du titulaire du marché contre son sous-traitant avec lequel il est lié par un contrat de droit privé ». Dès lors, seul le juge judiciaire est compétent pour connaître de l’action en garantie d’un titulaire d’un marché public à l’encontre de son sous-traitant.

 (TC, 16 novembre 2015, n° C4029)

– Par une autre décision du 16 mars 2015, le Tribunal des conflits se base sur la nature du contrat pour déterminer la compétence du juge. Dans cette affaire, il était question d’un recours présenté devant les juridictions civiles par la région Ile-de-France en réparation d’un préjudice financier résultant de l’entente entre plusieurs sociétés pour la passation de contrats publics. Ces sociétés avaient été condamnées pour entente par le Conseil de la concurrence. Le préfet a élevé le conflit.

Le Tribunal juge que « les litiges relatifs à la responsabilité de personnes auxquelles sont imputés des comportements susceptibles d’avoir altéré les stipulations d’un contrat administratif, notamment ses clauses financières, dont la connaissance relève de la juridiction administrative, et d’avoir ainsi causé un préjudice à la personne publique qui a conclu ce contrat, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ». Cette décision du Tribunal des conflits vient ainsi confirmer la solution d’ores et déjà retenue par le Conseil d’Etat dans son arrêt société Campenon-Bernard (CE, 19 décembre 2007, n° 268918, société Campenon-Bernard).

(TC, 16 novembre 2015, n° 4035)

 

Contentieux des marchés publics

– Le Conseil d’Etat ordonne la première suspension d’une décision de résiliation en application de l’arrêt dit Béziers II (CE, 21 mars 2011, n° 304806, Commune de Béziers). En effet, cet arrêt prévoit qu’il est possible d’ordonner la suspension d’une décision de résiliation d’un contrat administratif sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, si plusieurs conditions sont remplis, à savoir :

     * L’introduction d’un recours au fond : ce référé suspension s’appuie sur une requête au fond contestant la validité de la résiliation du contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ;

     * Une urgence à suspendre l’exécution : celle-ci s’apprécie d’une part au regard des atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment sur sa situation financière ou à l’exercice de son activité, et d’autre part au regard de l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment celui du nouveau titulaire ;

     * Un doute sérieux quant à la légalité de l’acte : les vices invoqués doivent paraître d’une gravité suffisante pour conduire à une reprise des relations contractuelles ;

     * L’existence d’un objet au contrat : le juge doit vérifier que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet.

En l’espèce, dans cet arrêt, il est question de la résiliation d’une délégation de service publique ayant pour objet la gestion d’une fourrière et d’un refuge pour animaux. Le maire a décidé de résilier ce contrat pour faute. Les juges du Palais royal relèvent que le délégataire tire ses ressources essentiellement de l’exploitation de cette fourrière et de ce refuge. Ils en déduisent que cette résiliation est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à la situation financière du délégataire. Il est à noter que le service en question avait été repris en régie par la commune, il n’y avait donc pas d’atteinte aux droits des tiers. La condition d’urgence est remplie, pour la première fois, aux yeux du Conseil d’Etat.

Sur le doute sérieux quand à la légalité de la décision de résiliation, les juges de Palais royal estime que l’existence de la faute reprochée n’est pas avérée, mais au surplus, qu’elle n’est pas du fait du délégataire. Ainsi cette condition est également satisfaite.

Il en résulte que le Conseil d’Etat ordonne la suspension d’une décision de résiliation d’un contrat administratif pour la première fois, alors qu’il s’était montré très sévère sur la condition d’urgence jusqu’à présent.

(CE, 17 juin 2015, n° 388433, Commune d’Aix-en-Provence)