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Cela ne devrait pas être une découverte quasi-copernicienne, mais ça va mieux en le disant.

Depuis plusieurs années, des cabinets de conseil proposent à des personnes publiques de rechercher des économies, qui en matière d’énergie, qui en matière fiscale, qui en matière sociale, qui en matière d’organisation logistique, qui en matière d’achats, etc (Voir notre article – réservé – sur les cost-killers). De nombreuses personnes publiques y ont régulièrement recours, notamment des collectivités territoriales et des établissements publics de santé.

Le centre hospitalier d’Evaux-les-Bains vient de donner une nouvelle occasion à la Cour administrative d’appel de Bordeaux de confirmer que les contrats conclus en la matière sont des marchés publics et de préciser les règles de responsabilité en cas de constatation de la nullité du contrat (CAA Bordeaux, 11 janvier 2011, req. n°09BX02684).

Cet établissement avait imprudemment conclu un tel contrat avec la société CTR en dehors de toute procédure de marché. Ce contrat, sans prix déterminé, prévoyait que celui-ci serait fixé à 40% des économies perçues pendant la période de facturation de 36 mois suivant la mise en place de la recommandation du prestataire de service.

C’est à ce titre que le prestataire lui a adressé deux factures, l’une d’un montant de 95 680 euros TTC et l’autre d’un montant de 114 816 euros TTC qu’il n’a pu honorer en l’absence de marché conclu en bonne et due forme.

La société CTR ayant déféré le refus de paiement opposé par l’établissement, a vu déclarer la nullité du contrat en cause par le Tribunal administratif de Limoges, mais a obtenu la condamnation du centre hospitalier d’Evaux-les-Bains au paiement de la somme de 22 250 euros. Contestant la nullité du contrat et estimant insuffisante la condamnation du centre hospitalier, la société a interjeté appel de la décision.

La CAA Bordeaux confirme que la convention est un marché public qui ne pouvait donc être conclu en dehors de toute procédure de publicité et de mise en concurrence : “Considérant qu’il est constant que la convention conclue entre la SOCIETE COLLECTIVITES TERRITORIALES RESSOURCES et le centre hospitalier n’a été précédée d’aucune publicité ni mise en concurrence ; qu’ainsi, elle a été conclue en méconnaissance des principes d’égalité et de transparence posés par les dispositions précitées ; que, par suite, la SOCIETE COLLECTIVITES TERRITORIALES RESSOURCES n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a déclaré la nullité de cette convention ;”

Elle confirme également qu’en raison de sa nullité, le contrat conclu le 6 mars 2007 entre la société et le centre hospitalier d’Evaux-les-Bains n’avait pu faire naître d’obligations à la charge des parties.

Elle maintient le principe d’une indemnisation au titre de la responsabilité extracontractuelle qu’elle fixe globalement à de 59 899,20 euros, après avoir retenu, ce qui est particulièrement intéressant à relever, une responsabilité majorée de la société CTR dans la commission de l’acte à l’origine du préjudice : “la SOCIETE COLLECTIVITES TERRITORIALES RESSOURCES a elle-même commis une faute en se prêtant à la conclusion d’un marché dont, compte tenu de la nature même de son activité de conseil, elle ne pouvait ignorer l’illégalité ; qu’eu égard à la faute ainsi commise par cette société, qui a accepté de signer un contrat dont elle n’ignorait pas l’illégalité, il y a lieu de laisser à sa charge 80 % des conséquences dommageables de la nullité du contrat “.

Les acheteurs publics et les prestataires ne pourront plus faire semblant désormais qu’il ne savaient pas ! De surcroît, un tel dossier montre aux acheteurs publics qui sont censés préserver les deniers publics, combien peut coûter une prestation intégralement rémunérée au résultat ou « success fee » (plusieurs centaines de milliers d’euros), par rapport à une rémunération forfaitaire ou au temps passé qui dépasse rarement, dans de tels dossiers, quelques milliers d’euros…