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Législation

La simplification et l’harmonisation de la commande publique continue

Après une refonte des marchés publics par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, le législateur s’est attaqué aux contrats de concession dans l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et son décret d’application n° 2016-86 du 1er février 2016.

Ces textes transposent la directive 2014/23 du 26 février 2014, mais à vocation à aller plus loin. En effet, s’inscrivant dans la poursuite de l’ordonnance « marché », le législateur entend simplifier et rationnaliser l’architecture des contrats de concessions désormais rassemblés au sein du même texte.

Cette ordonnance et son décret d’application seront applicables pour les consultations engagées à partir du 1er avril 2016.

Il est à noter que l’ordonnance prévoit explicitement l’exception de la quasi-régie ou « in house ».

 – La Commission européenne, législateur international ?

Dans un communiqué IP/16/178 du 29 janvier 2016, la Commission européenne a présenté une proposition relative à un instrument international sur les marchés publics afin de promouvoir un accès ouvert aux marchés publics dans le monde entier. L’objectif affiché est de contrer les partenaires commerciaux de l’Union Européenne ayant des pratiques restrictives, et parfois discriminatoires envers les candidats membres de l’UE, alors que l’UE est une économie ouverte.

Cet outil donnerait des moyens d’enquête et de négociation avec les pays tiers lorsqu’il apparaît que ces derniers discriminent les entreprises européennes.

Enfin, la commission disposerait d’un dernier outil, après consultation des Etats membres. Le prix des offres de produits et services faites par le pays concerné serait considéré comme supérieur au prix effectivement proposé, procurant ainsi un avantage concurrentiel aux produits et services des pays européens et des autres pays non ciblés. Ainsi, le pays concerné n’aurait que peu de chance de devenir attributaire.

La Commission propose une réponse à la discrimination, par une discrimination déguisée.

 

Contentieux précontractuel

Le juge du référé précontractuel rappelé à l’ordre dans une ordonnance du 20 janvier 2016.

Dans cette affaire, la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS) avant lancé un appel d’offres dans le dessein de passer un marché pour la collecte et l’évacuation des déchets ménagers et assimilés. Un candidat, dès le stade de l’analyse des offres, avait obtenu l’annulation de la procédure par le Tribunal administratif de la Réunion. En effet, il avait considéré que le pouvoir adjudicateur avait apporté des corrections injustifiées au décompte des emplois qui seraient affectés à l’exécution du marché. Le juge en déduisait que ces modifications avaient entrainé l’appréciation défavorable de l’offre de la requérante au regard de « cohérence entre la décomposition du prix global et forfaitaire et la note méthodologique du candidat ».

Il est établi de longue date que le juge du référé précontractuel ne peut pas se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou sur ses mérites (CE, 29 juillet 1998, Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise et sociétés Spie Batignolles et ANF Industries, req. n° 194412). En effet, ce juge ne doit examiner que le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence applicable à la procédure de passation usitée.

Toutefois, le Conseil d’Etat précise qu’il lui appartient quand même « lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats ».

Dans cette affaire, les juges du Palais Royal estiment que le juge « ne s’est pas borné à vérifier que la CIVIS n’avait pas dénaturé le contenu de l’offre de la société, mais s’est prononcé sur l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur la valeur de cette offre ».

(CE, 20 janvier 2016, n° 394133)

 –  Enfin, le juge du référé précontractuel estime qu’un pouvoir adjudicateur doit contrôler les compétences d’une personne publique candidate à un appel d’offre.

Dans cette affaire, une commune avait lancé une procédure négociée pour la réalisation d’études d’urbanisme pour la création d’une ZAC. L’offre d’un groupement, comprenant différentes sociétés et l’association de gestion du Conservatoire national des arts et métiers des Pays de Loire, avait été retenue. Toutefois, par une ordonnance du 22 avril 2015, le juge du référé précontractuel a annulé la procédure à compter de l’examen des candidatures au motif « qu’il n’entre pas dans la mission de service public d’enseignement et de recherche du Conservatoire national des arts et métiers, établissement public, de délivrer des prestations de conseil juridique en droit de l’urbanisme ».

Les juges du Palais Royal, procédant à un revirement du jurisprudence attendu, considèrent qu’ « il appartient au juge du référé précontractuel, saisi de moyens sur ce point, de s’assurer que l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur pour exclure ou admettre une candidature ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; que, dans ce cadre, lorsque le candidat est une personne morale de droit public, il lui incombe de vérifier que l’exécution du contrat en cause entrerait dans le champ de sa compétence et, s’il s’agit d’un établissement public, ne méconnaîtrait pas le principe de spécialité auquel il est tenu ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que c’était l’association de gestion du Conservatoire national des arts et métiers, personne morale de droit privé, qui était membre d’un groupement et non l’établissement public lui-même. Il en déduit que le Tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit et annule son ordonnance.

(CE, 18 septembre 2015, n° 390041)

Droit pénal public

–  Des précisions sur la notion de personne chargée d’une mission de service public dans le cadre du délit de prise illégale d’intérêts

Le directeur général adjoint de fret SNCF était poursuivi en correctionnel du chef de prise illégale d’intérêts pour avoir signé un contrat de prestations intellectuelles pour l’étude de la mise en place d’un opérateur ferroviaire de proximité au sein du port de La Rochelle, avec une société ayant pour dirigeant son frère.

En premier ressort, il avait été déclaré coupable des faits reprochés, mais la Cour d’appel de Paris infirmera ce jugement au motif que le trafic ferroviaire de marchandises ayant été ouvert à la concurrence et que selon l’article L. 2141-1 du Code des transports, les missions de service public de la SNCF se trouvent limitées au transport de voyageurs et à la gestion des infrastructures ferroviaires. Dès lors, la Cour d’appel en avait déduit que le directeur adjoint de fret SNCF n’était pas en charge d’une mission de service public et donc exclu du champ d’application de l’article 432-12 du Code pénal. 

Cette position a été confirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 octobre 2015, la Cour reprenant l’argumentation de la Cour d’appel de Paris.

(Cour de Cassation, 28 octobre 2015, n° 14-82186)