Au programme cette semaine, un arrêt de la Cour de cassation relatif au recours possible dans le cadre d’infections nosocomiales, un grand nombre d’arrêts de la Cour de cassation sur la prohibition du partage d’honoraires entre médecins et trois nouvelles fiches techniques de la Direction des Affaires Juridiques relatives aux contrats de concession.
PROFESSIONS ET ETABLISSEMENTS DE SANTE
Victimes d’infection nosocomiale : Quels sont les droits ?
A l’occasion d’un accouchement par césarienne réalisé au sein d’une clinique, une patiente a contracté une infection nosocomiale ayant entrainé un déficit fonctionnel permanent de 60%. Lors de la césarienne, elle avait bénéficié d’une rachianesthésie réalisée par un médecin-anesthésiste exerçant à titre libéral.
La patiente a donc assigné en responsabilité et en indemnisation la clinique et son assureur ainsi que le médecin-anesthésiste et son assureur ; elle invoquait l’existence de fautes à l’origine de cette infection. L’établissement fait appel, de façon concomitante, à l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Dans son arrêt Civ.1ère, 28 septembre 2016, n°15-16.117, la Cour de cassation rappelle que l’articulation entre une indemnisation relevant de l’ONIAM et l’engagement de la responsabilité du praticien et de l’établissement est possible ; elle précise en effet que « même lorsque les dommages résultant d’une infection nosocomiale ouvrent droit, en raison de leur gravité, à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l’article L.1142-1-1,1° (…), la responsabilité de l’établissement où a été contractée cette infection comme celle du professionnel de santé, ayant pris en charge la victime, demeurent engagées en cas de faute ».
L’indemnisation perçue au titre de la solidarité nationale de la part de l’ONIAM n’est donc pas incompatible avec l’engagement de la responsabilité de l’établissement et du professionnel de santé ; la victime dispose toujours d’une possibilité d’agir à l’encontre de ces derniers.
Dans les faits, la patiente était donc en droit de prétendre à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, les articles L.1142-1,II et L.1142-1-1 du Code de la santé publique ne faisant pas obstacle à une action directe de la victime contre l’établissement ou le professionnel de santé lorsqu’il est prouvé qu’ils ont commis des fautes ayant causé le dommage.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/937_28_35082.html
Le retour du situationnisme ?
L’article L.4113-5 du Code de la santé publique dispose « qu’il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l’exercice de la profession de recevoir, en vertu d’une convention, la totalité ou une quote-part des honoraires ou des bénéfices provenant de l’activité professionnelle d’une membre de l’une des professions régies par le présent livre ».
La Cour de cassation a eu à se prononcer à plusieurs reprises (nous n’en citons que quelques-uns)[i] sur la conformité des dispositions de cet article aux principes constitutionnels de liberté d’entreprendre, de liberté contractuelle et d’égalité. En effet, une jurisprudence constante limite le montant de la redevance que peut demander une clinique à un médecin exerçant en son sein, en contrepartie des services rendus, aux seules dépenses engagées par l’établissement. Ceci permet, en cas de contentieux, au juge de modifier, avec effet rétroactif, les conditions tarifaires du contrat conclu entre le praticien et la clinique.
Le 5 octobre dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur la régularité des dispositions de cet article L.4113-5 du Code de la santé publique en affirmant, à l’occasion de 20 arrêts, qu’elles ne sont pas de nature à porter atteinte au principe d’égalité, « dès lors que la différence de traitement qu’elle crée entre les praticiens, selon qu’ils exercent leur activité libérale au sein d’un établissement de santé privé ou public (…) repose sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi ».
COMMANDE PUBLIQUE
Le nouvel encadrement des contrats de concession
Le 29 septembre dernier, la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) a mis en ligne trois nouvelles fiches techniques destinées aux acheteurs et autorités concédantes et relatives aux contrats de concession.
Ces fiches qui tiennent compte des dernières modifications législatives et règlementaires, ont vocation à accompagner les acteurs dans la mise en œuvre de la nouvelle règlementation issue de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 et de son décret n°2016-85 du 1er février 2016 ; ces textes rassemblent en effet les règles applicables à tous les contrats de concessions au sens de la directive 2014/23/UE du 26 février et ont pour but de simplifier et rationaliser l’architecture du droit interne des contrats de concession.
Le premier volet de cet accompagnement fait l’objet d’une fiche relative à la détermination de la valeur estimée et de la durée des concessions. A cette occasion, il est rappelé que désormais, il n’existe qu’un unique seuil applicable à l’ensemble des contrats de concession, sans distinction aucune entre les concessions de travaux ou de services. Cette première fiche apporte également des précisions sur la méthodologie de détermination de la valeur prévisionnelle d’un contrat de concession en application de l’article 7 du décret du 1er février 2016 qui dispose que « la valeur estimée correspond au chiffre d’affaires total hors taxes du concessionnaire pendant la durée du contrat, eu égard de la nature des prestations qui font l’objet de la concession ». Cette détermination en amont de la valeur d’une concession doit s’inscrire dans une procédure d’évaluation transparente et encadrée, engageant une exposition de la méthode de calcul retenue par l’autorité concédante dans les documents de la consultation. Enfin cette première fiche rappelle le principe d’une durée limitée posé par l’article 34 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 ; durée calculée en fonction de la nature et du montant des prestations ou des investissements.
La seconde fiche est dédiée aux modalités de mise en concurrence des contrats de concession et en particulier à l’adoption d’un dispositif procédural binaire. En effet les contrats de concession de services relèvent désormais de l’article 9, 1° de l’ordonnance du 29 janvier 2016 ; les contrats de concession de travaux sont quant à eux soumis à l’article 10, traduisant ainsi des règles procédurales variables selon l’objet ou le montant du contrat de concession. Ce second volet précise ensuite les modalités de mise en concurrence adaptées à la spécificité des contrats de concession : l’autorité concédante disposant donc d’une liberté de principe dans le choix et l’organisation de la procédure de passation, l’article 36 alinéa 1er de l’ordonnance stipulant que « l’autorité concédante organise librement la procédure qui conduit au choix du cessionnaire, dans le respect des principes énoncés à l’art.1er de la présente ordonnance ». Enfin, l’article 36 de l’ordonnance reconnait aux autorités concédantes une faculté de négocier, permettant concomitamment de favoriser la concurrence en retenant l’offre la plus compétitive et la mieux adaptée aux besoins[1].
Une dernière fiche est consacrée aux modalités de publicité applicables à la passation des contrats de concession ; publicité dépendant dorénavant de l’objet du contrat ou de sa valeur exprimée hors taxe et non plus de la qualification contrat en concession de service ou travaux. Pour certains contrats[2], les pouvoir adjudicateurs doivent se référer au formulaire 24 « Avis de concession » figurant à l’annexe XXI du règlement d’exécution du 11 novembre 2015. Enfin, en application de l’article 48 de l’ordonnance du 29 janvier 2016, l’autorité concédante publie le choix de l’offre retenue, certains cas de publication d’un avis d’attribution étant obligatoire (article 32 du décret du 1er février 2016).
[1]Les modalités de ces négociations sont encadrées à l’article 46 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 qui prohibe toute négociation portant sur l’objet du contrat, les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ou encore les critères d’attribution du contrat.
[2] Contrats dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure au seuil européen et pour lesquels une publication obligatoire au JOUE est imposée
[i] Civ.1ère, 5 octobre 2016, n°16-12.340
Civ.1ère, 5 octobre 2016, n°16-12.341
Civ.1ère, 5 octobre 2016, 16-12.342