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Il est de jurisprudence constante qu’un contrat nul n’a pu faire naître d’obligations à la charge des parties (CE, Sect. 29 mars 1965, Dame Vve Moulinet, Rec. CE, p. 209 ; CAA Bordeaux, 28 avril 1997, n° 96BX01843, Commune d’Alès, Rec. CE 1997, tables, p. 934).

Depuis plusieurs décennies, obtenir la reconnaissance de la nullité d’un contrat était donc devenu un sport national afin d’échapper aux obligations contractuelles.

Mais voilà que le Conseil d’Etat a troublé ce petit jeu par ses décisions ‘Tropic Travaux” : “Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat” (CE, 16 juillet 2007, N° 291545 publié au recueil Lebon) et “Commune de Béziers” : « Considérant, en premier lieu, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu’il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;
Considérant, en second lieu, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’ exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; (…) »CE, 28 décembre 2009, N° 304802, Publié au recueil Lebon).
Et toutes les juridictions administratives lui emboîtent naturellement le pas. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé à bon droit que l’absence de mise en concurrence constituait une irrégularité qui rendait illicite le contenu du contrat ou viciait gravement les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement : “Considérant qu’avant de constater la nullité du marché, il revient au juge de vérifier que l’irrégularité relevée est de celles qui, eu égard à l’exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles et sous réserve qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive à l’intérêt général, rendent illicites le contenu du contrat ou vicient gravement les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que tel est le cas de l’absence de mise en concurrence pour l’exécution des prestations en litige ou de l’organisation d’une mise en concurrence qui aurait eu pour effet d’évincer des prestataires qui auraient eu qualité pour soumissionner ;” (CAA Lyon, 22 avril 2010, N° 07LY01357).
Désormais, le jeu va donc être de rechercher les moyens de sauvegarder la validité de tout ou partie du contrat, quelles que soient les irrégularités commises, au nom de « l’exigence de loyauté et de stabilité des relations contractuelles ».
Cela va sans aucun doute donner un nouvel élan aux raisonnements intellectuels devenus à l’évidence très routiniers et ce d’autant plus qu’il va falloir prouver.
C’est ce que nous indique, de manière fort pédagogique, le Conseil d’Etat dans son arrêt du 19 juillet 2010 N° 327155 mentionné dans les tables du recueil Lebon :« Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE BEZIERS avait soulevé, devant la cour administrative d’appel de Marseille, le moyen tiré de ce que le constat de la nullité du contrat porterait une atteinte excessive à l’intérêt général eu égard aux besoins du service public hospitalier, aux exigences de sécurité et au coût de l’engagement d’une nouvelle procédure de sélection ; qu’en ne répondant explicitement que sur le coût de l’engagement d’une nouvelle procédure et en se bornant à relever, pour le reste, qu’il n’y avait aucune circonstance de nature à démontrer une atteinte excessive à l’intérêt général, la cour a insuffisamment motivé son arrêt en ne mettant pas le juge de cassation à même d’exercer son contrôle ».
Il faudra donc démontrer que la nullité porte (…ou ne porte pas) une atteinte excessive à l’intérêt général.