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Du 15 au 21 mars 2010 se tient la Semaine d’Information sur la Santé Mentale au cours de laquelle plus de 300 manifestations seront organisées sur l’ensemble du territoire (conférences, réunions-débat, visites de lieux de soins, journées portes ouvertes, films, expositions, pièces de théâtre …).
L’occasion rêvée pour se pencher sur la “folie” du droit et au cas d’espèce sur les normes applicables aux établissements et structures spécialisés, non ?
On trouve en effet des dispositions toujours en vigueur qui datent de …. 1956, voire de 1946 ! Il s’agit des célèbres annexes du décret n° 56-284 du 9 mars 1956 complétant le décret n° 46-1834 du 20 août 1946.
Certaines de celles-ci ont été codifiées mais pas toutes. Certaines ont été revues, mais pas toutes.
Et tout cela garde un parfum suranné d’époques et de conceptions révolues. Nous en donnerons deux exemples :
– les maisons de santé mentale ;
– les centres médico-psycho-pédagogiques de cure ambulatoire.
Les maisons de santé mentale
Les dispositions ont été codifiées et lors de la récente codification certaines ont été supprimées comme les suivantes :
-« Toute maison de santé pour maladies mentales doit être largement ensoleillée, protégée des vents dominants, convenablement orientée ; son aspect extérieur ne doit présenter aucun caractère carcéral ».

– « Chaque établissement doit posséder une baignoire et un poste de douches pour quinze ou fraction de quinze lits ».
– « Des lavabos à eau courante, froide ou chaude, et des bidets doivent être installés dans les chambres ou dans les cabinets de toilette attenants aux chambres. Il faut prévoir au moins un lavabo pour chaque chambre à un, deux ou trois lits ; deux lavabos pour chaque chambre à quatre, cinq ou six lits. »
– « L’eau doit être potable et en quantité suffisante : 250 litres par lit et par jour. Elle doit être régulièrement et fréquemment analysée, si l’établissement ne s’approvisionne pas à une canalisation publique surveillée. Si les analyses ou les enquêtes sanitaires révèlent la moindre cause de pollution, il faudra mettre en oeuvre un procédé d’épuration approuvé par les autorités sanitaires. S’il se trouve, à proximité de l’établissement, une canalisation publique d’eau potable et que rien ne s’oppose à son utilisation, le raccordement sera obligatoire ».
– L’évacuation des eaux résiduaires (eaux-vannes provenant des water-closets, eaux ménagères et de toilette, eaux de bains et buanderie) doit être assurée conformément aux règlements sanitaires et aux instructions du conseil supérieur d’hygiène publique. Dans les établissements importants, le linge, le matériel lavable sont lessivés, autant que possible, sur place, dans une buanderie pourvue de l’installation et des annexes nécessaires. Les procédés employés doivent permettre une désinfection efficace ».
– « Le chauffage central est exigé dans toute maison de santé pour les maladies mentales. L’installation doit être telle qu’elle élimine tout risque de brûlures ».
– « L’éclairage électrique est obligatoire avec possibilité de mise en veilleuse pendant la nuit ».
– « Le stock de linge de maison doit être suffisant, pour permettre d’assurer à chaque malade un change aussi fréquent qu’il peut être nécessaire ».
Cependant, ne faudrait-il pas poursuivre l’aggiornamento ?

En effet, le code de la santé publique 2010 continue de comporter les normes suivantes :
– « La superficie d’ensemble de l’établissement doit être au moins de un hectare pour cinquante malades et être calculée à raison de un demi-hectare pour cinquante lits en ce qui concerne le terrain d’assiette de la construction.
– Les espaces verts à la disposition des malades doivent comporter une superficie minimale de un demi-hectare pour cinquante malades » (Article D6124-464).
100 têtes à l’hectare … Ca rappelle des normes …d’élevage.
– « Le quart au moins des malades doivent pouvoir être hospitalisés en chambres individuelles.
– Les chambres individuelles doivent avoir une surface minimale de 10 mètres carrés.
– Les chambres collectives ne peuvent comporter plus de six lits et doivent avoir une surface minimale de 6 mètres carrés par malade.
– La hauteur sous plafond assure, dans les chambres individuelles, un volume d’air d’au moins 30 mètres cubes, et dans les chambres collectives, un volume d’air d’au moins 20 mètres cubes par lit.
– Tout établissement comprenant des chambres à plusieurs lits doit comporter, par trente lits ou fraction de trente lits, une chambre individuelle avec sortie indépendante » (Article D6124-466).
Tout cela a des relents d’une conception archaïque de la psychiatrie, de celle que dénonçaient Foucault et Laing et Cooper et les autres. C’était avant l’antipsychiatrie, c’était avant les alternatives à l’hospitalisation. C’était avant l’idée de l’insertion du soin dans la ville. Ca sent l’hygiénisme qui justifiait, de manière politiquement correcte, l’envoi des fous à la campagne, loin des villes.
Les centres médico-psycho-pédagogiques de cure ambulatoire
L’exemple est encore plus caricatural. En effet, le texte n’a pas été retouché.
Les centres médico-psycho-pédagogiques pratiquent le diagnostic et le traitement des enfants inadaptés mentaux dont l’inadaptation est liée à des troubles neuro-psychiques ou à des troubles du comportement susceptibles d’une thérapeutique médicale, d’une rééducation médico-psychologique ou d’une rééducation psychothérapique ou psycho-pédagogique sous autorité médicale.
On est heureux d’apprendre :
– Les sols des locaux doivent être tenus en parfait état de propreté.
– Les murs et les cloisons doivent être enduits d’une peinture lavable, claire de préférence ; le papier est exclu, à moins qu’il ne soit aussi lavable que la peinture elle-même.
– L’aération doit être permanente et conçue de manière à fonctionner en toute saison, sans occasionner de gêne aux consultants.
– Le chauffage central ou tout système offrant les mêmes possibilités et garanties est recommandé dans tout centre.

– La température des locaux ne doit jamais être inférieure à 18°.
– L’éclairage électrique est obligatoire.
– Le centre doit disposer d’eau potable en quantité suffisante.
– L’évacuation des eaux usées doit être assurée conformément aux règles d’hygiène.
– Les lavabos et les W.-C. doivent être en nombre suffisant.
– Les cabinets d’aisances doivent être bien aérés, ventilés et éclairés, comporter une chasse d’eau, un siphon hydraulique et un poste d’eau.
– Le centre doit posséder le téléphone avec la ville et avoir, en évidence et à proximité de l’appareil, les adresses et les numéros de téléphone dont on peut avoir besoin d’urgence. Il doit autant que possible disposer d’un, réseau téléphonique intérieur.
– Les locaux sont nettoyés et aérés après chaque séance de consultations.
– Le centre doit posséder au moins une salle d’attente spacieuse et contenant un nombre de sièges proportionné au nombre de consultants et de personnes susceptibles de les accompagner.
– Le personnel doit être indemne de toute affection tuberculeuse, à l’exception de séquelles anciennes ou cicatricielles.
Mais si, mais si, tout ça est toujours en vigueur !

En un mot, la France de l’après-guerre et de la reconstruction qui découvrait les délices du déploiement de l’eau courante, de l’électricité et du téléphone et qui tentait de lutter contre l’insalubrité et ses ravages.