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nouveau code de la commande publique – jusque ou va la possibilite de modifier ou de resilier le marche
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La sortie programmée d’un Code de la Commande Publique ne suscite pas de débats passionnés parmi les professionnels du secteur.

Et pour cause, une codification à « droit constant » est à l’œuvre.

En principe, l’objectif d’une telle codification est uniquement de rassembler les différents textes applicables à un domaine particulier au sein d’un même ouvrage.

La codification annoncée ne saurait dès lors répondre aux nombreuses attentes des professionnels qui souhaitent des clarifications et ajustements des règles en matière de marchés publics ou de concessions.

En outre, la création d’un code de la commande publique n’est pas une idée nouvelle. Elle a en effet été plusieurs fois envisagée sans jamais aboutir.

Aujourd’hui le projet de code de la commande publique est toutefois bien avancé. Ce projet a même été publié sur internet et fait l’objet d’une consultation publique ouverte jusqu’au 29 mai 2018, sous l’égide de la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie et des finances.

Il doit être transmis au Conseil d’Etat avant l’été et finalisé avant la fin de l’année 2018[1].

Un code de la commande publique envisagé depuis longtemps

Par deux habilitations, le législateur avait autorisé le gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à une codification des règles de la commande publique.

A l’occasion de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit[2], la création d’un code de la commande publique avait déjà été envisagée.

Elle a toutefois été repoussée dès lors que, pour le gouvernement, il n’apparaissant pas souhaitable « ni pour les acheteurs, ni pour les entreprises d’apporter un nouveau bouleversement des règles existantes »[3] notamment suite à l’adoption des nouvelles règles liées à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics[4].

En 2009, par la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, le législateur avait revu à la baisse ses ambitions et envisageait de créer un code uniquement pour les contrats non soumis au code des marchés publics, en parallèle de celui code des marchés publics de 2006.

Si l’idée de rassembler les textes soumis aux règles de la commande publique était bien ancrée, l’absence de régime unique et cohérent pour l’ensemble des contrats publics rendait difficile la mise en place d’une telle initiative.

Une codification encadrée au service de la sécurité du droit des contrats publics

Les enjeux financiers en matière de commande publique étant considérables, il est évident que toute codification de ses règles ne peut se faire que dans le respect du principe de sécurité juridique et dès lors sans innovations majeures.

En ce sens, la voie de l’ordonnance de l’article 38 de la constitution a été plébiscitée pour mener à bien la codification des règles de la commande publique.

Elle évite ainsi toute discussion des textes et potentielle incohérence avec les règles européennes transposées et sécurise les futures relations contractuelles.

Le législateur a ainsi habilité le gouvernement à procéder à une codification des règles de la commande publique issues de la transposition des nouvelles directives 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « SAPIN II ».

L’objet du projet de code de la commande publique

Le projet de code de la commande publique a pour objet de regrouper et d’organiser « les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s’analysent, au sens du droit de l’Union européenne, comme des marchés publics et des contrats de concession ».

Son champ d’application se trouve ainsi limité aux marchés publics et aux contrats de concessions.

On retrouve, dans le projet de code, les textes qui leur sont applicables dont :

  • L’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et ses décrets d’application (décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et décret n° 2016-361 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de défense ou de sécurité) ;
  • L’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et son décret d’application n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession ;
  • La loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée ;
  • La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ou la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 DDADUE en matière économique et financière.

En outre, l’article L. 1000-3 du projet de code offre une définition négative et ouverte de la qualification des contrats de la commande publique. Il vient ainsi préciser que :

« Ne sont pas des contrats de la commande publique au sens du présent code, notamment :

1° Les transferts de compétences ou de responsabilités entre acheteurs ou entre autorités concédantes soumis au présent code en vue de l’exercice de missions d’intérêt général sans rémunération de prestations contractuelles ;

2° Les subventions au sens de l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

3° Les contrats de travail ;

4° Les titres d’occupation domaniale ».

Ces exclusions étaient prévues par l’article 7 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 à l’exception des titres d’occupation domaniale.

Une codification « presque » à « droit constant »

La loi « SAPIN II » prévoit une codification à droit constant :

« Les règles codifiées sont celles en vigueur à la date de publication de l’ordonnance ainsi que, le cas échéant, les dispositions déjà publiées mais non encore entrées en vigueur à cette date ».

Selon Bertrand Dacosta et Sophie Roussel, l’engagement d’une codification à « droit constant » signifie que « Le codificateur n’est (…) pas habilité à simplifier, adapter ou encore compléter les règles à codifier, que celles-ci soient écrites ou d’origine jurisprudentielle »[5].

Une telle interprétation de la notion de « droit constant » ouvrant la voie d’une codification de la jurisprudence apparaît toutefois critiquable.

En effet, une circulaire du 30 mai 1996 précise l’objectif d’une codification à « droit constant ».

Il est uniquement de regrouper de textes : « [la codification à « droit constant »] entraîne déjà, par le regroupement et la clarification qu’elle opère, une amélioration du droit. Elle précède l’effort de simplification des textes, qu’elle prépare et facilite »[6].

La codification « est un outil d’amélioration de l’accès et de la lisibilité de la règlementation car elle permet de regrouper des textes épars tout en les clarifiant, par l’actualisation de leur terminologie, et en les reclassant conformément à la hiérarchie des normes. Elle évalue la cohérence des textes entre eux et permet ainsi une harmonisation de l’état du droit » et a donc «  vocation à remédier au problème récurrent de la dispersion des textes juridiques »[7].

Lors de la rédaction du projet de code de la commande publique, il a toutefois été procédé à la création de deux types d’articles : d’une part, ceux de liaison avec la partie règlementaire ou introductifs d’une série d’article et d’autre part, ceux codifiant des jurisprudences constantes.

Au titre d’une codification de la jurisprudence, on peut par exemple citer les articles suivants :

  • 1000-3 : ajout des titres d’occupation domaniales dans les exclusions aux contrats de la commande publique [8];
  • 2152-5 : définition de l’offre anormalement basse ;
  • 2194-2 et L. 3135-2 : modification pour intérêt général ;
  • 2195-1 à L. 2195—3 et L.3136-2 à L.3136-4 : résiliation.

Le projet de code ne répond donc pas, à notre sens, à la promesse d’une codification à « droit constant » en proposant des codifications de la jurisprudence.

Une architecture classique laissant en suspens de nombreuses interrogations

Comme le soulignait le Conseil d’Etat, « ce code devrait au minimum rassembler dans un corpus unique l’ensemble des règles applicables aux contrats publics. Surtout, il devrait définir les grandes notions permettant de classifier les différents types de contrats et de mieux les distinguer entre eux, avant d’énoncer les principes applicables à la commande publique et les règles communes de procédure puis d’appliquer ces principes communs à toutes les variétés de contrats définies par leur objet »[9].

Loin de respecter les attentes du Conseil d’Etat, le projet de code de la commande publique compartimente les différents contrats en deux parties distinctes sans que s’en dégage une réelle unité des règles de la commande publique.

A l’exception du livre II de la partie I relatif aux acteurs de la commande publique et du livre III de la partie I concernant les contrats mixtes, il n’y a aucun regroupement des règles applicables à l’ensemble des contrats de la commande publique.

On aurait toutefois pu imaginer un rappel des principes fondamentaux de la commande publique et des exceptions aux règles de la commande publique telles que la quasi-régie ou la coopération entre personnes publiques dans cette première partie du projet de code et faire ainsi davantage ressortir l’unicité des règles de la commande publique.

Au-delà de la simple codification à « droit constant » réalisée, des évolutions ou des éclaircissements des textes relatifs à la commande publique sur certains points aurait été bienvenus. Nous les évoquerons dans une série d’article à paraître prochainement sur le blog.

[1] Le nouveau Code de la commande publique doit être publié avant le 8 décembre 2018 selon la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

[2] Article 84 de ladite loi. Elle a notamment permis l’adoption de l’ordonnance n°2005-649 relative aux marchés publics.

[3] Questions 80966 et 83080 (JOAN du 21 février 2006, p. 1868)

[4] Et ses deux décrets d’application et d’une part, du décret n° 2005- 1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 et du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 relatif aux marchés passés par les entités adjudicatrices mentionnées à l’article 4 de ladite ordonnance

[5] Editorial de la lettre de la DAJ, n°227, 9 mars 2017.

[6] Circulaire du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires (NOR: PRMX9601534C )

[7] WARSMANN (J.L), Simplifions nos lois pour guérir un mal français, Rapport sur la qualité et la simplification du droit, la Documentation française, 2009

[8] Selon une jurisprudence constante les occupations domaniales ne constituent pas des contrats de la commande publique mais des autorisations relevant de la directive services 2006/123/CE (voir en ce sens la directive 2014/24/UE et CJUE, Promoimpresa Srl, 14 juillet 2016. Aff. C-458/14).

[9] Conseil d’Etat, Rapport public 2008 – Le contrat, mode d’action publique et de production de normes.