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Le projet de loi de santé prévoit diverses transformations dans l’organisation de la prise en charge sanitaire avec, en particulier, la réintroduction du service public hospitalier et  la création d’un « service territorial de santé au public » (STSP).

La création de ce service territorial, qui fait actuellement l’objet du chapitre Ier du Titre II du projet de loi, a pour objectif de renforcer l’accès aux soins de tous les Français en organisant « les parcours de demain à partir d’un premier recours efficace » (sic. Exposé des motifs repris par la Ministre le 19 juin 2014 : http://www.sante.gouv.fr/marisol-touraine-presente-les-orientations-de-la-loi-de-sante.html). Pour la ministre de la santé, “le service public territorial de santé, c’est reconnaître une responsabilité collective de service public à l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire. (…) L’ensemble des acteurs de santé partage sur un territoire donné la responsabilité de l’état de santé de la population.”(4 mars2013, présentation par la Ministre des quatre piliers du Pacte de confiance pour l’hôpital).

Sa création fait suite :

–          aux travaux du pacte de confiance menés en 2013, à l’occasion desquels les professionnels auraient insisté sur la nécessité de « concevoir une nouvelle organisation territoriale, prenant davantage en compte les besoins des usagers et favorisant une prise en charge coordonnée et pluriprofessionnelle des personnes malades ou en situation de handicap et de perte d’autonomie ».

–          au rapport « Devictor », présenté en janvier 2014, soulignant le fait qu’il fallait « impulser un vrai changement culturel, une réelle modification des pratiques qui conduisent les professionnels à travailler non plus individuellement mais en coopération, dans le partage de valeurs communes, dans une approche soucieuse d’apporter les réponses aux besoins des personnes ».

L’analyse du projet de texte montre cependant qu’il ne s’agit pas là d’une idée neuve, même si l’on cherche à nous convaincre du contraire : « nouvelle organisation territoriale » impliquant un « vrai changement culturel ». Elle montre surtout que là où on nous promet un « service public », on ne trouve au mieux qu’une simple organisation des acteurs …sans aucune obligation de service public. Il y a donc clairement tromperie sur la marchandise ce qui risque d’être d’autant plus préjudiciable que la réintroduction du service public dans le code de la santé publique concerne uniquement de manière très étriquée « le service public hospitalier ».

Nouveau dispositif Vs idée neuve

Coordonner, coordonner toujours et encore ! Décloisonner ! Décloisonner la ville et l’hôpital, décloisonner le public et le privé, décloisonner le sanitaire et le médico-social, décloisonner les professions, décloisonner le préventif et le curatif, décloisonner toujours… et encore ! Faciliter l’accès, également…

Un nombre impressionnant de textes et de dispositifs depuis plus de trente ans ! Dans le désordre :

–          Les réseaux : réseaux Ville-Hôpital, réseaux de soins, réseaux de santé ;

–          Les groupements, groupements d’établissements, groupements de professionnels ;

–          La sectorisation psychiatrique ;

–          Le recrutement de libéraux à l’hôpital public ;

–          Les Sociétés Interprofessionnelles de Soins Ambulatoires (SISA) ;

–          La permanence des soins ;

–          Les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA) ;

–          Les Programmes d’accompagnement de retour à domicile (PRADO) ;

–          Les Parcours des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA) ;

–          Les maisons et les pôles de santé ;

–          Les Contrats Locaux de Santé (CLS) ;

–          Les Centres locaux d’information et de coordination ;

–          Le recours à la télésanté et aux nouvelles technologies ;

–          La possibilité pour les structures d’HAD d’intervenir en EHPAD ;

–          La création des agences régionales de santé ;

–          Le Fonds d’Intervention pour la Qualité et la Coordination des Soins (FIQCS) censé améliorer l’efficacité de la politique de coordination des soins et décloisonner le système de santé

–          Etc.

Et pourtant ! Et pourtant, avec une régularité de coucou suisse, des rapports continuent d’attirer l’attention sur le fait que « Le cloisonnement des différents secteurs de prise en charge des patients induit des ruptures dans la prise en charge des patients » (selon l’expression du Conseil économique et social dans le rapport L’hôpital public en France : bilan et perspectives, 2005) :

–          Ministère du travail : Décloisonnement et articulation du sanitaire et du social : Le décloisonnement, une fausse évidence. L’articulation du sanitaire et du social, une voie recommandée (2007) ;

–          Rapport d’information « Bur », en conclusion des travaux de la mission sur les agences régionales de santé (2008) ;

–          Rapport « Fourcade » (2011) ;

–          Etc.

Et derechef, Pacte de confiance (2013), Rapport « Devictor » (2014)…

Quel sera l’effet de la nouvelle législation ? On ne peut que l’espérer bénéfique mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’y a pas de raison que l’on n’ait pas de nouveau, dans 3, 4 ou 5 ans de nouvelles dispositions législatives tentant de répondre au même constat accablant d’une imparfaite coordination, d’une insuffisante « transversalité » entre les acteurs de la santé, du social et du médico-social !

« Service au public » Vs « Service public »

Le projet de loi de santé tente de renouer avec le service public mis à mal par HPST.

Deux concepts s’y télescopent :

–          le service territorial de santé « au public » ;

–          le service public hospitalier.

La comparaison du traitement des deux notions dans le projet de loi conduit, même chez un non-initié aux arcanes du droit public, au constat que si le second dispose bien effectivement des attributs du service public, le premier en est totalement dépourvu.

En effet, en vertu du futur article L. 6112-1 du code de la santé publique,  « Le service public hospitalier exerce l’ensemble des missions dévolues aux établissements de santé par le chapitre Ier du présent titre ainsi que l’aide médicale urgente, dans le respect des principes d’égalité d’accès et de prise en charge, de continuité, d’adaptation et de neutralité et conformément aux obligations définies à l’article L. 6112-2 ».

Même si ce « nouveau » service public consiste malheureusement en un retour préjudiciable à l’hospitalo-centrisme qui avait présidé à la rédaction de la loi hospitalière du 31 décembre 1970 et à la définition d’un « service public hospitalier », on doit au moins constater que tout y est :

–          pas de pudeur mal placée : le texte énonce clairement qu’il s’agit d’un « service public » ;

–          tous les critères du service public sont réunis :

  •                   l’égalité, principe général du droit (C.E., Sect., 09/03/1951, S des concerts du conservatoire) et principe à valeur constitutionnelle (C.C., déc. n°79-107 DC du 12/07/1979, “Ponts à péage”) ;
  •                  la continuité, principe fondamental pour le Conseil d’Etat (C.E., 13/06/1980, Dame Bonjean) et principe à valeur constitutionnelle depuis 1979 (C.C., déc. n°79-105 DC du 25/07/1979, Droit de grève à la radio et à la télévision) ;
  •                  l’adaptation dont le principe a été posé dans l’arrêt Compagnie nouvelle du Gaz de Deville-lès-Rouen (C.E., 10/01/1902).
  •                  et la neutralité, considérée comme le corollaire du principe d’égalité par le Conseil constitutionnel (CC. déc. n°86-217 DC du 18/09/1986, Liberté de communication).

En la matière, nous aurons donc une loi « bavarde » qui non contente de créer (re-créer) le service public hospitalier, prend la peine, inutilement, d’en rappeler scolairement les principes alors que ceux-ci sont pour l’essentiel des principes généraux du droit, voire des principes constitutionnels.

Par contre, le service territorial est quant à lui qualifié de service « au public », ce qui, au-delà des seuls aspects sémantiques, n’a pas grand’ chose à voir avec le service public. Et ce, même si le Rapport Devictor avait pris le soin d’indiquer que « Le STSP a les attributs du service public » (p.17). Ces attributs, nous les avons cherchés en vain et ne les avons pas trouvés. Pas un seul !

En la matière, contrairement au service public hospitalier, nous avons une loi particulièrement « taiseuse ».

L’intention est claire :

–          Il ne faut pas effrayer le privé et surtout le secteur libéral qui ne veulent à aucun prix d’un NHS (National Health Service) à la française.  Alors le service territorial ne sera pas un service public et ceux qui y concourront ne seront pas ses préposés et encore moins des fonctionnaires. Et aucune obligation de service public ne pèsera sur eux.

–          Et le médico-social qui, depuis toujours, renâcle à toute idée d’un service public, ne perdra pas son âme en y participant, alors que là également, il n’aurait pas été scandaleux de prévoir que certaines modalités de prises en charges des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées aient pu constituer un service public. Dès lors qu’il y a une dépendance avérée liée au handicap ou à la vieillesse, la question ne devrait même pas être posée. Par contre, de la même manière que la chirurgie purement esthétique ne peut relever du service public, de simples maisons de retraite ne devraient pas être concernées.

Les conséquences pour les personnes fragilisées des choix faits par le projet de loi sont malheureusement prévisibles : quand bien même des organisations territoriales seront effectivement mises en place, rien ne permettra d’assurer sur l’ensemble du territoire national l’égalité d’accès aux populations, a fortiori sur l’ensemble du parcours de prise en charge, que l’accessibilité soit géographique ou …financière.

On nous rétorquera sans doute que rien n’interdira aux professionnels et établissements impliqués de faire figurer dans le contrat qu’ils devront conclure avec l’Agence régionale de santé, tout ou partie des principes du service public auxquels ils se soumettront volontairement. Mais au-delà du fait que rien n’est moins certain, cela n’en ferait jamais un service public avec ses droits et obligations spécifiques.

En tout état de cause, il est désormais certain qu’à l’issue de la procédure parlementaire, nous ne disposerons pas contrairement à d’autres pays européens, d’un réel service public de santé, alors même que :

–          le droit à la protection de la santé a été consacré au rang de principe de valeur constitutionnelle (CC, décision n°75-54 DC du 15 janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse)

–          il est permis de penser que l’organisation d’un service public de santé pourrait trouver une assise dans le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel la Nation « garantit à tous… la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs».

Discrimination positive Vs Dispositif général

La création du STSP repose sur le constat que, si la santé et l’espérance de vie se sont globalement améliorées en France au cours des dernières décennies, les inégalités sociales de santé se sont creusées (cf. Haut Conseil de la santé publique) et l’amélioration s’est en réalité principalement produite « en faveur des personnes socioéconomiquement favorisées » (cf. Etude d’impact, p 54).

En conséquence, le STSP devrait être « au service des patients dont les parcours de santé nécessitent une coordination complexe ». Sont particulièrement visés « les patients atteints d’une maladie chronique, les personnes en situation de vulnérabilité ou de précarité sociale et les personnes en situation de perte d’autonomie ou présentant un risque de perte d’autonomie du fait de l’âge ou d’un handicap ».

Cependant, on constate, à la lecture du projet de texte, une dérive sémantique et conceptuelle : le STSP qui devrait donc prioritairement avoir pour objet de réduire les inégalités de prise en charge en favorisant l’accès à la prévention et aux soins des populations défavorisées, est étendu, par l’effet magique du texte de la loi aux personnes âgées et handicapées et plus particulièrement aux patients qui nécessitent une prise en charge « complexe » ainsi qu’à la santé mentale.

Or, si la prise en charge de toutes les personnes désormais visées expressément par le projet de texte nécessite indiscutablement un renforcement de la coordination entre les professionnels de tous les secteurs concernés, force est de constater que leurs besoins sont par nature disparates ce qui impose des coopérations entre acteurs différents plus axées sur le social dans certains cas, sur le médico-social dans d’autres, voire uniquement entre acteurs du secteur sanitaire.

Mais surtout, on comprend mal que la transversalité n’ait pas été conçue comme le principe de base de notre « nouvelle » organisation sanitaire, sociale et médico-sociale.

En effet, si l’on veut que celle-ci soit un jour réellement efficiente et ne laisse personne sur le bord de la route, il faudra imposer la transversalité quelle que soit l’activité, le domaine ou le secteur concernés : alors que les besoins individuels des personnes sont par nature évolutifs, les handicaps qui atteignent les individus sont cumulatifs : rien n’interdit malheureusement d’être vieux, diabétique, Alzheimer et démuni… et d’avoir, de surcroît, des conduites addictives éventuellement prohibées pour oublier ses difficultés.

Il faut donc impérativement arrêter de mettre en place, a fortiori dans la loi ce qui en renforce la rigidité, des systèmes absurdes qui privilégient, à un moment donnée pour des raisons de pur affichage, telle ou telle strate ou catégorie de la population : un jour, les handicapés, un autre les cancéreux, un autre encore, les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, le lendemain, celles souffrant d’Alzheimer et de maladies apparentées. Et de créer, à chaque fois, une structure, une modalité de prise en charge, de financement ou d’organisation spécifique, voire une « Maison », en fonction de la mode du jour…

Autogestion et consensualisme Vs directivisme

Le service territorial de santé au public devrait reposer sur un « engagement collectif » « matérialisé par un contrat » entre les différentes parties prenantes « qui s’organisent en vue d’apporter une réponse commune et coordonnée aux difficultés d’accès aux services de santé ou de continuité de ces services sur un territoire identifié ». « Ce sont les acteurs concernés, au premier chef les acteurs de soins de premier recours, notamment les médecins généralistes et spécialistes de ville, les professionnels libéraux paramédicaux, de même que les établissements de santé, médico-sociaux et sociaux, qui proposeront aux agences régionales de santé des organisations pertinentes tenant compte les expérimentations déjà lancées et les réalités de terrain » (Exposé des motifs, sous article 12).

Le II du projet d’article L. 1434-12 indique que « Pour chacun des territoires mentionnés au 1° de l’article L. 1434-8, un diagnostic territorial partagé est établi par l’agence régionale de santé avec les acteurs de santé du territoire, notamment avec les représentants des usagers, les professionnels et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les collectivités territoriales, les organismes locaux d’assurance maladie et les services et les établissements publics de l’État concernés ».

Il ressort donc des termes mêmes du projet de loi que l’on est dans une démarche :

– volontaire, horizontale et non hiérarchique : il appartient aux acteurs locaux de proposer aux agences régionales de santé des organisations pertinentes,

– transparente et démocratique : Le directeur général de l’agence régionale de santé informe des diagnostics et projets territoriaux de santé la conférence régionale de la santé et de l’autonomie et assure leur publication ; L’agence régionale de santé informe régulièrement la population sur l’activité du service territorial de santé au public.

– intégrative : tous les acteurs sont concernés, les représentants des usagers, les professionnels et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les collectivités territoriales, les organismes locaux d’assurance maladie et les services et les établissements publics de l’État,

– qui tend à octroyer plus de pouvoir aux individus ou aux groupes pour agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques qu’ils subissent.

En bref de l’ « empowerment » comme disent les anglo-saxons…

Cependant, l’ARS n’est pas loin !

Ainsi, l’agence régionale de santé :

–          « délimite : 1° Les territoires donnant lieu à l’organisation d’un service territorial de santé au public mentionné à l’article L. 1434-11 ; » (Art. L. 1434-8) ;

–          « assure la mise en place du service territorial de santé au public » (Art. L. 1434-12. – I.)

–          établit le diagnostic territorial partagé avec les acteurs de santé du territoire (Art. L. 1434-12. – II.)

Mais surtout, le directeur général de l’agence régionale de santé peut :

–          « subordonner l’attribution de crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 à la participation du bénéficiaire à une action tendant à mettre en œuvre le projet territorial de santé » (Art. L. 1434-14) ;

–          « subordonner la délivrance d’une autorisation prévue à l’article L. 6122-1 ou d’une autorisation mentionnée aux b, d et f de l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles, à la participation du bénéficiaire à une action tendant à mettre en œuvre le projet territorial de santé. » (Art. L. 1434-15).

Le pouvoir de l’ARS et de son Directeur Général n’est donc pas négligeable, puisque, au-delà de la sphère naturelle et traditionnelle que constituent les établissements (sanitaires et médico-sociaux), il s’étend aux professionnels libéraux et à certains de leurs regroupements.

En effet, en application des dispositions codifiées du décret n° 2012-271 du 27 février 2012, le fonds d’intervention régionalparticipe notamment au financement :

–          Des rémunérations forfaitaires versées en application de l’article R. 6315-6 du CSP aux médecins qui participent à la permanence des soins ;

–          Des actions ou des structures qui concourent à l’amélioration de la permanence des soins ambulatoires, en particulier les maisons médicales de garde ;

–          De la permanence des soins en établissement de santé, conformément aux dispositions de l’article R. 6112-28 ;

–          Le développement de nouveaux modes d’exercice dont l’objectif est d’expérimenter de nouvelles pratiques, organisations ou coopérations entre professionnels de santé, en particulier la télémédecine ;

–          Des actions visant à améliorer la qualité des pratiques et des soins ;

–          Des réseaux de santé ;

–          Des actions favorisant un exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé, en particulier au sein de maisons de santé, de pôles de santé et de centres de santé ;

–          Des actions tendant à assurer une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, des maisons de santé, des pôles de santé et des centres de santé ;

–          Les centres périnataux de proximité mentionnés à l’article R. 6123-50.

–          Des actions en matière d’éducation à la santé et de prévention des maladies, des comportements à risque ainsi que des risques environnementaux, en particulier d’éducation thérapeutique des patients ;

–           Des actions destinées à assurer le dépistage et le diagnostic de maladies transmissibles ;

–          Etc.

Autant d’occasions de peser sur lesdits professionnels …si la disposition est maintenue en l’état.

Ainsi, le schéma mis en place ressemble à s’y méprendre à celui en vigueur dans les communautés hospitalières de territoire et demain dans les groupements hospitaliers de territoire, ce qui pourrait laisser penser qu’il est le nouvel archétype de la conception de l’Etat :

–          Un Etat régulateur et contrôleur ;

–          Une gestion territoriale à l’initiative et sous la responsabilité première des acteurs locaux :

  • ensemble des acteurs y compris les collectivités territoriales dans le STSP ;
  • ensemble des établissements dans les GHT.

 

Contrat Vs Acte unilatéral

Le service territorial de santé au public reposera sur un engagement collectif – matérialisé par un contrat – des différentes parties prenantes qui s’organisent en vue d’apporter une réponse commune et coordonnée aux difficultés d’accès aux services de santé ou de continuité de ces services sur un territoire identifié :

–          acteurs de soins de premier recours, notamment les médecins généralistes et spécialistes de ville,

–          professionnels libéraux paramédicaux, établissements de santé, médico-sociaux et sociaux.

« Le contrat territorial de santé définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation. » (Art. L. 1434-13).

Des dispositions spécifiques concerneront la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques (Art. L. 3221-2).

Le législateur abandonne ainsi, au moins en cette matière, la traditionnelle logique planificatrice « dirigiste » au profit d’une organisation contractuelle de la prise en charge sanitaire et médico-sociale sur un territoire.

Ce faisant, il renvoie sur les professionnels et les structures concernés la charge de penser et de mettre en œuvre cette organisation même si l’Agence régionale de santé qui est censée assurer l’égalité de traitement de tout résident sur un territoire donné, conserve tout son pouvoir de régulation maniant en tant que de besoin la carotte et le bâton.

Mais que vaudra un tel contrat ? Sera-t-il d’ailleurs un véritable contrat ? Ne sera-t-il pas en réalité recouru au procédé contractuel comme instrument de pilotage de l’action administrative ? Où seront les réels engagements de l’ARS ? Ne sera-t-on pas une nouvelle fois face à un contrat qui n’en a que le nom et qui cache bien mal un acte unilatéral ?

 

En conclusion : Texte Vs Principe de réalité

Au terme de cette première analyse, il est permis, au-delà de toute considération juridique, de s’interroger sur la capacité de ce nouvel outil qui ajoute une nouvelle strate dans l’organisation administrative, à améliorer une organisation pour laquelle nous disposons d’ores et déjà de tous les outils juridiques rappelés ci-dessus, notamment avec les pôles de santé et la possibilité de conclure des CPOM.

Il est également permis de s’interroger sur sa capacité à attirer voire à maintenir des professionnels de santé sur les territoires, ce qui est un gage de sa réussite.

Et là, personne n’est dupe : Le rapport de présentation le rappelle lui même : le premier obstacle soulevé par les ARS au développement du SPTS est celui de l’absence de professionnels du premier recours sur certains territoires. « Il s’agit là d’une faiblesse réelle de notresystème de santé qui ne trouve pas directement sa solution dans le SPTS, mais que d’autres réformesdéjà engagées et en particulier celle du « Pacte territoire santé » s’efforcent de surmonter »(Rapport, p40).

Enfin, en l’état du texte, le nouveau dispositif n’apportera rien, en matière de développement, pourtant impératif a fortiori dans une prise en charge transversale des individus, de la prévention, faute de système financier incitatif. Tant que nous n’aurons pas renversé le paradigme paradoxal qui conduit à faire prévaloir le soin tout en considérant que seule la prévention pourra régler nos difficultés, rien ne changera et nous pouvons d’ores et déjà augurer une nouvelle nouvelle réforme…

A notre sens, le vrai changement culturel consiste moins en un renforcement de la coordination entre les acteurs qui existe et dispose d’ores et déjà d’un cadre et d’outils juridiques, qu’en la reconnaissance du caractère prioritaire de la prévention qui doit se traduire par un effort financier en sa faveur.