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Peut-on licencier un agent non titulaire bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée au seul motif que l’emploi occupé par cet agent est un emploi permanent ayant vocation à être occupé par un fonctionnaire ?
La réponse à cette question vient d’être apportée par la Cour administrative d’appel de Marseille statuant, certes en la forme des référés, mais en formation collégiale s’il vous plaît !
Les dispositions de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 relatives à la résorption de l’emploi précaire et donc la généralisation, sous conditions, du contrat à durée indéterminée des agents non titulaires de la fonction publique n’en finissent pas de provoquer des remous et de faire bouger “les lignes” statutaires (article 15 de la loi).
Le département de l’Hérault avait procédé au licenciement de l’un de ses agents au motif pris de la nécessité et de l’obligation statutaire de nommer un agent titulaire, et donc un fonctionnaire, sur l’emploi permanent occupé par Madame MANOIS.
L’intéressée, Madame MANOIS, a saisi la juridiction administrative d’une requête tendant à voir condamner son employeur à lui verser une provision de 60.000 euros à valoir sur le préjudice subi découlant de son licenciement,.
Par une ordonnance en date du 30 octobre 2008, le Tribunal administratif de Montpellier, statuant en la forme des référés, a rejeté la requête de Madame MANOIS, considérant « que contrairement à ce que soutient encore Madame MANOIS, les emplois civils permanents de l’Etat, des régions, des départements, des communes ayant vocation, aux termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1963, à être occupés par des agents titulaires, le département de l’Hérault pouvait légalement mettre fin, dans l’intérêt du service, au contrat en cours d’exécution, alors même qu’il se présentait sous la forme d’un contrat à durée indéterminée, en vue de son remplacement par un fonctionnaire titulaire. » (TA Montpellier ordonnance du 30 octobre 2008 n°0803763).
Il s’agit là d’une solution on ne peut plus classique dans l’hypothèse où l’agent non titulaire bénéficie d’un contrat à durée indéterminée. Dans un arrêt rendu par le 8 juillet 2007, la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait déjà retenu une solution identique (CAA Bordeaux 8 juillet 2007 « Barberelle »).
Cependant, l’agent n’a pas renoncé et a saisi la Cour administrative d’appel de Marseille.
Le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Marseille, a renvoyé l’affaire devant la formation collégiale.
La Cour annule l’ordonnance du juge des référés de Montpellier, donne raison à l’agent, et condamne le département de l’Hérault à lui verser une provision.
– La cour administrative d’appel de Marseille juge ainsi qu’un agent non titulaire bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée en application des dispositions de la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 a tout autant vocation à occuper un emploi permanent que le fonctionnaire et que le licenciement, en dehors des cas disciplinaires ou d’insuffisances professionnelles, ne peut intervenir que dans le cadre d’une réorganisation des services et après une recherche de reclassement « Considérant qu’il résulte de ces dispositions de la loi du 26 juillet 2005, éclairées par leurs travaux préparatoires, qu’un agent recruté sur un emploi permanent pouvant légalement être confié à un agent contractuel, dont le contrat a été transformé, en application de ces dispositions, en contrat à durée indéterminée, ne peut faire l’objet d’un licenciement que dans l’hypothèse où, à la suite d’une décision formelle ou d’une réorganisation du service ayant le même effet, son poste est supprimé, et où son reclassement est impossible, ou pour des motifs liés à sa manière de servir ou à son aptitude à exercer ses fonctions »( CAA Marseille 10 mars 2010 n°08MA04753).
Pour reprendre les mots d’un éminent spécialiste du statut de la fonction publique territoriale, Pierre-Yves BLANCHARD, « c’est le sens de l’histoire ».
Et, pour reprendre les mots du rapporteur public, « il n’y a aucun intérêt du service à remplacer par un titulaire un contractuel en contrat à durée indéterminée qui donne entière satisfaction et en l’absence de toute réorganisation du service ».
Les conséquences pratiques et juridiques de cette jurisprudence sont nombreuses tant pour le service des ressources humaines que pour le service juridique de la personne morale de droit public puisque la notion de réorganisation des services prend, avec cette jurisprudence, une dimension nouvelle.
Enfin, la Cour administrative d’appel de Marseille vient rappeler, à bon droit nous semble-t-il, que l’exigence d’une recherche d’un reclassement de l’agent visé par une mesure de réorganisation des services aboutissant à son licenciement, constitue un préalable obligatoire. Elle ne fait ici que rappeler la position du Conseil d’Etat.
Ce faisant, la recherche de reclassement implique de travailler sur l’écrit, la satisfaction de l’obligation pesant sur la personne investie du pouvoir de nomination devant pouvoir être démontrée.
Nous revenons donc classiquement à une question de preuve. La seule convocation de l’agent, pour lui expliquer oralement qu’aucun emploi dont il aurait vocation à occuper ne serait disponible, ne paraît pas suffisante comme acte préparatoire à la décision de licenciement. Cette obligation de reclassement, présente également en matière d’inaptitude physique, ne doit pas être négligée.
Nous ne saurions donc que conseiller de procéder par une recherche écrite du reclassement et de ne pas se reposer sur le seul tableau des effectifs.
En conclusions, le choix du fondement juridique du licenciement doit, plus que jamais, être empreint de réflexions et s’amorcer en amont de la décision par une préparation minutieuse.
Sans aller jusqu’à parler de ce que certains qualifient de disparition du statut, il existe bien une convergence entre le droit du travail et le droit de la fonction publique, convergence qui ne cesse de s’étendre sur de nombreux points.
Il semble que, là aussi, ce soit le sens de l’histoire.
Il sera intéressant de voir comment le Conseil d’Etat, qui sauf erreur de notre part est saisi d’un pourvoi en cassation par le département de l’Hérault, va se positionner, notamment au prisme de son arrêt dit « CAVALLO » du 31 décembre 2008.
Bref, comme dirait notre ami Philippe MORTIMER, WAIT AND SEE !