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La saga sur la validation des services de non-titulaires continue. Vous avez certainement découvert au retour de vos congés le décret n°2016-1101 du 11 août 2016 publié en catimini pendant l’été.

Ce décret vient modifier le dispositif de validation des services de non-titulaires dans le seul et unique but de minimiser le risque financier que devait subir la CNRACL à la suite de la clarification jurisprudentielle apportée par la plus haute juridiction administrative dans une décision du 12 février 2016[1] (Conseil d’Etat, sous sections réunies, 12 février 2016, n°382074, mentionné au recueil Lebon).

Par cette décision, le Conseil d’Etat avait expressément constaté l’illégalité de la délibération du 31 mars 2004 du Conseil d’administration de la CNRACL sur laquelle cette dernière croyait pouvoir fonder la validation d’années d’études d’infirmier ou de sage-femme dans le cadre du dispositif de validation de services en qualité d’agents contractuels.

Le Conseil d’Etat avait confirmé que la CNRACL ne peut déroger au cadre réglementaire en vigueur et ne peut donc intégrer dans le dispositif de validation des services de non-titulaires les années d’études d’agents publics.

Seuls les services en qualité d’agent non-titulaire peuvent être validés par la CNRACL.

Pour rappel s’il en était besoin, le dispositif de validation des services en qualité de non-titulaires permet de tenir compte des services en qualité d’agents contractuels pour abonder les droits à pension de retraite des fonctionnaires hospitaliers moyennant le versement par l’agent de retenues rétroactives et par l’employeur de contributions rétroactives.

Nul doute que la décision du Conseil d’Etat a dû faire l’effet d’un coup de massue au sein de la CNRACL et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui ont dû évaluer le coût financier que représenteraient les réclamations des établissements publics de santé qui voudraient récupérer les sommes correspondants aux contributions rétroactives indûment perçues par la CNRACL dans les cadre dudit dispositif de validation des services de non-titulaires. Certains établissements pouvant réclamer chacun jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros.

La réaction ne s’est pas fait attendre trop longtemps.

Si le ministère ne pouvait donner compétence à la CNRACL et à son Conseil d’administration pour modifier l’ordonnancement juridique, il pouvait modifier directement la réglementation en vigueur pour l’avenir.

Aussi, le décret n°2016-1101 du 11 août 2016 dont les dispositions sont entrées en vigueur le 14 août 2016 prévoit que peuvent être validés non seulement les services accomplis en qualité d’agent non-titulaire hospitalier mais désormais également les années d’études d’infirmier, de sage-femme ou d’assistant social effectuées dans une école publique ou privée conduisant à l’obtention des diplômes nécessaires à ces professions.[2] Pour la validation des périodes d’études d’infirmier ou de sage-femme ou d’assistant social, la contribution devra être versée par le premier employeur qui a titularisé le fonctionnaire.

Le décret du 11 août 2016 est contestable à plus d’un titre.

Une confusion entre le rachat d’études et la validation des services qui cache mal les finalités financières de la modification réglementaire !

Les nouvelles dispositions du décret font tout d’abord double emploi avec les dispositions sur le dispositif de rachat d’années d’études créé par le même décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003.

Ce dispositif de rachat des années d’études prévu en son article 12 avait pour finalité de compléter celui permettant la validation des services de non-titulaires prévus à l’article 8 [3] du décret précité. Il prévoit que « les périodes d’étudesaccomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale sont prises en compte » :

– Soit pour le décompte des trimestres liquidables

– Soit pour la durée d’assurance

– Soit pour obtenir un supplément de liquidation

Si le dispositif de validation des services en qualité de non-titulaires prévoit une « contribution » de l’employeur public venant compléter la « retenue » appliquée à la rémunération de l’agent souhaitant bénéficier de ce dispositif, en revanche, le dispositif de rachat d’études est financé uniquement par une cotisation versée par le seul fonctionnaire intéressé.

Cette distinction de l’effort contributif entre les deux dispositifs se comprend aisément. Si la contribution partagée entre l’employeur public et l’agent se justifie pour la validation des services de non-titulaires dans la mesure où la relation de travail en est le fondement ; dans le cadre du rachat d’études, il serait incongru de mettre à la charge de l’employeur public le versement d’une contribution pour des années d’études antérieures à la période d’emploi public !

Cela n’arrête pourtant pas le Ministère. On ne parvient pas à comprendre en quoi l’intérêt général commanderait de mettre à la charge des hôpitaux une participation financière qui grèvent leur budget déjà exsangue, au titre des années d’études infirmières et sage-femme. La motivation est en réalité purement financière et économique pour assurer des sources de financement du régime de retraite géré par la CDC et la CNRACL.

Les nouvelles dispositions insérées par le décret du 11 août 2016 sont donc à ce titre contestable juridiquement. Leur finalité politique et financière s’accorde mal avec la rigueur du droit.

Au regard des enjeux financiers que ces modifications contestables pourraient avoir pour certains établissements, l’opportunité de saisir le Conseil d’Etat de la légalité des dispositions de ce décret se pose sérieusement.

D’autres aspects du décret du 11 août 2016 sont sujets à caution.

Un décret elliptique quant à sa mise en œuvre exempte de mesures transitoires

 Aucune disposition du décret n’apporte de précisions sur les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

Les nouvelles dispositions à compter de leur entrée en vigueur le 14 août 2016 s’appliquent-elles aux demandes de validation de services intervenues à compter de cette date ou bien aux notifications de validation et de recouvrement par la CNRACL intervenues à partir de cette date ?

A cet égard également le décret apparaît manquer de lisibilité et en cela est contestable.

Il doit être considéré que les validations de service et les décisions de recouvrement qui ont été notifiées par la CNRACL demeurent régies par les anciennes dispositions et la décision du Conseil d’Etat du 12 février 2016.

Aussi, les contentieux qui ont été engagés par les établissements pour obtenir le remboursement des sommes correspondant aux contributions rétroactives calculées sur des périodes d’études ne doivent pas pouvoir être impactés par le décret du 11 août 2016. Les décisions de recouvrement sont en effet antérieures aux nouvelles dispositions. Ces contentieux devraient donc pouvoir bénéficier de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 12 février 2016.

En définitive, les établissements doivent pouvoir garder la ligne qu’ils se sont assignée. Le décret d’une part ne remet pas en cause les contentieux en cours sur les décisions intervenues avant l’entrée en vigueur du décret et d’autre part les nouvelles dispositions du décret sont juridiquement contestables.

Il est donc ici de bon ton de réitérer le conseil formulé il y a près d’un anaux établissements publics de santé, à savoir de saisir les juridictions compétentes dès lors que les décisions de recouvrement intervenues avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions intègrent à tort des périodes d’études en violation des dispositions réglementaires alors en vigueur.

Quant aux nouvelles dispositions du décret, leur teneur juridiquement contestable appelle une mobilisation des établissements sur l’opportunité, au regard des sommes en jeu, d’engager un recours contre le décret du 11 août 2016, étant rappelé que le délai contentieux est de deux mois à compter de la publication.

  

CNRACL : « Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales » 

 


[1]  Le dispositif de validation des services en qualité de non-titulaires permet de tenir compte des services en qualité d’agents contractuels pour abonder les droits à pension de retraite des fonctionnaires hospitaliers moyennant le versement par l’agent de retenues rétroactives et par l’employeur de contributions rétroactives. Confer article précédent « Haro sur le dispositif CNRACL de validation des études infirmières ! des budgets hospitaliers injustement grevés »

Nous nous rappellerons que le dispositif de validation des services de non-titulaires a été mis en voie d’extinction par la réforme portée par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Les fonctionnaires titularisés depuis le 1er janvier 2013 ne peuvent plus demander à leur employeur et à la CNRACL de valider leurs années de services antérieures en qualité d’agents contractuels. Néanmoins, plusieurs demandes de validation des fonctionnaires titularisées avant le 1er janvier 2013 ont été et sont encore examinées par la CNRACL.

[2] Conseil d’Etat, sous sections réunies, 12 février 2016, n°382074, mentionné au recueil Lebon : « 5. Considérant qu’il résulte de ces dispositions du décret du 26 décembre 2003 que si en vertu de son article 8, peuvent être validées et par suite prises en compte dans la constitution du droit à pension les périodes de services effectués en qualité d’agent non titulaire de l’une des collectivités mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la prise en compte des périodes d’études, au titre de la constitution et de la liquidation des droits à pension, relève du dispositif spécifique prévu à l’article 12 du même décret qui prévoit qu’elles peuvent faire l’objet, de la part de la CNRACL, d’une proposition de rachat ; qu’en revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que les périodes d’études mentionnées au point 4 doivent être regardées comme des périodes de services effectués en qualité d’agent non titulaire de l’une des collectivités mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que par suite le conseil d’administration de la CNRACL, qui ne tire d’aucun texte ni aucun principe compétence pour déroger aux dispositions du décret du 26 décembre 2003 fixant les conditions de validation des services effectués par des agents en tant que non titulaires, n’était pas compétent pour décider que les périodes consacrées aux années d’études d’infirmiers pouvaient être regardées, sous certaines conditions, comme des périodes de services effectués en qualité d’agent non titulaire et susceptibles d’être validées en application de l’article 8 du décret du 26 décembre 2003 ; que, dès lors, en jugeant que la délibération du 31 mars 2004 du conseil d’administration de la CNRACL n’a pas pu donner de fondement légal aux décisions contestées par l’hôpital départemental de Felleries-Liessies, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, la cour, en jugeant que la date de notification des factures litigieuses, autres que celles de Mesdames Jumiaux et Cetra, n’était pas établie et qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que les notifications adressées à l’hôpital aient mentionné les voies et délais de recours, n’a pas dénaturé les pièces du dossier ; »

 

[3] Article 8 modifié du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 : « 2° Les périodes dûment validées par les fonctionnaires titularisés au plus tard le 1er janvier 2013. Sont admises à la validation, au titre des périodes de services accomplis :

« a) La totalité des périodes, quelle qu’en soit la durée, effectuées, de façon continue ou discontinue, sur un emploi à temps complet ou non complet, occupé à temps plein ou temps partiel, en qualité d’agent non titulaire auprès de l’un des employeurs mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

b) la totalité des périodes d’études effectuées dans une école publique ou privée ayant conduit à l’obtention d’un diplôme d’Etat d’infirmier, de sage-femme ou d’assistant social ou d’un diplôme reconnu équivalent obtenu dans un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen dans les conditions prévues aux articles L. 4311-3, L. 4311-4 et L. 4151-5 du code de la santé publique et à l’article L. 411-1 du code de l’action sociale et des familles. La durée des périodes validées ne peut excéder la durée des études requises pour l’obtention du diplôme d’Etat en France. La date de fin des études correspond à celle de l’obtention du diplôme »

 

Caroline LESNÉ est avocate associée et Responsable du département Fonction publique du pôle social. Elle accompagne depuis plus de 15 ans les établissements de santé. Encadrant une équipe d’avocats spécialisés, Maître Lesné conseille quotidiennement les directions d’établissements sur leurs projets et leur stratégie tant au plan individuel que collectif de leur GRH notamment dans le cadre des regroupements et coopérations. Elle les représente et les assiste devant les juridictions administratives et judiciaires et assure par ailleurs des formations, Outre des compétences aguerries en droit de la fonction publique, Maître Lesné délivre une expertise poussée en droit statutaire des médecins et des conseils en gestion stratégique notamment dans le cadre des différentes formes de coopération.
Elle intervient également tant en conseil qu’en représentation en justice en droit du travail auprès d’opérateurs de droit privé et en droit de la sécurité sociale.