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article guillaume 19102017
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Ordonnances “MACRON” : la fusion des IRP, ce n’est pas pour l’hôpital !

Conformément à la loi d’habilitation votée les 1er et 2 août 2017 et publiée au Journal Officiel le 15 septembre 2017, le gouvernement a publié au Journal Officiel le 23 septembre 2017 l’Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

L’article 2 de cette loi d’habilitation autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux employeurs et aux salariés mentionnés à l’article L. 2211-1 du code du travail, en fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant le mode de fonctionnement de cette nouvelle instance.

L’habilitation de cette loi visant la fusion des délégués du personnel, du CHSCT et du comité d’entreprise, il était acquis que cette réforme ne concernerait pas, du moins pour l’heure, les établissements publics de santé qui appliquent la 4ème partie du code du travail.

Ce point est confirmé par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 lequel confirme à son article 1 la rédaction de l’article L.2311-1 du code du travail : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés. Elles sont également applicables : 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; 2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. Ces dispositions peuvent, compte tenu des caractères particuliers de certains des établissements mentionnés aux 1° et 2° et des instances de représentation du personnel éventuellement existantes, faire l’objet d’adaptations, par décrets en Conseil d’Etat, sous réserve d’assurer les mêmes garanties aux salariés de ces établissements. »

Les établissements visés à l’article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ne sont pas concernés.

Pour autant, la fusion du CHSCT et du Comité Technique d’Établissement (CTE) serait-elle opportune ?

 La nécessité de simplifier le dialogue social à l’hôpital

Hospimedia se faisait l’écho le 23 septembre 2015 de ce que l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (l’ADRHESS) avait initié un sondage sur ce point auprès de 151 directeurs d’établissement.

Il en était résulté que 66% des directeurs interrogés étaient favorables à une telle fusion.

Plusieurs arguments militent pour une telle fusion.

En premier lieu, l’article R.6144-40 du code de la santé publique listant les matières sur lesquelles le Comité technique d’établissement est consulté vise notamment les conditions et l’organisation du travail dans l’établissement, la politique sociale, La politique d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, les modalités d’accueil et d’intégration des professionnels et étudiants, le règlement intérieur de l’établissement.

On constate que nombre de ces matières relèvent de la question des conditions de travail ou présentent un lien avec celles-ci. Il y a donc intrinsèquement une forme de redondance avec les missions du CHSCT.

En deuxième lieu, on constate dans les faits que les membres du CTE sont souvent également membres du CHSCT.

L’importance prise par le CHSCT au sein des établissements publics de santé n’est plus à démontrer tant au regard des questions essentielles qu’il traite dans une période de contrainte budgétaire forte qu’en raison des prérogatives propres à cette instance qui en fait un outil particulièrement intéressant pour les organisations syndicales.

Or, parallèlement, le temps consacré aux séances de ces deux instances est bien souvent vécu comme une contrainte forte par les directions des ressources humaines tant sur la réitération des séances, parfois à récurrence hebdomadaire, que sur la durée de chaque séance.

Ce qui est ici mal perçu par les directions des ressources humaines, ce n’est pas la nécessité du dialogue social ni la nécessité d’informer telle ou telle instance mais de devoir répéter cette démarche d’information et de consultation à plusieurs reprises pour un même sujet, avec des documents de présentation souvent identiques et devant les mêmes personnes physiques et parfois à plusieurs reprises dans un temps déterminé.

Autrement formulé, la multiplication des instances et des séances est parfois perçue par les directions des ressources humaines comme une perte de temps qui, paradoxalement, nuit au dialogue social.

Or, le dialogue social à l’hôpital est primordial et il convient de rechercher toute mesure permettant de le rendre plus efficace, plus abouti.

Il nous apparait ici que la fusion du CTE et du CHSCT serait une solution intéressante dès lors que les membres de cette instance unifiée disposeraient d’un temps suffisant pour remplir leurs missions.

Cette fusion pourrait donner lieu à ce qu’il soit mis fin à une incongruité tirée de ce que le CHSCT des établissements publics de santé visés à l’article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 soient régis par le code du travail alors que ce n’est pas le cas pour la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale.

Nous plaidons ici pour la création d’une instance représentative du personnel non médical unique consacrée par le code de la santé publique et qui soit adaptée aux enjeux de l’hôpital public et à ses contraintes de fonctionnement, sans que pour autant que ce changement de fondement juridique ne s’opère au détriment des missions confiées au CHSCT actuel ou au détriment des droits en découlant pour ses membres.

Une telle réforme pourrait, à notre sens, améliorer sensiblement le fonctionnement du dialogue social à l’hôpital. L’instance née de la fusion entre le CHSCT e le CTE pourrait ainsi s’appeler le Comité Social d’Établissement.

Quid du dialogue social au niveau des GHT ?

Pour autant, à supposer qu’une telle réforme puisse voir le jour, elle ne résoudrait pas par elle-même les problématiques du dialogue social posées par la mise en œuvre des GHT.

Ce dernier n’a pas la personnalité morale et, partant, aucune instance représentative du personnel n’est à installer au sein du GHT étant observé que la conférence de dialogue sociale visée à l’article R.6132-14 du code de la santé publique est simplement « informée des projets de mutualisation, concernant notamment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les conditions de travail et la politique de formation au sein du groupement hospitalier de territoire ».

Pour autant, la mise en œuvre des GHT pose indubitablement la question du dialogue social au niveau du groupement, à tout le moins, pour les fonctions obligatoirement mutualisées lesquelles ne sont rien d’autre que des délégations de compétence conférées au directeur de l’établissement support en application de l’article L.6143-7 du code de la santé publique qui exerce, pour le compte des établissements parties, les fonctions visées à l’article L.6132-3 du code de la santé publique.

C’est d’ailleurs une critique récurrente des organisations syndicales lesquelles pointent du doigt un dialogue social au niveau du GHT inexistant tout en reconnaissant néanmoins être particulièrement attachées aux instances de leur établissement.

Or, cette question des conditions de travail et partant du dialogue social ne vont pas disparaitre dès lors que les interrogations quant au fonctionnement des GHT, en l’état des textes publiés, demeurent nombreuses. Toute incertitude et toute interrogation quant au fonctionnement du GHT peut se traduire en une interrogation sur les conditions de travail ou sur un plan statutaire.

Faut-il créer un CHSCT et un CTE de GHT ?

La réponse est assurément négative. En droit, ce n’est pas envisageable en l’absence de personnalité morale du GHT et en fait c’est clairement inopportun car on transposerait la lourdeur du fonctionnement des IRP de l’hôpital au GHT.

Faut-il alors aller jusqu’à la fusion pour permettre ce dialogue social au niveau du GHT ?

Comme le soutient Maître Laurent Houdart dans son article du 19 septembre 2017 publié sur le blog du cabinet Houdart et Associés, il nous semble que non.

D’une part, la seule organisation du dialogue social au niveau du GHT ne saurait justifier à elle-seule une fusion des établissements membres d’un GHT.

D’autre part, comme maître Laurent Houdart le précise dans son article, la fusion serait la négation d’une diversité de territoire et une négation de la diversité dans les GHT constitués.

On rajoutera que la taille importante de l’établissement ou du groupement n’est pas en soi un gage de bonne gestion ni une garantie pour une réponse adéquate aux problèmes de santé d’un territoire.

La solution pourrait découler de la création d’une instance temporaire créée sur le modèle du CHSCT de coordination et donc siégeant uniquement à l’occasion de problématiques transversales communes. Cette instance serait alors composée d’un ou deux membres du comité social d’Établissement né de la fusion du CHSCT et du CTE.

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).