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On se souvient de l’arrêt SNIIS c/GIP Symaris (CE, 4 mars 2009, N° 300481, Publié au recueil Lebon) dans lequel nous avions obtenu le rejet de l’ensemble des prétentions du Syndicat National des Industries d’Information de Santé qui entendait interdire le regroupement d’établissements publics de santé désireux d’organiser en commun leurs prestations informatiques.

Ce syndicat estimait que la constitution de ces groupements dans le domaine informatique instaurait une concurrence déloyale vis-à-vis de ses adhérents.

Le Conseil d’Etat avait rejeté la requête dans l’ensemble de ses moyens et avait profité de l’occasion pour faire oeuvre de pédagogie dans la ligne de sa décision remarquée « Commune d’Aix-en-Provence » (CE sect. 6 avril 2007, Lebon p. 155), son commissaire du gouvernement l’ayant invité à « procéder à d’utiles rappels sur les conditions dans lesquelles des collectivités publiques peuvent librement recourir à un organisme dédié pour se voir fournir les prestations dont elles ont besoin ».

La Haute Juridiction y affirmait, tant dans la droite ligne de son arrêt Unipain (CE, 29 avril 1970, Unipain, Lebon p. 280) qu’en totale conformité avec la plus récente jurisprudence européenne :

* que les collectivités publiques peuvent recourir à leurs propres moyens, pour assurer, dans le cadre de leurs compétences, les prestations répondant à leurs besoins (CE sect 26 juin 1930, Bourrageas, Lebon p. 659 ; CE, 29 avril 1970, Unipain précité ; CE sect. 6 avril 2007 déjà cité) ;

* qu’elles ne sont pas tenues de faire appel à des tiers (CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, affaire C 26-03), en particulier à des entreprises, en passant avec eux des marchés publics ;

* que, si plusieurs collectivités publiques décident d’accomplir en commun certaines tâches et de créer à cette fin, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, un organisme dont l’objet est de leur fournir les prestations dont elles ont besoin, elles peuvent librement faire appel à celui-ci, sans avoir à le mettre en concurrence avec des opérateurs dans le cadre de la passation d’un marché public. La Haute Juridiction précise que ceci ne vaut que dès lors que l’organisme dont s’agit leur consacre l’essentiel de son activité et qu’elles exercent conjointement sur lui un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leurs propres services (CJCE, 1999, 18 novembre 1999, Teckal, aff. C-107/98 ; CJCE, 8 mai 2003, Espagne c/ Commission ; CJCE, 7 décembre 2000, ARGE, aff. C-94/99 ; CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo SpA), un tel organisme ne pouvant en effet être regardé, alors, comme un opérateur sur un marché concurrentiel (CJCE, 13 novembre 2008, Coditel Brabant, aff. C-324/07) ;

* que cet organisme peut notamment prendre la forme d’un groupement d’intérêt public créé en vue d’assurer certaines prestations répondant aux besoins de ses membres.

La Société Carso-Laboratoire Sante Hygiène Environnement fournit à la Haute Juridiction une nouvelle occasion de légitimer la constitution d’un tel groupement entre une personne publique (le département de l’Allier) et une société privée (Institut Pasteur) dont l’objet était de reprendre les activités auparavant exercées par le laboratoire départemental d’analyses, notamment les analyses relevant du secteur de la santé publique vétérinaire et de l’hydrologie, et de développer des activités d’analyses, d’audit, de conseil, de recherche et de formation dans les domaines de l’eau, de l’environnement, de l’aliment, de la santé animale et de la santé publique (CE, 10 novembre 2010, N° 319109, Mentionné dans les tables du recueil Lebon).

Le Conseil d’Etat rejette comme supra l’ensemble des moyens et condamne la requérante à 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Deux points méritent d’être soulignés :

– en créant avec la société Institut Pasteur de Lille – Santé Environnement Durables Est un groupement d’intérêt public distinct de lui destiné à reprendre les activités de service public auparavant exercées par son laboratoire départemental d’analyses et à opérer sur un marché concurrentiel, le département de l’Allier, qui, ainsi qu’il a été dit, a mis fin aux responsabilités qu’il exerçait jusqu’alors en matière d’analyses vétérinaires et d’hydrologie, ne peut être regardé comme ayant pris lui-même en charge une activité économique ; par suite, la SOCIETE CARSO-LABORATOIRE SANTE HYGIENE ENVIRONNEMENT n’est pas fondée à soutenir que le département de l’Allier ne pouvait prendre part à la création de ce groupement que dans le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et qu’en l’espèce cette liberté aurait été méconnue ;

– il ressort des pièces du dossier que le groupement d’intérêt public I.P.L. Santé Environnement Durables Coeur de France n’a pas pour objet de répondre aux besoins du département de l’Allier en matière de prestations d’analyses dans les domaines de la santé publique vétérinaire et de l’hydrologie mais d’effectuer ces prestations, ainsi que des prestations complémentaires d’audit, de conseil, de recherche et de formation, au bénéfice de tiers sur l’ensemble du territoire national ; ainsi, contrairement à ce que soutient la SOCIETE CARSO-LABORATOIRE SANTE HYGIENE ENVIRONNEMENT, la convention constitutive du groupement d’intérêt public I.P.L. Santé Environnement Durables Coeur de France et l’arrêté interministériel l’ayant approuvée n’ont nullement pour effet de permettre à ce groupement d’être attributaire d’un marché avec le département ; que, par suite, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la création du groupement d’intérêt public I.P.L. Santé Environnement Durables Coeur de France a été approuvée en méconnaissance des règles nationales et communautaires applicables aux marchés publics, lesquelles seront en revanche applicables aux marchés passés le cas échéant par le département de l’Allier avec ce groupement en vue de satisfaire à des besoins propres.

Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme une nouvelle fois que le régime des prestations “in house” ne saurait s’appliquer en présence d’intérêts privés.

Et dire que l’on voudrait nous faire croire que l’Ordonnance “Ballereau” relative à la réforme des laboratoires de biologie pourrait permettre des coopérations entre laboratoires hospitaliers publics et laboratoires privés, sans application du droit des marchés publics !