LA SISA PERMET-ELLE DE PALLIER LA CARENCE DE L’ASSURANCE MALADIE ?
Article rédigé le 18 octobre 2019 par Me Axel Véran
Au cours d’une de nos missions d’accompagnement de professionnels réunis en SISA, la question nous a été posée de savoir dans quelle mesure des pharmaciens non associés d’une SISA mais ayant adhéré au projet de santé de la Maison de santé (MSP) pourraient facturer à ladite société des entretiens pharmaceutiques en officine, nécessaires au dépistage de l’hypertension artérielle (HTA). Concrètement, le pôle médical de la MSP adresse ses patients aux pharmaciens afin que ces derniers les forment à l’automesure tensionnelle. En contrepartie, les pharmaciens adressent une facture à la SISA. Cette question, bien que très spécifique, conduit à s’interroger d’une part sur les nouvelles missions du pharmacien et leur articulation avec les structures d’exercice coordonné existantes et d’autre part, sur les perspectives qu’offrent les SISA pour les pharmaciens, trop souvent isolés du fait de leur assujettissement à la TVA.
1 / Les nouvelles missions du pharmacien
La loi HPST a ouvert la possibilité au pharmacien de prendre en charge de nouvelles missions de santé publique, dont le suivi de certains patients atteints d’une pathologie chronique, par le biais d’entretiens d’accompagnement et de suivi.
En 2011, l’IGAS, dans son rapport « Pharmacies d’officines : rémunération, missions, réseau », relevait « le dépistage est d’ores et déjà pratiqué dans certaines officines pour le diabète, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’hypertension artérielle et l’insuffisance rénale chronique » et concluait « La prise en charge de ces dépistages par l’assurance maladie est légitime. Le patient ne devrait pas avoir à s’acquitter d’une franchise qui serait un frein pour les populations défavorisées ».
L’IGAS émettait ainsi une « Recommandation n°18 : déterminer les pathologies qui pourraient être dépistées en officine et déterminer les protocoles de dépistage ».
Par suite, la convention nationale des pharmaciens titulaires d’officine, entrée en vigueur le 7 mai 2012, est venue renforcer le rôle des pharmaciens avec l’instauration des entretiens pharmaceutiques.
Ladite convention a été adoptée dans le but de revaloriser le rôle du pharmacien qui « doit contribuer à l’information et à l’éducation du public en matière sanitaire et sociale » et « Participe à la coordination des soins en collaboration avec l’ensemble des professionnels concourant à la prise en charge du patient (…) ».
L’article L. 5125-1-1 A du Code de la santé publique mentionne notamment que les pharmaciens officinaux « contribuent aux soins de premier recours » (parmi lesquels l’éducation pour la santé, la prévention et le dépistage) et « peuvent participer à l’éducation thérapeutique et aux actions d’accompagnement de patients ».
Les rapports entre les organismes d’assurance maladie et l’ensemble des pharmaciens titulaires d’officine sont soumis par l’article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, à une convention nationale, laquelle doit notamment déterminer la rémunération versée par les régimes obligatoires d’assurance maladie en contrepartie du respect d’engagements individualisés. Ces engagements peuvent porter sur la participation à des actions de dépistage ou de prévention, l’accompagnement de patients atteints de pathologies chroniques etc.
2 / Le dépistage de l’HTA, non prévu par la convention nationale des pharmaciens titulaires d’officine
L’article 10 de ladite convention, relatif aux nouveaux modes de prise en charge du patient dispose :
« Les parties signataires estiment, par ailleurs, que la prise en charge optimale du patient nécessite la mise en œuvre de nouveaux moyens d’action du pharmacien afin de lui permettre de : Contribuer aux actions de prévention et de dépistage(…)».
Cependant, la lecture de la convention et de ses treize (13) avenants témoigne de ce qu’actuellement, seuls deux programmes d’entretiens pharmaceutiques sont développés et susceptibles d’être rémunérés par l’Assurance maladie : ceux réalisés dans le cadre des traitements par anticoagulants oraux et de l’asthme.
Aussi, si l’HTA est la première maladie chronique dans le monde et un des principaux facteurs de risque vasculaire, son dépistage par automesure tensionnelle, n’est pas soumis à rémunération.
Pourtant, les entretiens pharmaceutiques en HTA sont l’un des principaux moyens permettant aux pharmaciens de contribuer à une prise en charge personnalisée pluriprofessionnelle et contribuent à l’adhésion thérapeutique du patient au projet de soins.
L’entretien pharmaceutique dans l’HTA en officine prend du temps, le pharmacien doit pouvoir montrer, expliquer, faire pratiquer au patient et aider à interpréter l’automesure tensionnelle et n’est pas, pour l’heure, financièrement valorisé.
Il en est de même pour certains tests (oro-pharyngé ; naso-pharyngé ; capillaire) qui peuvent, depuis un arrêté du 1eraoût 2016, être réalisés par les pharmaciens d’officine.
3 / La facturation des entretiens pharmaceutiques à la SISA
Dans l’hypothèse où les pharmaciens seraient associés de la SISA, la rémunération des entretiens pourrait être assurée par la répartition des dotations de l’ACI au titre des actions d’éducation thérapeutiques.
En revanche, si les pharmaciens ne sont pas membres de la SISA ; ils ne peuvent pas bénéficier de la répartition des dotations perçues par la MSP au titre de l’ACI.
Cependant, tous professionnels non associés de la SISA peuvent participer aux actions de la maison de santé et leur participation permettra parfois à la MSP de percevoir des dotations supplémentaires.
En effet, l’article 3.1 de l’ACI prévoit, dans les actions optionnelles de la MSP permettant de recevoir des dotations de l’Assurance maladie, l’organisation de consultations de second recours (pharmaciens) par des professionnels extérieurs à la structure au moins deux jours par mois.
Cette action est affectée de 250 points fixes ; chaque point étant valorisé 7 euros.
Aussi, la SISA pourra percevoir jusqu’à 1750 euros pour l’organisation de consultations avec des professionnels de santé extérieurs à la structure (second recours). Les pharmaciens étant au nombre des professionnels visés par l’article, rien ne s’oppose à ce qu’une facture soit adressée par la pharmacie à la société au titre des entretiens pharmaceutiques conduits.
Les professionnels associés de la SISA doivent cependant garder à l’esprit que les dotations accordées à ce titre ne pourront être supérieures à 1750 euros.
4 / Sur la TVA
Par principe, les actions menées par les pharmaciens, non associés, pour le compte de la SISA peuvent parfaitement être facturées avec TVA, sans que la MSP n’encoure elle-même un assujettissement à la taxe sur son activité.
Cependant, de manière générale, les entretiens pharmaceutiques ne sont pas soumis à TVA (ROSP Art. 31.2.2).
En conséquence, les factures qui seraient adressées à la SISA par le pharmacien titulaire d’officine devront être exemptes de TVA.
5 / Nécessaire adhésion au projet de santé de la MSP et convention entre les parties
Par ailleurs, si des partenariats entre professionnels de santé non associés de la SISA et MSP peuvent être développés, ces derniers devront faire l’objet d’une convention.
Aussi, il est important qu’une telle convention de partenariat soit dressée avant la mise en œuvre des entretiens pharmaceutiques et leur facturation.
Avocat au Barreau de Paris
Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.
Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).
Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.
Aussi le principal de son activité a trait :
A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.
Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.