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L’affaire du Médiator, toujours en cours devant les juridictions judiciaires, a fait l’objet d’un premier dénouement devant les juridictions administratives. En effet, par un jugement en date du 3 juillet 2014, le Tribunal Administratif de Paris a déclaré l’Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour Mme A de l’absorption du Médiator.

 

Classiquement, les conditions d’engagement de la responsabilité sont au nombre de trois : fait dommageable, préjudice et lien de causalité. Néanmoins, au cas d’espèce, le Tribunal administratif a, d’une part, déclaré l’Etat responsable des conséquences dommageables éventuelles pour Mme A de l’absorption du Médiator et, d’autre part, ordonné une expertise au motif que « l’état du dossier ne permet pas au tribunal de statuer sur le lien de causalité entre les préjudices invoqués par Mme A et l’absorption du Médiator ». En d’autres termes, la juridiction s’est prononcée sur la responsabilité avant même d’avoir caractérisé le lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice.

 

A cet égard, si Mme A avait introduit son action à l’encontre de l’Etat et de l’ANSM, successeur de l’AFSSAPS, seul le premier a été déclaré responsable. En effet, l’article L. 5322-2 du Code de la santé publique précise que le directeur général de l’agence prend « au nom de l’Etat » les décisions relatives aux produits de santé qui relèvent de la compétence de l’agence en vertu du code de la santé publique. Le directeur de l’agence bénéficie ainsi d’une dualité de compétence, agissant au nom de l’établissement public dont il est l’exécutif dans ses actes de gestion, et au nom de l’Etat pour ses missions de santé publique.

 

De même, si dans l’affaire du Stalinon (seul précédent où la responsabilité de l’Etat avait été recherchée en raison de dommages dus à un médicament) le Conseil d’Etat avait exigé une faute lourde pour condamner l’Etat (28 juin 1968), le Tribunal Administratif de Paris s’est, dans la continuité de ses jurisprudences relatives à la contamination transfusionnelle par le sida et à l’exposition à l’amiante, placé sur le terrain de la faute simple pour retenir la responsabilité de l’Etat.

 

La faute de l’Etat réside en l’espèce dans la carence de l’AFSSAPS, qui n’a pas suspendu ou retiré l’autorisation de mise sur le marché du Médiator alors que le risque d’hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathie cardiaque lui étant imputable était connu. Ainsi, la responsabilité de l’Etat a ainsi été retenue à partir du 7 juillet 1999, date de la séance de la commission nationale de pharmacovigilance lors de laquelle a été évoquée la situation du Médiator.

 

Allant plus loin, la juridiction retient la seule responsabilité de l’Etat, et non celle des laboratoires Servier, qui ont tenté de désinformer l’administration sur les propriétés du Médiator. En effet, elle considère qu’eu égard à l’étendue des pouvoirs de l’agence (évaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation d’un médicament à tout moment, mise en œuvre d’expertise…) et aux missions qui lui ont été attribuées, il n’y a pas lieu d’exonérer l’Etat.

 

En creux, l’agence est débitrice d’une obligation générale qui consiste, en présence de doutes sur les effets indésirables de certains médicaments, à réévaluer périodiquement la pertinence de son autorisation de mise sur le marché.

 

En conséquence, il appartiendra à l’Etat, en cas de condamnation indemnitaire, d’exercer une action récursoire à l’encontre des laboratoires Servier, la contribution à la dette s’effectuant au regard de la gravité des fautes respectives.

 

Si plusieurs jugements ont été rendus dans le même sens, il convient de rester prudent s’agissant de l’issue de cette procédure compte tenu des difficultés inhérentes à la détermination du lien de causalité existant entre l’absorption du Médiator et les pathologies dont souffrent les victimes.