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Loyers des IDE-ASALEE, à qui la facture ?

Article rédigé le 26 février 2024 par Me Axel véran

Cet article est issu de notre lettre de l’exercice coordonné de février 2024 disponible en suivant ce lien.

 

À l’occasion de la renégociation de la convention la liant à l’association ASALEE, la CNAM a acté la fin du financement du loyer pour l’hébergement des infirmières ASALEE à compter du 31.12.2023.
Cette décision a provoqué l’inquiétude de nombreux professionnels, craignant que ce désengagement ne vienne compromettre la pérennité d’un dispositif dont les vertus ont largement été démontrées.
Si, par la voix de sa Présidente, l’association ASALEE s’est montrée rassurante et a assuré qu’elle maintiendra sa participation au financement des loyers de ses salariées, l’occasion est donnée de s’interroger sur la place qu’entendent prendre les collectivités territoriales dans le développement de l’exercice coordonné que l’on sait désormais indispensable au maintien d’une offre de soins de proximité.

 

ASALEE ou la transformation des pratiques en soins primaires

 

Fruit d’un travail de recherche et d’innovation en soins primaires prônant l’émergence d’une nouvelle forme de coopération entre médecins et infirmières en recentrant leurs interventions sur l’éducation et la prévention, ASALEE, pour Action de Santé Libérale en Équipe, est née en 2004.

Porté par une association loi 1901, le dispositif ne concernait alors que le département des Deux-Sèvres, quinze de ses médecins et trois de ses infirmières dont la coopération était centrée sur le diabète.

Deux ans plus tard, en 2006, le protocole intégrait trois nouveaux domaines d’intervention : les campagnes de dépistage du cancer ; le repérage des troubles cognitifs et l’automesure tensionnelle.

Puis, en 2008, le dispositif était enrichi du protocole de suivi des personnes à risque cardiovasculaire et une évaluation de l’IRDES (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) soulignait ses bienfaits sur le suivi des patients diabétiques.

Moins d’un an plus tard, le protocole était étendu à quatre régions supplémentaires ; son financement devenait national et une évaluation du Conservatoire national des arts et métiers démontrait qu’ASALEE permettait la réalisation d’une économie de 10% sur les pathologies chroniques.

En 2012, la coopération était élargie aux patients tabagiques et la HAS autorisait les infirmières à prescrire elles-mêmes les examens de biologie, ECG et de spirométrie.

Aujourd’hui, le dispositif ASALEE est déployé sur l’ensemble des départements et regroupe plus de 8000 médecins et 2000 infirmières (asalee.org).

Réussite incontestable, ASALEE a permis et continue de faciliter le parcours de soins du patient en valorisant de nouvelles compétences paramédicales tout en faisant gagner du temps aux médecins.

 

Fin du fléchage du financement CNAM d’ASALEE pour la prise en charge des loyers de ses infirmières

 

Salariées de l’association ASALEE, les infirmières sont personnellement attribuées aux médecins qui, lors de la création du dispositif, étaient majoritairement propriétaires de leur local professionnel et assumaient leur installation.

Les modes d’installation et d’exercice des médecins généralistes évoluant, et c’est heureux, vers davantage d’exercice coordonné, s’est légitimement posée la question de la prise en charge des loyers des locaux occupés par ces infirmières, notamment lorsque ces derniers ne sont pas la propriété des médecins mais sont acquis ou loués par la maison de santé au sein de laquelle ils exercent.

Disposant des ressources nécessaires pour prendre en charge ces loyers, ASALEE en assurait jusqu’alors le financement.

Toutefois ASALEE est quasi-exclusivement financée par la CNAM et cette dernière a acté, qu’à compter du 31 décembre 2023, son financement ne pourrait plus être fléché pour la prise en charge des loyers des infirmières salariées.

La nouvelle a fait grand bruit et, face à la crainte des médecins et maisons de santé concernées de devoir assumer le coût des loyers hébergeant les infirmières ASALEE, le Docteur Isabelle RAMBAULT-AMOROS, présidente et co-fondatrice d’ASALEE déclarait en février 2023 dans les colonnes du journal Concours Pluripro « En tant qu’employeur, nous considérons en revanche que l’association doit poursuivre sa participation au financement des loyers de nos employés, car ce n’est ni aux infirmières, ni aux médecins de les prendre en charge ».

Si ces déclarations ont pu rassurer médecins et structures d’exercice coordonné qui ne devraient pas être tenus d’assurer le financement des loyers, la solution interroge : un financement par ASALEE conjugué à une réduction de ses ressources ne risque-t-il pas de fragiliser la poursuite du développement d’un dispositif qui a fait ses preuves ?

A l’évidence si, puisque plusieurs élus locaux s’en sont émus, craignant que ce désengagement à l’échelle nationale ne compromette l’équité territoriale.

En ce sens, par question écrite publiée au JO le 04 juillet 2023, Mme Mathilde HIGNET, députée de la 4ème circonscription d’Ille-et-Vilaine demandait à la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé « d’intervenir auprès de la CNAM afin que celle-ci accepte de financer les loyers des infirmières ASALEE et plus largement, qu’elle accorde les moyens à l’association de se développer en réponse aux besoins des patients ».

Et, le 19 octobre 2023, M. Jean-Jacques Michau, élu sénateur de l’Ariège, attirait l’attention du ministre de la santé et de la prévention sur cette problématique spécifique et l’interrogeait aux fins de savoir « quelles initiatives le Gouvernement compte prendre pour prévenir la vulnérabilité du dispositif ASALEE, d’une importance cruciale dans le contexte actuel de désertification médicale ».

Si leurs questions sont restées sans réponse, force est de constater qu’à l’accoutumée, seule est proposée une inflexion de la politique financière de la CNAM.

Pourtant, compte-tenu de l’importance martelée d’encourager les initiatives locales d’exercice coordonné et, sur les territoires concernés, de remédier aux carences de l’offre de santé, ces aides ne devraient-elles pas plutôt venir de l’échelon local, c’est-à-dire des collectivités territoriales ?

Outre le complément qu’elles peuvent apporter aux aides financières prévues pour accompagner l’installation des médecins dans les zones sous-dotées (art. L. 1511-8 CGCT), les communes et EPCI ont la possibilité d’exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties les locaux occupés par les maisons de santé, appartenant à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale (art. 1382 C bis CGI).

Or, d’expérience, force est de constater que nombre de maisons de santé ayant pour bailleur une commune ou un EPCI doivent souvent aller chercher avec les dents une telle exonération.

Figure de style utilisée en rhétorique qui vise à rapprocher deux termes que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire, je suis… je suis ? Un indice chez vous ? Un Oxymore ! C’est oui, bonne réponse !

Si s’agissant de locaux occupés par une maison de santé hébergeant une infirmière ASALEE relevant d’un bailleur privé, la question est en effet épineuse, s’agissant d’un bailleur public, le coût du cabinet infirmier devrait largement pouvoir être couvert par ce dernier sans qu’il ne soit nécessaire de solliciter de la CNAM une inflexion de sa politique financière.

Pour le bailleur public, le manque à gagner issu d’une révision du loyer consenti aux maisons de santé hébergeant une infirmière ASALEE sera incomparable aux bénéfices qu’il retirera de la pérennité de l’installation de professionnels de santé sur le territoire qu’il administre.

 

Quelle place pour l’infirmière ASALEE dans l’équipe de soins ?

 

Outre le financement des locaux occupés par l’infirmière ASALEE, le désengagement de la CNAM soulève toutefois un autre sujet : celui du rattachement de ladite infirmière.

Pour l’heure, cette dernière est personnellement attribuée au médecin.

Parallèlement, on sait que l’expérimentation IPEP (incitation à une prise en charge partagée), qui a notamment permis d’ouvrir de nouvelles missions pour les IDE, a largement été plébiscitée par les professionnels des maisons de santé qui s’y sont engagés, démontrant, si cela été encore nécessaire, l’intérêt pour les professionnels de santé et pour le patient d’une meilleure coordination.

Partant, le rattachement des infirmières ASALEE aux équipes plutôt qu’aux individus ne favoriserait-il pas une meilleure prise en charge des parcours ? Ne serait-il pas de nature à renforcer la coordination des soins et à en faciliter l’accès ?

A suivre…

 

 

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.