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La SISA permet le partage d'honoraires entre médecins et infirmiers. Précisions.
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Centres de soins non programmés, SISA et partage d’honoraires

Article rédigé le 17 juillet 2023 par Me Axel Véran

Offre de soins intermédiaire entre le cabinet de ville et la structure d’urgence plus spécialisée et plus lourde, les CSNP fleurissent désormais un peu partout sur le territoire, preuve s’il en fallait que la nature a horreur du vide et qu’un maillon manquait entre la médecine de ville et les urgences.

L’équilibre de vie recherché par plusieurs médecins urgentistes, logiquement attirés par le dispositif qui favorise une activité partagée, encourage largement le développement des centres de soins non-programmés.

 

La majorité des centres de soins non-programmés de ville sont créés à l’initiative de médecins et d’infirmiers libéraux.

Force est toutefois de constater que la nomenclature des IDEL étant pensée pour assurer le suivi de patients chroniques ; la cotation des actes réalisés en CSNP (pansements, prises de sang, perfusions, antalgies, etc.) permet difficilement de les intéresser.

 

Quelles solutions ?

Nous entendons ici et là que la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) comblerait cet écueil en ce qu’elle autoriserait le partage d’honoraires entre médecins et infirmiers.

Les modèles promus sont les suivants :

Les médecins et infirmiers se constituent en SISA. Jusqu’ici, pas de problème, cette dernière permet la pluridisciplinarité (art. L4041-1 du code de la santé publique).

Ordres professionnels, cachez-vous les yeux.

Puis, la SISA :

  1. Soit facture directement les actes réalisés par les professionnels de santé qui en sont associés aux organismes de l’Assurance Maladie et organise ensuite la répartition entre ses associés. Elle est donc pensée comme un réceptacle des honoraires médicaux et non médicaux avant partage selon une clé de répartition définie par ses actes constitutifs ;
  2. Soit se voit directement reversés les honoraires directement perçus par les professionnels de santé pour une redistribution entre ses associés, selon une clé de répartition définie par ses actes constitutifs.

 

Avant de vous engager dans ce dispositif qui, à première vue peut sembler attrayant, prenons le temps de le décortiquer.

Par où commencer ? Au hasard, par le commencement.

Le principe : l’interdiction du partage d’honoraires.

Pour les médecins, l’interdiction est posée par l’article 94 du code de déontologie médicale (art. R4127-94 du CSP) qui interdit la dichotomie.

 

Pour les infirmiers, elle est clairement posée par l’article R4312-30 du CSP qui dispose :

« Hormis les cas prévus dans les contrats validés par le conseil départemental de l’ordre et sous réserve des dispositions de l’article L. 4312-15, le partage d’honoraires entre infirmiers ou entre un infirmier et un autre professionnel de santé est interdit. L’acceptation, la sollicitation ou l’offre d’un partage d’honoraires, même non suivies d’effet, sont interdites (…) ».

 

La SISA offrirait donc un salut ?

L’article L4043-1 du Code de la santé publique dispose : « Les activités exercées en commun conformément aux statuts de la société, mentionnées aux 2° et 3° de l’article L. 4041-2, ne sont pas soumises à l’interdiction de partage d’honoraires au sens du présent code.

Les associés d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires ne sont pas réputés pratiquer le compérage du seul fait de leur appartenance à la société et de l’exercice en commun d’activités conformément aux statuts ».

Quelles sont ces activités non soumises à l’interdiction de partage ?

  • Au titre du 2°: Les activités de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération entre les professionnels de santé, définies comme (art. R4041-1) :
  • La coordination thérapeutique, entendue comme les procédures mises en place au sein de la société ou entre la société et des partenaires, visant à améliorer la qualité de la prise en charge et la cohérence du parcours de soin ;
  • L’éducation thérapeutique du patient telle que définie à l’article L. 1161-1 ;
  • La coopération entre les professionnels de santé telle que définie à l’article L. 4011-1.

 

Bah oui, mais on coopère, puisqu’on travaille ensemble, donc c’est bon, non ?

Mauvaise pioche. La coopération visée est exclusivement celle qui s’inscrit dans le cadre des protocoles de coopération qui encadrent les transferts d’activités, d’actes de soins ou de prévention ou réorganisent les modes d’intervention auprès du patient (protocoles nationaux et/ou locaux).

Eh bien, écrivons un protocole et on n’en parle plus.

Minute papillon ! Seules sont éligibles à l’élaboration de protocoles locaux les structures d’exercice coordonné ayant signé un ACI avec l’Assurance Maladie ou signataires de l’accord national des CDS (art. L4011-4-1).

    • Au titre du 3°:
  • L’exercice, par des professionnels de santé salariés par la SISA, d’activités de soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours ainsi que d’autres activités contribuant à la mise en œuvre du projet de santé ;
  • L’encaissement sur le compte de la SISA de tout ou partie des rémunérations des activités de ses membres ou de celles de tout autre professionnel concourant à la mise en œuvre du projet de santé et le reversement de rémunérations à chacun d’eux.

 

C’est ça ! C’est ce dernier point qu’on veut faire !

Il est malheureusement réservé aux SISA reconnues comme maisons de santé, c’est-à-dire qui disposent d’un projet de santé labellisé par votre ARS préférée.

Une SISA, exclusivement constituée aux fins de porter un CSNP ne permet donc ni la mutualisation, ni le partage entre professionnels médicaux et non-médicaux d’honoraires générés par l’activité de soins de ses associés.

Pas vu, pas pris ?

Les annales judiciaires ne présentent que peu d’exemples de compérage ou de dichotomie, d’autant qu’il s’agit d’une infraction purement déontologique.

Bien que les textes prohibent ces ententes, l’appréciation de leur existence demeure une question de fait, largement laissée à l’appréciation des ordres qui, pour certains, s’ils ne les autorisent pas expressément, ferment les yeux sur ces montages qui vont dans le sens de l’histoire.

Pour autant, d’autres solutions, plus sécures, existent.

 

 

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.