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Exercice en SEL ou SCP : attention aux oublis en matière d’assurance !

Article rédigé le 20 mai 2024 par Me Lorène Gangloff

La société d’exercice libéral (SEL) comme la société civile professionnelle (SCP) de médecins, inscrite au tableau de l’ordre, exerce la profession par l’intermédiaire de son ou ses associés et se trouve tenue de respecter certaines obligations au même titre qu’eux, notamment en matière d’assurance (Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins).

 

 

Il ressort, en effet, des dispositions de l’article L. 1142-2 alinéa 1er du Code de la santé publique que les associés, « professionnels de santé exerçant à titre libéral », comme la société elle-même, « personne morale autre que l’Etat exerçant des activités de prévention, de diagnostic et de soins » doivent souscrire une police d’assurance dans le cadre de leur activité.
Mais cet impératif de « double assurance » est quelque fois méconnu des professionnels (I), ce qui peut s’avérer très dangereux (II) pour le praticien comme la structure.

 

Une obligation quelquefois méconnue

La méconnaissance des professionnels quant à cette obligation de souscrire une assurance personnelle et une assurance au nom de la société d’exercice s’explique aisément.

Ni les dispositions de la loi relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (article 16 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990) ni celles de la loi relative aux société civiles professionnelles (article 16 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 ) ne prévoit expressément une obligation pour la société d’exercice et le ou les professionnels exerçants de contracter une police d’assurance de responsabilité civile professionnelle.

Si l’article 16 de chacune des lois prévoit que :

  • Chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il réalise ;
  • La société est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes.

La loi de 1990 relative aux SEL est silencieuse quant à une quelconque obligation d’assurance de la société, alors que la loi de 1966 régissant les SCP prévoit une obligation d’assurance alternative entre les associés et la société.

Le troisième alinéa de l’article 16 de la loi de 1966 est, en effet, rédigé comme suit :

« La société ou les associés doivent contracter une assurance de responsabilité civile professionnelle, dans les conditions prévues par le décret particulier à chaque profession. »

La conjonction de coordination « ou » devrait sans aucun doute être remplacée par « et », dans la mesure où la seule assurance du professionnel est insuffisante, la société devant nécessairement contracter sa propre assurance. C’est d’ailleurs ce que rappelle l’article R. 4113-77 du Code de la santé publique prévoyant que « Il appartient à la société de justifier de l’assurance de responsabilité prévue par le deuxième alinéa de l’article 16 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles. »

Dans ces conditions, certains professionnels considèrent qu’il suffit d’assurer la société au sein de laquelle ils exercent ou, à l’inverse, d’assurer uniquement les praticiens exerçants.

 

Une méconnaissance lourde de conséquences

Contrairement à ce que certains pourraient penser, la création d’une société d’exercice ne constitue pas une protection absolue contre les éventuelles actions qui pourraient être engagées contre vous, professionnels. En effet, si la société a vocation à intervenir, elle ne sera que solidairement responsable en cas de mise en cause de votre responsabilité civile professionnelle en lien avec la prise en charge d’un patient qui vous reprocherait un manquement dans la délivrance des soins, le professionnel demeurant responsable des actes accomplis dans l’exercice de sa profession.

Dans un arrêt du 31 mars 2015 (CA Douai, Chambre sociale, n°97/15) la Cour d’appel de Douai est ainsi venue confirmer que l’absence de mise en cause de la société d’exercice libéral n’entachait pas l’action d’irrecevabilité, le praticien demeurant responsable sur l’ensemble de son patrimoine personnel des conséquences dommageables subies par le patient dans le cadre de ses actes et la société n’étant que solidairement responsable avec lui et ce, sur le fondement de l’article 16 de la loi du 31 décembre 1990.

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui, dans un arrêt désormais ancien du 15 décembre 2011 (Civ. 1ère 15 décembre 2011, n°10-24.550), avait jugé :

« Vu l’article 16, alinéas premier et deuxième, de la loi du 29 novembre 1966 modifiée relative aux sociétés civiles professionnelles ;


Attendu, aux termes de ce texte, que chaque associé répond, sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit et que la société civile professionnelle est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes ; qu’il en résulte que l’action en responsabilité peut indifféremment être dirigée contre la société ou l’associé concerné, ou encore contre les deux ; »

Naturellement, la société qui serait seule mise en cause et viendrait à indemniser un patient pourra engager une action récursoire contre le professionnel concerné.

La constitution d’une société ne vous déchargeant aucunement de votre propre responsabilité professionnelle, vous ne pouvez vous exonérer de la souscription d’une assurance civile professionnelle.

 À cet égard, il convient de garder à l’esprit qu’en ne souscrivant pas une police d’assurance à votre nom, vous vous exposez, à trois risques :

Le premier, d’ordre financier, dans l’hypothèse où vous seriez condamné par une juridiction à indemniser un patient ayant subi un préjudice en lien direct et certain avec votre prise en charge ou encore dans le cas, où vous verriez opposer un avis défavorable d’une commission de conciliation et d’indemnisation retenant un défaut dans la réalisation de vos actes ;

Le deuxième, d’ordre disciplinaire, un tel défaut assurantiel pouvant vous être reproché dans les juridictions ordinales ;

Le troisième, d’ordre pénal, l’article L. 1142-25 du Code de la santé publique prévoyant expressément que le manquement à l’obligation d’assurance à laquelle est tenu le professionnel est puni de 45 000 euros d’amende, cette dernière pouvant être assortie d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercice. Cette peine est portée à la connaissance du Directeur général de l’Agence régionale de santé chargé d’en informer les organismes d’assurance maladie.

De la même manière, la structure d’exercice qu’il s’agisse d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libérale, ne saurait se cacher derrière ses associés. En effet, la société peut être mise en cause à deux titres.

Tout d’abord et comme nous l’avons déjà évoqué, au soutien d’un de ses associés, cette dernière pouvant être appelée en garantie dans le cadre d’une action dirigée contre l’un ou plusieurs d’entre eux, étant solidairement responsable des conséquences dommageables de leurs actes.

Ensuite, à titre personnel, lorsque l’action est dirigée directement contre elle. Ainsi, la société employeur pourra voir sa responsabilité engagée du fait de ses salariés.

 

Soyez donc vigilants, en matière de responsabilité civile professionnelle, votre responsabilité ne se limite pas aux apports, vous restez personnellement responsable de l’ensemble des actes accomplis dans l’exercice de votre art. Que vous exerciez à titre individuel ou en SEL, vous devez vous assurer personnellement. Mais si vous choisissez l’exercice en société, n’oubliez pas de souscrire une assurance propre à cette structure.

 

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.