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Dans un cadre budgétaire contraint, et en vue d’une gestion dynamique, des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ont procédé à leur fiscalisation, tant s’agissant de la TVA, notamment en cas d’investissement à venir, que des impôts commerciaux afin de bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi[1].

 

1- Au préalable, il convient de rappeler que les critères d’assujettissement à la TVA et d’assujettissement aux impôts commerciaux sont distincts.

 

2- S’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l’article 256 B du Code général des Impôts dispose que :

« Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. »

Il résulte de ces dispositions que les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, sauf si leur non-assujettissement conduit à des distorsions de concurrence.

Ainsi, le critère permettant de solliciter l’assujettissement à la TVA d’un établissement public réside dans la démonstration d’une concurrence avec le secteur privé.

La notion de concurrence à laquelle il convient de se référer pour savoir si un organisme de droit public est ou non assujetti à la TVA s’apprécie dans un cadre qui peut dépasser les limites territoriales de la circonscription dans laquelle s’exerce son activité. Il convient donc, suivant les cas, de situer au plan communal, départemental, ou même national, le domaine concurrentiel. Celui-ci peut, en effet, varier en fonction du champ d’action géographique de l’organisme concerné, de l’étendue du marché ou de la clientèle vers laquelle son activité est orientée.

De plus, le caractère concurrentiel de l’activité d’un organisme public ne peut être établi que par rapport à la même activité ou une activité semblable au titre de laquelle les entreprises privées sont soumises à la taxe. Il s’ensuit que l’organisme de droit public exerçant la même activité qu’un organisme de droit privé exonéré ne doit pas être recherché en paiement de la TVA.

À cet égard, il convient de préciser que l’administration fiscale, dans le cadre de sa doctrine publiée, indique que la non-concurrence est présumée pour certaines activités : tel est le cas des opérations étroitement liées à l’assistance sociale au regard de leur caractère social très marqué, de l’hospitalisation et des soins médicaux, pour lesquels les établissements privés bénéficient d’une exonération sur le fondement de l’article 261.4.1° du CGI[2]…..

Si toutefois, il peut être démontré qu’un EHPAD public est bien-fondé à solliciter son assujettissement à la TVA au regard de la concurrence constatée, il faut bien avoir conscience des risques y afférents, et notamment en matière de coopération sanitaire et médico-sociale.

En effet, nombreux groupements de coopération sanitaire et groupements de coopération sociale et médico-sociale ont précisé, dans le cadre de leurs conventions constitutives, vouloir bénéficier de l’exonération de TVA prévue à l’article 261 B du CGI[3] et relative aux prestations de services effectuées par le groupement au bénéfice de ses membres.

Le bénéfice de cette exonération est subordonné au respect de conditions cumulatives, dont celle liée au fait que « les services rendus par un GAP [groupement public autonome] dont les membres exercent également des activités imposables peuvent bénéficier de cette exonération, mais seulement dans la mesure où ces services sont directement nécessaires pour les activités exonérées desdits membres ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti. » (CJUR, 4 mai 2017, aff. C-274/15 Commission c/ Luxembourg).

Ainsi, l’assujettissement d’un EHPAD public à la TVA s’agissant de ses prestations de dépendance et d’hébergement (la prestation de soins restant hors champ d’application de la TVA) pourrait, soit entrainer l’assujettissement de l’entier groupement à la TVA, soit entrainer son éviction si le groupement souhaite continuer à bénéficier de l’exonération prévue à l’article 261 B du CGI.

 

3- S’agissant de l’impôt sur les sociétés, l’article 206 du CGI dispose que :

« 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l’impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (…) les établissements publics, les organismes de l’État jouissant de l’autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. »

Faisant application de ces dispositions, le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 10 juin 2012, Commune de La Ciotat (n° 341410) que :

« Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l’article 206 du code général des impôts et de l’article 1654 du même code qu’une régie d’une collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n’est pas passible de l’impôt sur les sociétés si le service qu’elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d’une exploitation à caractère lucratif ; qu’il résulte des dispositions du 6° du 1 de l’article 207 du code général des impôts que si le service qu’elle gère relève d’une exploitation à caractère lucratif, elle ne bénéficie de l’exonération d’impôt sur les sociétés que si la collectivité territoriale a le devoir d’assurer ce service, c’est-à-dire si ce service est indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l’ensemble des habitants de la collectivité territoriale ; »

En d’autres termes, sont considérées comme lucratives les activités qui pourraient être réalisées dans des conditions similaires par des organismes du secteur concurrentiel. À l’inverse, les opérations réalisées afin de satisfaire l’intérêt général (notamment afin de satisfaire un besoin non pris en compte par le secteur privé), et qui ne pourraient être réalisées selon les mêmes modalités par des entreprises commerciales ne sont pas lucratives.

Par conséquent, les seuls critères à retenir afin de déterminer le caractère lucratif ou non d’une personne morale de droit public sont, d’une part, l’objet du service, et d’autre part, les conditions particulières dans lesquelles celui-ci est rendu (voir également en ce sens CE, 10 octobre 2014, n° 360281).

Dans le cadre d’une demande d’assujettissement aux impôts commerciaux, sera donc examiné par l’administration fiscale, conformément à sa doctrine[4], un faisceau d’indices : le produit proposé, le public visé et le prix pratiqué (le critère de la publicité n’étant pas nécessairement significatif).

Pour l’heure, l’administration fiscale n’est pas encline à considérer que l’activité d’un établissement public d’hébergement pour personnes âgées dépendantes constitue une activité lucrative.

En effet, elle considère que :

  • S’agissant des prestations d’hébergement (les prestations de soins et de dépendances étant identiques), les établissements privés lucratifs rendent un service différent, allant au-delà du socle minimum prévu par le décret n° 2016-1164 du 26 août 2016 ;
  • Le public visé serait différent, les établissements publics étant habilités à 100 % à l’aide sociale ;
  • S’agissant du prix pratiqué, le prix d’hébergement est librement fixé au sein des établissements privés lucratifs non habilités à l’aide sociale, et la différence de montant étant significative.

Reste à voir quelle sera la position des juridictions administratives, d’autant plus dans un contexte dans lequel les Conseils départementaux entendent se désengager de l’aide sociale.

Quoi qu’il en soit, la prudence est de mise, et la fiscalisation d’un établissement public nécessite avant toute chose un audit préalable sérieux et l’établissement d’une « balance » avantages / inconvénients.

[1] Article 244 quater C CGI : « I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 duodecies à 44 sexdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt ayant pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. »

[2] Article 261 CGI : « Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…)

  1. (Professions libérales et activités diverses) :

1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d’ostéopathe, de chiropracteur, de psychologue ou de psychothérapeute et par les psychanalystes titulaires d’un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d’analyse de biologie médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes ;

1° bis les frais d’hospitalisation et de traitement, y compris les frais de mise à disposition d’une chambre individuelle, dans les établissements de santé privés titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 du code de la santé publique ;

1° ter les soins dispensés par les établissements privés d’hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l’article L. 174-7 du code de la sécurité sociale ; (…) »

[3] Article 261 B CGI : « Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti sont exonérées de cette taxe à la condition qu’ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes. »

[4] BOI-IS-CHAMP-10-60-20130304 n° 90

Ayant une parfaite maîtrise et connaissance du droit de la responsabilité administrative, civile et pénale ainsi qu’une fine connaissance de la procédure par son expérience en juridiction, elle met aujourd’hui son expertise au service d’établissements publics de santé et d’établissements publics de l’Etat à résonance nationale. À titre d’exemple, elle conseille et accompagne plusieurs établissements publics sur des problématiques d’amiante aux côtés de maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet.

Aux côtés, de Maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet, elle pratique régulièrement le droit pénal tant devant les juridictions d’instruction, notamment au pôle santé et financier du Tribunal de Grande Instance de Paris, que devant les juridictions de jugement pour des affaires d’homicides et blessures involontaires, de mise en danger de la vie d’autrui, ainsi qu’une activité de conseil et de représentation en justice en droit la presse (diffamation, droit de réponse et rectification & loi 29 juillet 1881)..

Elle accompagne également les établissements publics de santé, les groupements établis dans le domaine sanitaire, et les établissements publics de l’État dans leurs relations avec l’administration fiscale et le conciliateur fiscal en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée, d’Impôt sur les sociétés, de Taxe foncière….. Elle apporte enfin son expertise en matière de restructurations sanitaire et médico-sociale (fusion, transfert d’activité, coopération) s’agissant des questions spécifiques de fiscalité.