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claude
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La date du 15 septembre 2018 sera à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la télémédecine dans notre pays. Les actes de téléconsultation sont maintenant remboursés à l’ensemble des patients. Pour autant, ce remboursement n’interviendra pas dans n’importe quelles conditions. Si la téléconsultation est susceptible de faciliter l’accès aux soins, l’accès direct à une cabine installée dans le supermarché ou l’acte réalisé à 300 Kms du patient par un médecin installé sur une plateforme anonyme ne pourra pas faire l’objet d’un remboursement au patient. La téléconsultation doit s’inscrire dans le parcours de soins coordonné ou dans le cadre d’une organisation territoriale coordonnée.

 

L’article 54 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoyait que les négociations conventionnelles entre les organismes d’assurance maladie et les organisations professionnelles devaient permettre de définir « le tarif et les modalités de réalisation des actes de télémédecine, définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique ». L’arrêté du 1er aout 2018, paru au Journal Officiel le 10 aout, en approuvant l’avenant 6 à la convention médicale a permis, qu’à compter du 15 septembre, l’ensemble des patients puissent bénéficier du remboursement des actes de téléconsultation réalisés par les médecins libéraux conventionnés, les médecins des centres de santé ainsi que les médecins des établissements de santé dans le cadre des consultations externes. Les pratiques de télémédecine font désormais partie des pratiques normales de la médecine et ne nécessitent plus d’autorisation des Agences régionale de santé[1].

Le remboursement de la téléconsultation par l’assurance maladie est soumis à diverses obligations

La téléconsultation consiste en ce qu’un médecin dit « téléconsultant » donne, quel que soit sa spécialité médicale, une consultation à distance à un patient, ce dernier pouvant, le cas échéant, être assisté par un autre professionnel de santé. La téléconsultation doit obligatoirement être réalisée par vidéotransmission. En d’autres termes, ce ne peut être une consultation par téléphone, que cet entretien téléphonique soit réalisé par le médecin traitant ou dans le cadre d’une plateforme.

L’opportunité du recours à une téléconsultation est appréciée au cas par cas par le médecin. La décision de recourir à une téléconsultation est donc une décision médicale et le patient ne peut décider seul d’y recourir. Le patient doit être informé des conditions de réalisation de la téléconsultation et avoir donné son consentement avant la réalisation de l’acte.

La téléconsultation sera facturée par le médecin téléconsultant au même tarif qu’une consultation en « présentiel » et les majorations prévues conventionnellement pourront s’y ajouter dans les mêmes conditions.

Dans les établissements de santé, les téléconsultations seront facturées dans le cadre des consultations externes. Elles ne pourront être facturées directement à l’Assurance Maladie pour un patient hospitalisé dont le tarif du séjour est réputé couvrir la totalité des charges. La prise en charge de la téléconsultation sera, dans ce cas, assurée conformément au régime des prestations inter-établissement[2].

Pour pouvoir ouvrir droit à la facturation des actes de téléconsultation à l’Assurance Maladie, deux situations sont envisagées :

  • Le patient a un médecin traitant et la téléconsultation s’inscrit dans le respect du parcours de soins coordonnés[3].
  • Le patient ne dispose pas de médecin traitant désigné ou celui-ci n’est pas disponible avec le délai compatible avec l’état de santé du patient.

Dans le cadre du parcours de soins coordonnés, la téléconsultation peut être réalisée par le médecin traitant, sinon, c’est lui qui oriente le patient. Le médecin « téléconsultant » doit alors connaître le patient, c’est-à-dire que le patient a bénéficié d’une consultation avec lui en « présentiel » dans les douze mois précédents afin que le « téléconsultant » dispose des informations nécessaires à la réalisation d’un suivi médical de qualité. Dans le cadre du suivi régulier des patients, le recours à la téléconsultation doit s’effectuer en alternance avec des consultations en « présentiel » au regard des besoins du patient et de l’appréciation du médecin.

Toutefois, l’avenant 6 à la convention médicale reconnait des exceptions au parcours de soins coordonné. C’est le cas des patients âgés de moins de 16 ans ainsi que pour les consultations en accès spécifique[4]. L’exigence du respect de ce parcours de soins ne s’applique pas non plus aux patients qui ne disposent pas de médecin traitant désigné ou « dont le médecin traitant n’est pas disponible dans le délai compatible » avec l’état de santé du patient. Dans ces deux dernières situations, le « téléconsultant » n’a pas nécessairement à être connu patient. Le recours aux téléconsultations est alors assuré dans le cadre d’une organisation territoriale coordonnée.

La téléconsultation doit s’organiser dans les territoires  

Il est donc possible à un patient ne pouvant avoir accès à un médecin de pouvoir bénéficier d’une consultation. Mais pour être remboursé par l’Assurance maladie, il est nécessaire que le recours à la téléconsultation se fasse dans le cadre d’une organisation territoriale. Si on s’en tient à l’accord conventionnel, le remboursement ne pourra intervenir lorsque la téléconsultation est réalisée par une plateforme déconnectée de cette organisation territoriale.

Nous disposons dans notre arsenal législatif et réglementaire de plusieurs formes d’organisation assurant la coordination des professionnels de l’offre de soins ambulatoire dans les territoires : les équipes de soins primaires, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les maisons de santé pluri professionnelles (MSP), les centres de santé[5]. Les actes de téléconsultation, qui seront réalisés dans le cadre de ces structures, seront remboursés même si le téléconsultant ne connait pas préalablement le patient.

Chaque territoire est particulier. Il n’existe pas de modèle d’organisation territoriale d’accès aux soins. Pour permettre le déploiement de la télémédecine dans les territoires d’autres formes d’organisation peuvent être mises en œuvre associant, par exemple les professionnels libéraux avec les établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux mais aussi, éventuellement les collectivités territoriales.

Pour garantir le remboursement des actes de téléconsultation effectués dans le cadre de ces derniers modes d’organisation, les commissions paritaires locales[6] ou régionales[7] devront valider l’organisation proposée « afin de vérifier si celle-ci répond à l’organisation territoriale souhaitée ».

La téléconsultation est un acte médical qui doit répondre à des exigences de qualité

Ce n’est pas parce que les nouvelles technologies ont considérablement facilité la communication à distance qu’on peut utiliser n’importe quelle technique pour réaliser la téléconsultation. Le professionnel de santé ne peut s’affranchir de la confidentialité qu’il doit au patient ainsi que de la protection de ses données personnelles. Certaines applications grand public n’apportent pas toujours les garanties qu’un patient est en droit d’attendre lorsqu’il s’agit de la transmission de ses données médicales. Les outils utilisés pour la téléconsultation doivent répondre à des exigences réglementaires ou qui ont été formulées dans les référentiels ou les cahiers des charges qui émanent des diverses autorités concernées.

La téléconsultation doit par ailleurs être réalisée dans un lieu qui permet de protéger cette confidentialité des échanges entre le patient et le médecin téléconsultant.

L’acte de consultation doit faire l’objet d’un compte rendu établi par le médecin téléconsultant qu’il archive dans son propre dossier patient et dont il transmet un exemplaire au médecin traitant ou au médecin qui a sollicité l’acte. Lorsque le dossier médical partagé (DMP) du patient est ouvert, le compte rendu doit y être intégré.

La téléexpertise va être développée par étapes

La téléexpertise a pour objet de permettre à un professionnel médical appelé « médecin requérant » de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux, (« médecins requis ») en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient[8].

Si le recours à la téléexpertise est apprécié au cas par cas par le « médecin requérant », l’opportunité de sa réalisation relève de la responsabilité du « médecin requis ».

Tout en affirmant avoir pour objectif de permettre à tous les patients de bénéficier de la téléexpertise, les partenaires conventionnels se sont accordés pour procéder par étapes « afin que le déploiement de la téléexpertise s’effectue dans les meilleurs conditions possibles ». Elle ne sera ouverte qu’à partir de février 2019 et ce n’est qu’à l’issue de la première étape et au regard de l’observation du recours aux actes de téléexpertise, avant la fin de 2020, que le calendrier de déploiement sera défini.

La première étape ouvrira l’accès à la téléexpertise aux patients au regard de leur état de santé ou de leur situation géographique. Ainsi, au cours de cette première étape, pourront bénéficier de la téléexpertise dans le cadre de la convention entre l’assurance maladie et les syndicats professionnels :

  • Les patients en affection de longue durée (ALD)
  • Les patients atteints de maladies rares
  • Les patients résidants en zones sous denses caractérisées par une offre de soins insuffisante[9]
  • Les patients résidants en EHPAD ou dans des structures médico-sociales
  • Les patients détenus.

En conclusion

Le remboursement des actes de téléconsultation devrait contribuer à faciliter l’accès aux soins. Toutefois, le développement de la télémédecine ne peut échapper aux modalités de prise en charge qui, progressivement, ont, au cours de ces dernières années, structuré l’organisation de l’offre de soins. La téléconsultation doit aujourd’hui s’intégrer dans une démarche structurée que ce soit entre le médecin traitant et le patient, que ce soit dans le cadre d’une organisation territoriale coordonnée. D’une certaine manière, la téléconsultation peut aussi permettre d’accélérer cette coordination entre les différents acteurs du système de santé au sein des territoires. Il appartient aux différents acteurs concernés de prendre les initiatives qui permettront de construire ces organisations coordonnées.

[1] Voir le décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine.

[2] Une information dédiée aux établissements de santé en complément d’une notice ATIH devrait être prochainement publiée par la DGOS.

[3] Les différentes modalités du Parcours de soins coordonnés sont définies à l’article 18.1 de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 aout 2016 (Arrêté du 20 octobre 2016, JO du 23 octobre 2016)

[4] Voir article 17 de la convention médicale.

[5] Afin de pouvoir rentrer sur le marché de la télémédecine, on voit aujourd’hui des sociétés privées pousser indirectement à la création de centres de santé pour permettre que leurs actes soient remboursés par l’Assurance maladie. La solidité juridique de cette démarche mériterait une analyse juridique précise que nous ne pouvons traiter ici.

[6] Article 84 de la convention médicale de 2016

[7] Article 83 de la convention médicale de 2016

[8] Article R. 6316-1, CSP, 2°

[9] Ces zones sont arrêtées par le DGARS (article L. 1434-4, CSP)

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.