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article Marine
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La négociation dans les entreprises de moins de 50 salariés 

Si les organisations syndicales ont de part le préambule de 1946[1] vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles n’ont pas pour autant le monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective.

C’est ainsi que le rappelle le Conseil constitutionnel ce 21 mars 2018 validant la loi de ratification des ordonnances du 22 septembre et de celle du 20 décembre 2017 venant modifier le code du travail (Conseil constitutionnel, 21 mars 2018, n° 2018-761[2]).

Plus précisément, le Conseil constitutionnel a été amené à se pencher sur la constitutionnalité des nouvelles dispositions du code du travail révisant notamment intégralement les règles de négociation applicables dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.

L’objectif visé par ces nouvelles dispositions est de favoriser, au sein des petites entreprises, un véritable dialogue social entre l’employeur et les salariés.

En effet, antérieurement, les dispositions étaient des plus complexes et faisaient appel pour l’essentiel au mécanisme du mandatement dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, c’est-à-dire la possibilité de négocier des accords avec des personnes mandatées par des organisations syndicales représentatives.

Ainsi, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, il était laissé la possibilité de négocier les accords d’entreprise ou d’établissement avec :

  • des représentants élus ou des délégués du personnel expressément mandatés à cet effet par une organisation syndicale représentative sur l’ensemble des mesures pouvant être négocié par accord ;
  • des représentants élus du personnel titulaires non mandatés mais uniquement sur des mesures dont la mise en œuvre était subordonnée par la loi à un accord collectif et uniquement en l’absence de représentant élu du personnel mandaté tel que visé précédemment.

Enfin, selon l’ancienne disposition, si aucun représentant élu du personnel n’avait manifesté son souhait de négocier, ou notamment dans les entreprises de moins de 11 salariés, les accords d’entreprise ou d’établissement pouvaient être négociés directement par un ou plusieurs salariés mais sous réserve de leur mandatement à cet effet par une organisation syndicale représentative.

Par conséquent, les organisations syndicales conservaient un rôle prédominant dans les négociations dans les petites entreprises au travers du dispositif du mandatement. Toutefois, selon le législateur, ce recours obligatoire au mandatement ne fonctionnait pas ou mal[3], d’où la volonté du Gouvernement de trouver une solution.

Ainsi, dans le souci de favoriser les négociations dans les petites entreprises, de nouvelles dispositions permettent désormais, et ce sur tous les thèmes ouverts à la négociation collective, de négocier un accord :

  • directement avec les salariés dans les entreprises de moins de 11 salariés ou de moins de 20 salariés dépourvues de membre de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE). L’accord est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel.
  • au choix de l’employeur: soit avec un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale représentative, soit par un ou plusieurs membres de la délégation du personnel du CSE, mandatés ou non dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l’absence de délégués syndicaux.

Pour certains députés, ces dispositions méconnaissent le principe de participation des travailleurs par l’intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises et porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale.

S’agissant des entreprises de 11 à 49 salariés, il est fait notamment grief à ces dispositions de n’instituer aucune priorité en faveur des salariés mandatés par une organisation syndicale et de laisser ainsi à l’employeur le choix unilatéral de son interlocuteur pour négocier un accord d’entreprise.

C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a été amené à rappeler[4] que les organisations n’ont pas le monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective. Il écarte donc ces contestations et retient la conformité des nouvelles dispositions à la Constitution.

Notons que cet assouplissement des règles de négociations dans les petites entreprises peut avoir un rayonnement important. Les entreprises de 1 à 49 salariés représentent environ 97% des entreprises avec du personnel en France en 2015[5], 40 % des salariés y travaillent en France en 2010[6].

[1] Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale … ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises »

[2] http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2018/2018-761-dc/decision-n-2018-761-dc-du-21-mars-2018.150823.html

[3] Rapport sur le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social, déposé à l’assemblée nationale le 9 novembre 2017 Par M. Laurent PIETRASZEWSKI, Député.

[4] sur l’absence de monopole des syndicats en matière de négociation collective : Décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996

[5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2569434?sommaire=2587886

[6] http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/statistiques-de-a-a-z/article/l-emploi-par-taille-d-entreprise

Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.

Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.

Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans  les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels,  leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.

Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).