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Les règles relatives à la caducité des autorisations font régulièrement l’objet de contentieux. Ces règles ont évolué au cours de ces dernières années. Elles viennent de faire l’objet d’un assouplissement pour les autorisations qui seront accordées à compter du 1er juillet 2018.

Le critère matériel de caducité

Jusqu’à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) énonçait que l’autorisation était réputée caduque si elle n’avait pas reçu un commencement d’exécution dans un délai fixé par décret à compter de sa date de notification.

Ce décret, codifié à l’article D. 313-7-2 du CASF disposait que ce délai était de trois ans. Le commencement d’exécution y était caractérisé par « tout élément de réalisation tendant à rendre l’autorisation effective ». Une telle formulation était donc particulièrement imprécise et donnait lieu à diverses interprétations.

En outre, ces dispositions avaient pour effet délétère d’entraîner le blocage des crédits destinés au financement de projets pour lesquels un commencement d’exécution avait été constaté mais qui, in fine, ne donnaient pas lieu à une installation effective de places. L’autorisation ne pouvant être retirée, ces crédits affectés ne pouvaient être redéployés sur d’autres projets, ce qui était de nature à freiner la mise en œuvre de création de places[1].

L’article 89 de la loi 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 a modifié l’article L. 313-1 du CASF : « Toute autorisation est réputée caduque si l’établissement ou le service n’est pas ouvert au public dans un délai et selon des conditions fixées par décret ».

Depuis le 1er janvier 2017, le critère retenu pour apprécier la caducité d’une autorisation est la non-ouverture au public et non plus l’absence de commencement d’exécution. Le délai de mise en œuvre d’une autorisation a de ce fait été raccourci.

Les conditions de la caducité

Le décret n° 2017-1620 du 28 novembre 2017 est venu préciser les conditions de cette caducité en modifiant l’article D. 313-7-2 du CASF.

Le point de départ de la caducité est toujours la notification de l’autorisation. Le délai avant lequel l’établissement ou le service doit être ouvert au public, à défaut de quoi, l’autorisation est réputée caduque est de quatre ans après la notification.

La décision d’autorisation peut toutefois fixer un délai inférieur « lorsque le projet de l’établissement ou du service ne nécessite pas la construction d’un immeuble bâti ou des travaux sur des constructions existantes soumis à permis de construire ». Ce délai, qui peut être mentionné dans l’avis d’appel à projet, est déterminé en fonction de l’importance du projet et de la nature des prestations fournies. Il ne peut être inférieur à trois mois.

L’article D. 313-7-2 du CASF prévoit des exceptions à ces délais.

C’est ainsi que si la personne physique ou morale détentrice de l’autorisation a saisi la ou les autorités compétentes deux mois avant la date d’ouverture prévue, conformément aux dispositions de l’article D. 313-11 du CASF, et que l’ouverture au public est faite hors délai, l’autorisation n’est pas considérée comme caduque.

Il est par ailleurs prévu deux possibilités de prorogation en cas d’absence d’ouverture au public : le délai peut être prorogé dans la limite de trois ans pour un motif qui ne serait pas imputable à l’organisme gestionnaire ou dans la limite d’un an lorsque l’ouverture de la capacité autorisée est en mesure d’être achevée dans ce délai.

La procédure relative à la caducité

La personne physique ou morale titulaire de l’autorisation doit adresser la demande de prorogation à l’autorité ou aux autorités compétentes par tout moyen permettant d’attester de la date de sa réception au plus tard deux mois avant l’expiration des délais de caducité. La demande est accompagnée de tout document justificatif.

Le défaut de réponse de l’administration dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande vaut prorogation.

La caducité est constatée par l’autorité ou les autorités dans un délai de deux mois suivant le délai initial ou le délai prorogé, le cas échéant. La décision constatant la caducité est publiée et notifiée dans les mêmes conditions que l’autorisation.

Un assouplissement des règles de caducité qui n’évitera pas tous les contentieux

La formulation de l’article L. 313-1 du CASF, ne permettait pas toutefois d’apprécier une situation où l’autorisation n’aurait été que partiellement mise en œuvre au moment de l’échéance de caducité.

L’article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018[2] a modifié l’article L. 313-1 du CASF en permettant que les règles de caducité des autorisations ne concernent qu’une partie de l’autorisation : « Toute autorisation est, totalement ou partiellement, réputée caduque si tout ou partie de l’activité de l’établissement ou du service n’est pas ouverte au public dans un délai et selon des conditions fixées par décret ».

Ce régime de caducité partielle, calqué sur celui en vigueur pour les autorisations sanitaires[3] instaure plus de souplesse dans la mise en œuvre des autorisations médico-sociales, en particulier pour celles regroupant plusieurs installations et/ou sites distincts, dont certains ne seront finalement pas ouverts au public. La caducité partielle permettra que les crédits « fléchés » vers ces projets puissent être réaffectés au financement d’autres projets[4].

Un décret daté du 29 juin 2018 (Décret n° 2018-552) en précise donc les modalités inscrites au I bis et au V de l’article D 313-7-2, une nouvelle fois modifié.

Pour les autorisations qui seront accordées à compter du 1er juillet 2018, le nouveau décret distingue les situations où l’autorisation concerne plusieurs sites d’implantation dont l’un ou plusieurs de ses sites n’ont pas été ouverts au public. Dans ce cas, l’autorisation est réputée caduque à l’issu des délais de caducité uniquement pour le ou les sites qui n’ont pas été ouverts.

Il en est de même lorsque l’autorisation distingue plusieurs types de prestations ou de modes d’accueil et d’accompagnement prévus au dernier alinéa du I de l’article L 312-1[5] (cf. I bis de l’article D 313-7-2).

Le titulaire de l’autorisation a également la possibilité de demander une réduction de la capacité autorisée en saisissant l’autorité administrative au plus tard deux mois avant l’expiration du délai de caducité cette réduction lui étant acquise si aucune décision ne lui est notifiée dans les deux mois suivant la réception de sa demande (cf. V de l’article D 313-7-2).

Le régime de caducité partielle, prévu au I bis de l’article D 313-7-2 coexiste donc avec le régime de caducité totale prévu au I, lequel est applicable lorsque l’acte d’autorisation ne fait pas de distinction entre plusieurs sites ou plusieurs types de prestations ou de modes d’accompagnement.

Ce faisant, les autorités de tutelles (ARS et Conseils Départementaux) risquent d’être confrontées à un dilemme pour les autorisations relevant du champ de l’accompagnement des personnes handicapées et des malades chroniques. En effet, la nouvelle nomenclature des établissements et services issue du décret n°2017-982 du 9 mai 2017, de même que les instructions ministérielles[6] les encouragent à délivrer des autorisations dites « d’accompagnement global », valables pour l’ensemble des formes d’accueil et d’accompagnement prévues au dernier alinéa du I de l’article L 312-1 et qui ne distinguent plus de capacités dédiées aux différentes formes d’accompagnement. Cette souplesse – bienvenue – accordée lors de la délivrance de l’autorisation pourrait toutefois se transformer en rigidité lors de la mise en œuvre du projet, dans l’hypothèse où la totalité des places autorisées ne seraient pas ouvertes au public à l’expiration du délai de caducité. En l’absence de distinctions, la caducité partielle ne pourra être constatée. Certes, il restera la possibilité de prononcer une réduction de la capacité autorisée, mais encore faudra-il que le titulaire de l’autorisation en fasse la demande.

S’agissant de l’application dans le temps des nouvelles dispositions, les décisions d’autorisation pour lesquelles une demande a été déposée avant le 1er juillet 2018 ou pour lesquelles une procédure d’appel à projet a été engagée avant cette date continueront d’être régies par les dispositions telles qu’elles étaient définies dans la rédaction de l’article D. 313-7-2 avant la publication de ce décret.

Si ce régime transitoire est fondé sur le principe de non rétroactivité du règlement, il laisse planer à l’avenir des risques de contentieux concernant des autorisations qui seront accordées après le 1er juillet alors que la procédure d’appel à projet aura été engagée avant cette date et qui n’auraient pas ouvert au public la totalité de leur autorisation au bout des quatre années suivant la notification de l’autorisation.

La non-application du décret du 29 juin 2018 à ces situations apparaît discutable à un double titre.

D’une part, le dépôt d’une demande ou l’engagement d’une procédure d’appel à projet ne semblent pas être des circonstances suffisantes pour considérer que la situation du titulaire de l’autorisation est « définitivement constituée » au sens de la jurisprudence[7] et de l’article L 221-4 du code des relations entre le public et l’administration[8].

D’autre part, l’impératif de sécurité juridique censé sous-tendre ce régime transitoire n’apparaît pas évident dans la mesure où les nouvelles dispositions réglementaires sont incontestablement plus favorables aux titulaires d’autorisation, lesquels peuvent par conséquent être enclins à en demander l’application immédiate.

Une procédure expérimentale dans certaines régions

Le décret du 29 juin autorise, par ailleurs, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, les présidents des conseils départementaux des départements situés dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur à prendre des décisions dérogeant aux seuils d’extension définis à l’article D. 313-2 du code de l’action sociale et des familles pour les projets d’autorisation relevant de la compétence exclusive du président des conseil départemental ou conjointe avec le directeur général de l’agence régionale de santé. Ce décret fixe également les conditions, les modalités de mise en œuvre et d’évaluation de ce dispositif.

Cette disposition est, concernant les établissements et services sociaux et médico-sociaux, le pendant du décret n° 2017-1862 du 29 décembre 2017 qui a donné aux directeurs généraux d’ARS de ces mêmes régions la possibilité de déroger notamment aux normes pour les décisions d’autorisation prises sur le fondement de l’article L. 313-1-1 du CASF.

La dérogation intervient lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie et pour tenir compte des circonstances locales. Elle doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France et ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, et/ou de porter une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

[1] Cf. Rapport AN sur le PLFSS 2017 n°4151 du 19 oct. 2016, p.43 et 44 et l’étude d’impact du PLFSS 2017, p. 354.

[2] Loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018

[3] Cf. article L 6122-11 du code de la santé publique.

[4] Cf. étude d’impact du PLFSS 2018, p. 389 et 390.

[5] Prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge. Accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat.

[6] Cf. Instruction n° DGCS/2018/18 du 22 janvier 2018 relative à l’application de la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux accompagnant des personnes handicapées ou malades chroniques.

[7] CE. Ass. 25 juin 1948, Sté du journal l’Aurore, n°94511.

[8] Art. L 221-4 du CRA : « Sauf s’il en est disposé autrement par la loi, une nouvelle réglementation ne s’applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date ».

 

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.