HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT : L’AVIS DU MINISTÈRE PUBLIC
Article rédigé le 12 juin 2024 par Marie COURTOIS
Cass, 1e Civ, 24 avril 2024, n°23-16.266, publié
Cass, 1e Civ, 24 avril 2024, n°23-18.590, publié
Lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi d’une demande de maintien ou de mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement, il est tenu de recueillir l’avis du ministère public. Dans deux décisions du 24 avril 2024, la Cour de cassation vient préciser cette exigence posée par l’article R.3211-15 du Code de la santé publique.
Les faits d’espèce de ces arrêts sont comparables :
- Dans le premier, une patiente a été admise en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, par décision du préfet. C’est elle qui demande, par requête la mainlevée de cette mesure.
- Dans le second, un patient a aussi été admis en soins psychiatriques sans consentement mais par décision du directeur d’établissement et à la demande d’un tiers et c’est le directeur d’établissement qui demande la poursuite de la mesure en saisissant le JLD.
Dans les deux affaires, le juge des libertés et de la détention ordonne le maintien de la mesure et les patients forment des pourvois en cassation. Plusieurs questions sont alors soulevées.
Le concours du ministère public peut-il se borner à l’apposition d’un simple visa sur le dossier procédural ?
Dans le premier arrêt rendu le 24 avril 2024, la patiente fait grief à l’ordonnance d’avoir statué sur le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans recueillir préalablement l’avis du ministère public sur cette question, pourtant requis par les articles R.3211-15 du code de la santé publique et 431 du code de procédure civile, lorsque ce dernier n’est pas partie principale à la procédure. Selon elle, le visa écrit du ministère public apposé sur le dossier ne constitue pas un véritable « avis » au sens de l’article 431 du code de procédure civile. En effet, le second alinéa de cet article n’envisage que deux options permettant au ministère public de « faire connaître son avis ». Il peut :
- Soit adresser des conclusions écrites, mises à la disposition des parties.
- Soit donner son avis oralement lors de l’audience.
En l’espèce, le ministère public n’a ni déposé de conclusions écrites, ni donner oralement son avis lors de l’audience : le demandeur au pourvoi en déduit, l’absence d’avis.
Ainsi, le pourvoi pose la question suivante : Le juge peut-il ordonner le maintien d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement alors même que le concours du ministère public se borne à l’apposition d’un visa sur le dossier procédural ?
La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 avril 2024, répond par l’affirmative à cette question. Au visa des articles R.3211-15 alinéa 5 et R.3211-21 alinéa 2, elle rejette le pourvoi. Les hauts magistrats considèrent qu’il faut déduire de ces textes que si le ministère public peut adresser à la juridiction des conclusions écrites mises à la disposition des parties ou donner son avis oralement, il peut aussi, lorsqu’il n’a pas d’observations à faire valoir, se borner à apposer son visa sur le dossier ou indiquer qu’il s’en rapporte. En l’espèce, puisque l’affaire avait été communiquée au ministère public et que celui-ci avait apposé son visa, le premier président, pouvait à bon droit, se prononcer sur le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.
Le visa apposé par le ministère public doit-il être communiqué aux parties ?
Dans ce premier arrêt, le pourvoi envisage l’hypothèse dans laquelle la cour reconnaîtrait dans l’apposition d’un visa, un avis du ministère public. Il considère que, même dans un tel cas, l’ordonnance fait toujours grief. En effet, ce visa constituant un avis, n’a été ni notifié ni mis à la disposition des parties afin qu’elles y répondent. Il en déduit une violation du principe de la contradiction visé par l’article 16 du Code de procédure civile.
Le visa apposé par le ministère public sur le dossier procédural, dès lors qu’il constitue un avis sur le maintien ou non d’une hospitalisation sans consentement, est-il soumis au contradictoire ? La réponse de la Cour est négative. Selon les hauts magistrats, un tel visa, n’ayant aucune influence sur la solution du litige et ne pouvant ainsi être assimilé à des conclusions écrites, n’a pas à être communiqué aux parties ou mises à leur disposition avant l’audience.
L’ordonnance du JLD doit-elle mentionner expressément que les conclusions écrites du ministère public ont été notifiées ou mises à la disposition des parties avant l’audience ?
Dans le second arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative à cette question et refuse ainsi un lourd formalisme consistant à rédiger, systématiquement, dans l’ordonnance, une incise indiquant que le ministère public a fait connaître son avis aux parties.
Dès lors, si les conclusions du ministère public doivent être mises à la disposition des parties, il n’est pas nécessaire qu’une phrase rédigée dans l’ordonnance confirme la réalisation de cette exigence. La cassation ne peut être prononcée que si les conclusions n’ont pas été, effectivement, mises à la disposition des parties, ce qui n’était pas démontré en l’espèce.
Etudiante en première année de master, Marie Courtois a rejoint le Cabinet HOUDART & Associés, en qualité de juriste, en septembre 2023.
En charge de la veille juridique et jurisprudentielle, elle met ses compétences rédactionnelles au service du cabinet. Attentive à l’actualité législative, règlementaire et jurisprudentielle liée au domaine médico-social, elle décrypte pour vous les derniers arrêts rendus par la Cour de cassation ou le Conseil d’État et les textes récents.