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La Lettre du Médico-social
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LA LETTRE Du médico-social #2
NOVEMBRE 2023

Me Laurine Jeune, Me Nicolas Porte, avocats associés, et Ann-Emmanuelle Louis, Anaïs Bakali, collaboratrices juristes du département médico-social, et Raphaël Cavan du département Santé Numérique du cabinet ont participé à la rédaction de cette lettre.

SOMMAIRE

ARCHIVES : RETROUVEZ NOS PRÉCÉDENTES DATACTU

L’ACTU BRÛLANTE

Article rédigé par Raphaël Cavan

Publication de la CNIL d’un référentiel sur les durées de conservation des données à caractère personnel dans le secteur médico-social

 

La Délibération n°2023-095 du 14 septembre 2023 de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (ci-après « CNIL ») parut au Journal officiel de la République du 15 novembre dernier a permis l’adoption d’un référentiel « durées de conservation » pour les traitements de données à caractère personnel les plus courants menés dans le secteur social et médico-social.

Les référentiels adoptés par la CNIL n’ont pas une valeur contraignante et ne sont pas opposables aux responsables de traitement dans le cadre de leurs activités. Ces derniers peuvent donc s’écarter des préconisations de ces référentiels, à condition toutefois de pouvoir justifier et documenter leur choix sous leur responsabilité.

L’objectif de ce référentiel est de pouvoir accompagner les responsables de traitement des organismes privés ou publics œuvrant dans le secteur social et médico-social dans leur mise en conformité aux règles posées par la réglementation générale sur la protection des données (« RGPD ») et ses grands principes en matière de gestion des données à caractère personnel prévus par l’article 5 de ladite réglementation, et en particulier celui de la limitation de la conservation des données.

En effet, la question de la détermination d’une durée de conservation des données à caractère personnel est un sujet épineux et complexe au cœur de la mise en conformité aux règles du RGPD, qui peut rapidement devenir un sacerdoce pour les responsables de traitement qui peinent à justifier leurs durées de conservation retenues lorsqu’aucune durée légale n’est posée par un texte de droit.

Pour cela, ce nouveau référentiel guide les responsables de traitement dans la détermination d’une durée de conservation opérationnelle et adaptée aux caractéristiques des traitements de données à caractère personnel menés par leurs établissements.

La CNIL souligne pour autant le caractère non-exhaustif de ce référentiel qui a pour objectif de couvrir les traitements les plus courants, tels que l’instruction, la gestion et le versement des prestations sociales légales.

Une fiche pratique dédiée à la détermination d’une durée de conservation pertinente accompagne ce référentiel et accompagne étape par étape le responsable de traitement dans la gestion des durées de conservation des données qu’il collecte pour les besoins de son activité et des services proposés par son établissement.

La CNIL n’est pas à son premier référentiel « sectoriel » visant le secteur social et médico-social, et avait déjà produit en mars 2021 un référentiel pour le suivi médico-social des personnes âgées, en situation de handicap, ou en difficultés, ainsi qu’un autre référentiel en février 2022 sur la protection de l’enfance et des majeurs de moins de 21 ans, ou encore en mai 2021 un guide pédagogique élaboré en lien avec l’Unaf (« Union nationale des associations familiales ») destiné à accompagner les professionnels du secteur social et médico-social dans leurs premières démarches de mise en conformité avec le RGPD.

Les deux référentiels précités comportaient déjà des durées de conservation, pour la plupart reprises dans ce nouveau référentiel, qui lui est entièrement consacré à la détermination de ces durées. Dès lors, ce nouveau référentiel a une vocation plus large que ceux préexistants dans la mesure où celui-ci abandonne la logique d’un référentiel visant une catégorie de personnes concernées par les traitements de données à caractère personnel (personnes âgées, personnes mineurs, …) pour adopter une vision plus structurelle et générale en visant les traitements les plus fréquents dans le secteur social et médico-social.

On note également que ce référentiel a été réalisé dans le cadre d’un groupe de travail social et médico-social en concertation avec différents acteurs institutionnels œuvrant quotidiennement auprès des professionnels des secteurs concernés. Nous retrouvons au sein de ce groupe l’Unaf, NEXEM, la Fédération des acteurs de la solidarité, et enfin le groupe social et médico-social social de l’association française des correspondants à la protection des données (AFCDP) auquel notre cabinet est membre.

La CNIL précise par ailleurs que l’objectif de ce groupe de travail est de « co-produire des outils (fiches pratiques, élaboration de mentions d’information, etc.) sur des thèmes précis (durées de conservation, information des personnes, registre des traitements, etc.) afin de faciliter la mise en œuvre de la réglementation en matière de protection des données personnelles pour l’ensemble des professionnels des secteurs ».

Nous ne pouvons donc qu’espérer que la CNIL et ce groupe de travail ne vont pas s’arrêter à ce référentiel et produiront dans le futur d’autres ressources à destination des acteurs concernés par le RGPD dans le social et/ou médico-social.

FOCUS DU MOIS

Articles rédigés par Ann-Emmanuelle Louis et Me Nicolas Porte

SPASAD expérimentaux : quelle transition vers les SAD mixtes ?

Depuis le 30 juin 2023, les services autonomie à domicile (SAD) créés par l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 (LFSS), vont remplacer progressivement, les ex-services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD).

Cette catégorie unique de service a été instituée afin d’impulser le développement d’une offre plus globale et coordonnée, à destination des bénéficiaires en perte d’autonomie.

Rappelons que dans leur version la plus intégrée, les SAD ont pour obligation de proposer à la fois une prise en charge en aide et une prise en charge en soins, aux personnes qu’ils accompagnent à domicile.

Des dispositions transitoires ont été prévues par le législateur afin d’accompagner la transformation des services existants.

Dans le prolongement de notre premier article interrogeant les modalités de  transition-pour-les-services-existants/ , nous poursuivons nos investigations, en passant au crible, cette fois, le régime juridique spécifique applicable aux ex SPASAD expérimentaux constitués par convention de coopération ou par groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS).

Les SPASAD expérimentaux sont-ils dans une zone grise juridique ?

Pour les SPASAD, les dispositions se veulent facilitantes.

Ces services, dont le législateur s’est largement inspiré pour créer le modèle cible, sont automatiquement réputés autorisés « SAD » depuis le 30 juin 2023, et pour la durée de leur autorisation restant à courir.

Leur gestionnaire n’a donc aucune nouvelle démarche à réaliser, si ce n’est celle de se conformer au cahier des charges institué par le décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023.

S’agissant des SPASAD expérimentaux, le pouvoir législatif a semble-t-il souhaité que ces services puissent bénéficier de la même transformation de « plein droit ».

Mais l’analyse attentive des dispositions législatives laisse craindre, que le législateur ait manqué sa cible concernant les ex-SPASAD expérimentaux constitués par convention de coopération ou groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS).

Explications.

Rappel préalable sur les SPASAD expérimentaux : de quoi s’agit-il ?

Commençons par un peu d’histoire.

 

SPASAD

Il y a presque 20 ans déjà, le Décret n°2004-613 du 25 juin 2004, créait les SPASAD.

Ces services intervenant auprès des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes atteintes de pathologies chroniques, devaient contribuer à révolutionner l’offre d’accompagnement médico-sociale à domicile, en proposant aux personnes en perte d’autonomie, à la fois des soins et du soutien dans les actes de leur vie quotidienne.

Pour fonctionner, le gestionnaire d’un SPASAD devait au préalable obtenir une autorisation conjointe, délivrée par le directeur général de l’agence régionale de santé et le président du conseil départemental, en application de l’article L313-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF).

La réussite de ce modèle était toutefois conditionnée au développement d’une pratique coordonnée très aboutie entre professionnels du soin et professionnels de l’accompagnement à domicile.

 

SPASAD expérimentaux

Le modèle de droit commun des SPASAD, introduit en 2004, n’a pas connu le succès escompté par ses créateurs.

Plus de dix ans après leur instauration, les pouvoirs publics ont fait l’amer constat d’un faible développement de ces structures, de leur répartition inégale sur le territoire, et d’une coordination insuffisante entre les missions de soins infirmiers, d’aide et d’accompagnement à domicile.

A la faveur du vote de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015, relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite loi « ASV »), le pouvoir législatif a donc souhaité intégrer des dispositions ouvrant la voie à des modalités dérogatoires d’organisation et de constitution des SPASAD, afin d’inciter au développement de ces services.

Sous réserve de l’accord conjoint du président du conseil départemental et du directeur général de l’agence régionale de santé, l’alinéa b) de l’article 49 de la loi ASV prévoyait donc que des SPASAD expérimentaux puissent se constituer, entre un SSIAD et un SAAD :

  • Soit, dans le cadre d’un groupement de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS) prévu à l’article L312-7 du CASF,
  • Soit, dans le cadre d’une convention de coopération prévue à l’article L312-7 du CASF.

Il convient de préciser que dans ces deux configurations dérogatoires, la constitution du SPASAD expérimental : 

  • Ne concernait que des services bénéficiant déjà d’une autorisation de SSIAD et de SAAD, dont les gestionnaires restaient titulaires,
  • Par exception à ce que prévoit l’article L313-3 du CASF, ne donnait pas lieu, en principe, à la délivrance d’une autorisation conjointe de « SPASAD » aux gestionnaires, 
  • Ne nécessitait pas que les gestionnaires du service de SAAD et SSIAD préexistants constituent une entité juridique unique pour gérer le SPASAD expérimental ; aucune autorisation de SPASAD ne leur étant délivrée.

Cette expérimentation devait prendre fin le 31 décembre 2021.

L’article 44 de la LFSS pour 2022, l’a toutefois prolongée jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme des SAD, au 30 juin 2023.

Depuis cette date, l’article 49 de la loi ASV est officiellement abrogé. Ce qui pose la question du devenir de ces services expérimentaux.

 

Les SPASAD expérimentaux deviennent-ils automatiquement des SAD intégrés ?

Aux termes de l’article 44 de la LFSS pour 2022, les « services polyvalents d’aide et de soins à domicile [constitués à la date de publication de la loi], en application du b de l’article 49 de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 », sont identifiés parmi les services pouvant être réputés autorisés en qualité de SAD depuis le 30 juin 2023.

Au moins théoriquement, le pouvoir législatif a donc souhaité que les SPASAD expérimentaux constitués entre un SAAD et un SSIAD, par le biais d’une convention de coopération ou de la création d’un GCSMS avant la réforme, puissent bénéficier d’une reconnaissance de plein droit en qualité de SAD, par le seul effet de l’article 44.

L’analyse rigoureuse des dispositions précitées fait toutefois apparaitre des difficultés susceptibles de restreindre considérablement l’applicabilité de ce principe.

Obstacle 1 : Service disposant d’une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l’article L. 313-3 du CASF au 30 juin 2023.

En premier lieu, il est important de souligner que le législateur a subordonné le bénéfice de la reconnaissance de plein droit en SAD, aux services qui, « au 30 juin 2023, disposaient d’une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l’article L. 313-3 du CASF ».

Or, comme précisé supra, la spécificité des SPASAD expérimentaux tient justement en ce que ces services suivaient un régime dérogatoire, en vertu duquel ils étaient autorisés à fonctionner sans disposer d’une autorisation délivrée dans les conditions prévues par l’article L313-3 du CASF.

La formule empruntée par l’article 44 soulève donc une ambiguïté, qu’il serait bon de voir clarifiée : Tous les ex-SPASAD expérimentaux sont-ils réputés autorisés en tant que SAD, ou cette évolution de plein droit n’est-elle en fait, réservée qu’à la petite partie d’entre eux ayant obtenu une autorisation délivrée conjointement par les autorités compétentes, à l’issue de l’expérimentation ?

 

Obstacle 2 : Service réputé autorisé pour la durée de l’autorisation restant à courir.

En deuxième lieu, il peut être relevé que les services bénéficiant d’une reconnaissance de plein droit en qualité de SAD « sont réputés autorisés pour la durée de l’autorisation restant à courir ».

A supposer que le législateur ait souhaité permettre à tous les ex-SPASAD expérimentaux d’être reconnus comme SAD par le seul effet de la loi, ce mécanisme de « bascule » automatique apparait difficilement viable à l’égard d’une bonne partie de ceux constitués entre un SAAD et un SSIAD dans le cadre d’une convention de coopération ou d’un GCSMS

En lien avec le premier obstacle soulevé, si les gestionnaires de l’ex-SPASAD expérimental n’ont pas obtenu d’autorisation conjointe unique avant l’entrée en vigueur de la réforme, on voit difficilement comment ils pourraient se prévaloir, en l’état, de ces dispositions.

Ces gestionnaires se trouvent actuellement dans une zone grise, et il serait opportun que des réponses aux questions suivantes leur soient apportées :

  • Quel est le devenir des deux autorisations de SAAD et SSIAD préexistantes détenues par chacun ?
  • En présence de deux autorisations préexistantes, les autorités compétentes ne devraient-elles pas prendre une décision conjointe matérialisant une nouvelle autorisation unique ?
  • Quelle date prendre en compte pour calculer la durée restante de l’autorisation de SAD accordée ? Celle de l’autorisation du SAAD ou du SSIAD ? Ne serait-il pas plus logique que la durée de l’autorisation de SAD commence à courir à compter de la date de sa délivrance, puisqu’il s’agit d’une nouvelle autorisation ?

 

Obstacle 3 : Obligation de portage du SAD par une entité juridique unique.

Les dispositions législatives ne subordonnent pas la reconnaissance de plein droit des ex SPASAD expérimentaux en qualité de SAD intégré, à la condition d’être gérés par une entité juridique unique.

Toutefois cette obligation ressort, en filigrane, de la lecture du cahier des charges relatif aux services autonomie à domicile et des différentes publications de la DGCS au sujet des SAD.

Dès lors, il y a tout lieu de penser que les gestionnaires de l’ex SPASAD expérimental « conventionnel » devront constituer une entité juridique unique pour devenir un SAD intégré.

Sur ce point, la réforme tend à bouleverser le fonctionnement connu par les gestionnaires d’un SPASAD expérimental exploité dans le cadre d’une convention de coopération, puisque jusque-là, ces derniers n’étaient pas tenus de constituer une entité juridique unique pour gérer ledit SPASAD expérimental.

En revanche, dans le cas où les gestionnaires de SSIAD et de SAAD ont exploité un SPASAD expérimental en constituant un GCSMS, peut-on considérer que ce groupement devient titulaire de l’autorisation de SAD par le seul effet de la loi ? C’est peu probable, sauf dans l’hypothèse où il serait titulaire des autorisations de SAAD et de SSIAD qui servaient de support à son activité.

 

Quelle transition pour les SPASAD expérimentaux ?

Les différentes limites précédemment relevées font obstacle, selon nous, à ce que tous les SPASAD expérimentaux constitués avant la réforme, puissent être automatiquement autorisés en tant que SAD depuis le 30 juin 2023.

In fine, depuis cette date, il semble que seuls peuvent être considérés comme réputés autorisés, les ex-SPASAD expérimentaux constitués sous forme de GCSMS, ou éventuellement, les ex SPASAD expérimentaux conventionnels dont les gestionnaires auraient anticipé la réforme en créant une entité juridique unique pour porter le SAD intégré.

Fallait-il que ces gestionnaires aient cédé leurs autorisations préexistantes de SAAD et de SSIAD à l’entité juridique unique instituée ou que le GCSMS en soit titulaire, préalablement à l’entrée en vigueur de la réforme, pour que l’ex SPASAD expérimental puisse être réputé autorisé ?

La question reste en suspens et mériterait une réponse explicite.

Dans sa récente foire aux questions publiée le 11 septembre 2023 sur son site (page 39), la DGCS se borne à préciser : 

« Quid des SPASAD expérimentaux constitués par conventionnement ? 

Les SPASAD expérimentaux constitués par conventionnement doivent être gérés par une entité juridique unique dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur de la réforme des services autonomie.  

Si les organismes gestionnaires du SPASAD intégré ont constitué une entité juridique unique avant la publication du cahier des charges, il est réputé autorisé comme SAD mixte sans autre contrainte que de se mettre en conformité avec le cahier des charges avant le 1er juillet 2025. »

Face au flou existant, la voie de la constitution d’une entité juridique unique d’ici au 30 juin 2025, apparait donc s’imposer aux gestionnaires d’ex-SPASAD expérimentaux conventionnels, s’ils veulent être réputés autorisés en tant que SAD mixtes.

Les gestionnaires d’ ex SPASAD expérimentaux constitués en GCSMS peuvent pour leur part, utiliser ce groupement comme entité juridique unique.

A défaut, l’article 44 II D de la LFSS pour 2022 ayant abrogé le dispositif des SPASAD expérimentaux au 30 juin 2023, les ex-SAAD et les SSIAD qui avaient participé à cette expérimentation devraient en toute logique se voir appliquer les dispositions transitoires applicables à chacune de ces deux catégories de services.

Il s’ensuit que les ex-SAAD doivent être réputés autorisés en tant que SAD aide et que les SSIAD devront quant à eux solliciter une autorisation de SAD mixte avant le 30 juin 2025.

Rien n’empêche toutefois les gestionnaires d’un ex-SPASAD expérimental de poursuivre l’aventure ensemble en constituant un SAD mixte sur la base d’une convention, ce qui leur permettra de bénéficier d’un délai supplémentaire pouvant aller jusqu’ à cinq ans (jusqu’au 30 juin 2028) pour se constituer en entité juridique unique (en application de l’Article 5 du Décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023).

 

Conclusion

Un goût d’inachevé, c’est un peu la sensation que laisse l’étude approfondie du régime transitoire s’appliquant aux ex -SPASAD expérimentaux.

Alors que leurs gestionnaires ont été précurseurs, en participant depuis huit ans à l’expérimentation préfiguratrice du modèle de SAD intégré ; le régime transitoire s’avère mal adapté et laisse en déshérence les SPASAD conventionnels, sommés de se conformer, et vite, au modèle de droit commun, sans qu’aucune disposition spécifique ne leur facilite la transition.

Dans le cadre de la discussion de la proposition de loi « Mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France », il serait opportun de modifier l’article 44 de la LFSS pour 2022, afin de permettre aux SPASAD expérimentaux conventionnels qui se constitueraient en entité juridique unique d’ici au 30 juin 2025, d’être autorisés de plein droit comme SAD mixte, sous réserve bien sûr de se mettre en conformité à cette même date avec le cahier des charges.

L’amendement législatif pourrait être rédigé comme suit :

1 – La rédaction du 3° B du II de l’article 44 de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 est modifiée comme suit :

« Aux services polyvalents d’aide et de soins à domicile constitués, à la date de publication de la présente loi, en application du b de l’article 49 de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, sous la forme d’un groupement de coopération sociale ou médico-sociale prévu à l’article L 312-7 du même code ».

2 – Il est ajouté au B du II de l’article 44 de la loi n°2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Les services polyvalents d’aide et de soins à domicile constitués à la date de publication de la présente loi, en application du b de l’article 49 de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015  relative à l’adaptation de la société au vieillissement, par une convention de coopération  prévue à l’article L 312-7 du code de l’action sociale et des familles, qui se dotent d’une entité juridique unique au plus tard le 30 juin 2025, sont réputés autorisés en qualité de service autonomie à domicile au sens de l’article L 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, à compter la date à laquelle cette entité juridique acquiert la personnalité morale ».

Services autonomie à domicile : rendez-vous en territoires inconnus

La mise en œuvre opérationnelle de la réforme des services autonomie à domicile s’annonce une tâche ardue à maints égards, nous l’avons déjà vu dans un précédent article.

Après avoir dans évoqué dans un autre article les incertitudes juridiques entourant la transformation des SPASAD expérimentaux, intéressons-nous à la question des zones d’intervention des futurs SAD mixtes.

L’enjeu est d’importance, car la réussite de la réforme suppose non seulement qu’un maximum de services à domicile parviennent à s’unir pour constituer des SAD mixtes, mais aussi que ces services puissent assurer une couverture territoriale suffisamment large pour répondre aux besoins de la population.

Or, la nouvelle réglementation issue du décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023, énonce à l’article D 312-4 du code de l’action sociale et des familles une règle intangible : la zone d’intervention du SAD doit être identique pour les activités d’aide et de soins.

Or, les ex-SAAD et les SSIAD ont aujourd’hui des zones d’intervention très hétérogènes et qui, dans nombreux cas, ne coïncident pas. Un beau casse-tête en perspective pour les services désireux de se rapprocher, mais aussi pour les autorités de tutelle qui vont devoir faire en sorte d’autoriser des SAD mixtes dont la zone d’intervention est conforme à la réglementation, sans pour autant que le respect de cette règle n’aboutisse à une réduction de la couverture territoriale, ce qui serait assurément contre-productif.

De quels leviers juridiques disposent les ARS et les départements pour résoudre cette quadrature du cercle ?

C’est ce que nous allons voir.

 

Quelles modalités juridiques de reconfiguration des zones d’intervention des SAD existants ?

Le respect de la règle de l’unicité de la zone d’intervention nécessitera la plupart du temps de définir une zone d’intervention du SAD mixte qui ne coïncidera pas avec les zones d’intervention des services existants dont est issu le SAD, ce qui implique de reconfigurer lesdites zones.

Dans sa notice explicative du décret n°2023-608 du 13 juillet 2013, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) expose plusieurs possibilités juridiques « identifiées comme mobilisables en l’état du droit ».

Une mise au point s’avère nécessaire. Si l’article 44 II de la LFSS pour 2022 instaure un mécanisme de novation des autorisations des ex-SAAD et SPASAD, lesquels « sont réputés autorisés en qualité de service autonomie à domicile (…) pour la durée de l’autorisation restant à courir » (cf. II B de l’article 44), il en va différemment des ex- SSIAD qui devront, d’ici au 30 juin 2025, déposer une demande d’autorisation en qualité de service autonomie à domicile aide et soin et conservent leur statut de SSIAD, dans l’attente de la délivrance de cette autorisation (cf. article II C de l’article 44).  Par conséquent, les autorisations qui vont être délivrées aux ex-SSIAD seront de nouvelles autorisations, ce qui signifie juridiquement que les zones d’intervention mentionnées dans ces autorisations seront elles aussi nouvelles. Il ne s’agit pas, dans ce cas de figure, d’une redéfinition de la zone d’intervention de l’ex- SSIAD.

Qu’en est-il des ex-SAAD réputés autorisés en tant que SAD aide et qui souhaiteraient devenir des SAD mixtes ? En toute logique, l’extension de leur champ d’autorisation à l’activité de soins implique, comme pour les SSIAD, de déposer une demande d’autorisation de SAD mixte. Sur point, la DGCS, dans sa notice du 1er février 2022 précise que les ex-SAAD devront simplement déposer « une demande de modification » de leur autorisation « dans les conditions prévues à l’article L 313-2 du CASF », ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’un simple changement important dans l’activité, l’installation, l’organisation, la direction ou le fonctionnement du service devant faire l’objet d’une information à l’autorité administrative en application de l’article L 313-1 aliéna 4 du CASF, mais bien d’une modification devant être expressément autorisée par l’ARS et le Conseil départemental.

L’adjonction d’une activité de soins à l’activité d’un SAD aide s’analyse selon nous comme une transformation du service médico-social, sans modification de la catégorie de bénéficiaire au sens de l’article L 313-1-1 II 3° du CASF (Article R 313-2-1 du CASF), une telle opération devant être autorisée, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la procédure d’appel à projets.

Pour en revenir aux solutions juridiques identifiées par la DGS, elles sont les suivantes :

  • « La réduction du territoire du SAD aide ou du SSIAD proposée par le porteur de projet, sur la base du territoire de l’activité réelle lorsque celui-ci est inférieur à la zone d’intervention autorisée (sans réduction du volume d’activité ni du chiffre d’affaires) ».

La DGCS semble ici identifier l’hypothèse dans laquelle le SAD aide ou le SSIAD exercent dans les faits leur activité sur une zone d’intervention plus restreinte que celle pour laquelle ils sont autorisés.

Le ministère n’envisage pas qu’un service souhaitant créer un SAD mixte puisse décider de réduire sa zone géographique alors qu’il est en capacité d’en assurer la couverture. Ce faisant, les pouvoirs publics veulent éviter que la réforme des services autonomie à domicile ne se traduise par une réduction de la couverture territoriale. C’est pourquoi, la DGCS invite les ARS et les conseils départementaux « à s’assurer que cette réduction territoriale ne génère pas de zone blanche et qu’elle soit cohérente avec les besoins de la population ».  Au-delà du cas particulier qui vient d’être évoqué, le risque de créer « des trous dans la raquette » existe pourtant bel et bien et l’on voit mal comment les autorités de tutelle pourraient s’opposer à une réduction du territoire d’intervention si le service demandeur n’a pas les moyens matériels et humains pour répondre aux besoins en aide et en soins.

  • La scission des autorisations. Selon la DGCS « Celle-ci permet de scinder une autorisation en deux ou plusieurs autorisations différentes ». La DGCS donne ainsi l’exemple d’un SAD aide disposant d’une autorisation sur l’ensemble d’un département et qui pourrait scinder cette autorisation afin de créer un SAD mixte avec un SSIAD. Ce SAD aide conserverait ainsi son autorisation sur la zone non couverte par le SAD mixte.

Si l’opération décrite par la DGCS semble tout à fait possible, elle ne peut en revanche être qualifiée de scission. La notion de scission d’une autorisation médico-sociale n’est inscrite nulle part dans le code de l’action sociale et des familles, ni ailleurs dans l’ordonnancement juridique. Une décision par laquelle les autorités compétentes décideraient de scinder une autorisation ne serait pas sans risques, car elle aurait de bonnes chances d’être annulée par le juge administratif, en cas de recours contentieux.  On ne peut dès lors que déconseiller aux acteurs du secteur d’accepter ce genre d’opération si elle devait leur être proposée.

En réalité, l’exemple donné par la DGCS consiste d’une part, à modifier l’autorisation du SAD aide, qui voit son territoire d’intervention réduit et d’autre part, à délivrer une autorisation de SAD mixte à la demande d’un SSIAD s’adjoignant les moyens du SAD aide sur zone d’intervention commune aux deux services.

  • L’augmentation de la zone d’intervention du SAD aide ou du SSIAD. L’option est ici de facture plus classique. De surcroît elle est plus en phase avec les ambitions de la réforme car elle induit une augmentation de la couverture territoriale, synonyme, en principe, d’une meilleure accessibilité des usagers aux services à domicile. L’élargissement de la zone d’intervention d’un service à domicile correspond à une extension du service au sens de l’article L 313-1-1 du CASF, lorsque cette extension s’accompagne d’une augmentation du nombre de places pour les SSIAD. Rappelons que la capacité d’accueil des ex- SAAD habilités à l’aide sociale est quant à elle exprimée uniquement en zone d’intervention (cf. article L 313-8-1 dernier alinéa du CASF).

Il reste que l’augmentation capacitaire des services ne sera possible que si les financements publics correspondants sont alloués par les autorités compétentes (ARS et départements). Sur ce point, afin d’accompagner le virage domiciliaire, les pouvoirs publics ont prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale  pour 2022 la création de 25 000 places de SSIAD d’ici à 2030  à  hauteur d’un engagement de crédits de 400 M€  (cf. instruction n°DGCS/SD3A/CNSA/2023/111 du 10 juillet 2023 relative aux autorisation d’engagement de dépenses pour les centres de ressources territoriaux pour les personnes âgées et les services infirmiers à domicile).

 

Le conventionnement temporaire peut-il être un outil de convergence progressive des zones d’intervention ?

L’article 5 du décret du 13 juillet 2023 prévoit la possibilité pour les SSIAD d’obtenir une autorisation de SAD mixte constitué temporairement par convention avec un SAD aide pour une durée maximale de trois ans. L’objectif de cette disposition est d’accorder un temps supplémentaire aux acteurs pour préfigurer les SAD mixtes.

Au terme de ce délai, le SSIAD et le SAD aide devront avoir constitué une entité juridique unique, faute de quoi, l’autorisation sera frappée de caducité.

Cette phase temporaire permet aux deux services de partager une zone d’intervention commune tout en permettant au SAD aide de conserver son autorisation d’aide à domicile sur la zone d’intervention qu’il ne partage pas avec le SSIAD.

Qu’advient-il au terme de cette période de conventionnement ? Si l’entité juridique unique est constituée, l’autorisation de SAD mixte, portée initialement par le SSIAD, se trouve en quelque sorte consolidée et se poursuit, au moins jusqu’au terme de sa durée de validité (15 ans). Le SSIAD est ainsi définitivement transformé en SAD mixte. S’agissant du SAD aide, la constitution de l’entité juridique unique n’a pas pour effet de le faire mécaniquement disparaître puisque, rappelons-le, il est réputé autorisé en tant que SAD aide depuis le 30 juin 2023, par l’effet de la loi. Rien ne l’empêche par conséquent de poursuivre son activité, à condition bien sûr que l’amputation d’une partie (plus ou moins importante) de sa zone d’intervention ne lui soit pas fatale sur le plan économique.

In fine, on peut penser que la période contractuelle de trois ans pourrait surtout permettre aux SAD aide souhaitant poursuivre leur activité, à côté du SAD mixte dans lequel ils seront parties prenantes, de disposer du temps nécessaire pour consolider leurs zones d’intervention en se rapprochant d’autres acteurs de leur territoire.

Sous cet angle, le conventionnement temporaire apparait moins comme un outil de convergence que comme un facteur facilitant la recomposition des zones d’intervention à une échelle territoriale plus large.

La constitution de GCSMS territoriaux : une voie possible pour faciliter la recomposition de l’offre

La réforme des services autonomie à domicile s’annonce délicate pour les acteurs du secteur et pour les pouvoirs publics, car les embûches sont nombreuses. La mise en place de zones d’intervention homogènes pour les futurs SAD mixtes, sans perte de couverture territoriale est l’une des inconnues de la délicate équation que constitue la recomposition du secteur de l’aide et du soin à domicile dans les prochaines années. Réunir au sein d’une même entité juridique des opérateurs aux statuts juridiques et aux territoires d’intervention parfois très différents, peut s’avérer une mission d’une complexité telle qu’elle décourage les bonnes volontés.

C’est pourquoi, nous pensons qu’il faut faciliter les rapprochements entre opérateurs en levant les contraintes juridiques inutiles. Celle de l’entité juridique unique obligatoirement titulaire de l’autorisation de SAD en est une, assurément.

Cette règle pourrait être assouplie sans pour autant qu’il faille renoncer aux objectifs de la réforme, à savoir proposer aux personnes en perte d’autonomie une offre de services à domicile complète, intégrée et homogène sur un même territoire.

Une modification du décret n°2023-608 du 13 juillet 2023 afin qu’il permette la constitution de services autonomie à domicile mixtes sous la forme de GCSMS exploitant les autorisations de ses membres pourrait, selon nous, faciliter la constitution de SAD territoriaux dans lesquels plusieurs opérateurs pourraient exploiter en commun une activité « aide et soins », tout en préservant l’identité de chacun d’eux.

Cette modification réglementaire s’avèrerait d’autant plus nécessaire si l’amendement n°1380 à la Proposition de loi « Mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France », en cours de discussion au Parlement, devait être retenu dans le texte final. Cet amendement introduit en effet dans l’ordonnancement juridique un nouvel outil de coopération : le groupement territorial social et médico-social pour personnes âgées (GTSMS), qui prend la forme juridique d’un GCSMS et auquel pourront ou devront adhérer les services à domicile publics (selon leur forme juridique), notamment ceux gérés par des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.

Le projet de loi dispose que le GTSMS pourra « prévoir la détention ou l’exploitation par le groupement d’autorisations dans les conditions prévues au b du 3° de l’article L 312-7 », ces autorisations étant, selon la proposition de loi, « déléguées » au groupement.

Autrement dit, ce texte permet aux services autonomie à domicile publics intervenant auprès des personnes âgées de se constituer en entité juridique unique, à l’échelle d’un territoire, dans des conditions bien moins contraignantes que pour les SAD privés et/ou intervenant auprès des personnes handicapées, puisqu’ils ces services ne seront pas contraints de fusionner ou de renoncer à leurs autorisations médico-sociales, celles-ci pouvant simplement être confiées, pour leur exploitation, au GTSMS.

Ce faisant, le législateur va introduire – involontairement – une double distorsion entre les opérateurs selon leur statut juridique (public/privé) et le type de public qu’ils accompagnent (personnes âgées/personnes handicapées).

Le pouvoir réglementaire peut corriger cette anomalie sans qu’il soit besoin de remettre en cause l’économie générale du texte relatif au GTSMS.

POUR ALLER PLUS LOIN

Article rédigé parMe Laurine Jeune

Coopération et retour d’expérience : l’exemple du GCSMS Part’âge

Nous remercions vivement monsieur Mounir Belhafiane, directeur adjoint au CH de Douarnenez, directeur délégué de l’EHPAD les collines bleues et administrateur du GCSMS Part’Âge, d’avoir accepté de partager son retour d’expérience et d’avoir partagé son expérience et son point de vue sur la coopération médico-sociale.
Quelle a été la démarche de création du GCSMS ? Quels avantages ou inconvénients ont été identifiés ? Quels sont les axes de développement ?

 

Témoignage et retour d’expérience du GCSMS Part’Âge

La réussite de la co-construction et de l’analyse commune des besoins

Créé en mai 2022, le GCSMS Part’âge a démontré que l’on peut associer – et en nombre –  des EHPAD et résidences autonomie gérés aussi bien par des acteurs publics que par des acteurs privés à but non lucratif pour mener un objectif commun et se doter d’un outil en capacité de porter leurs coopérations pour l’amélioration de la prise en charge des personnes âgées sur le territoire.

Cette réussite, nous en avons été les témoins, a été le fruit d’une analyse menée en commun dès 2021 par les partenaires en lien étroit avec les autorités de tutelle, pour d’abord identifier les besoins et ensuite déterminer les mesures communes à mettre en place pour y parvenir.

La recette paraît simple : Un diagnostic sans concession, un accord sur les enjeux, un partage de valeurs communes tout en conservant l’identité de chacun, et enfin des objectifs précis auxquels on attribue des moyens mutualisés.

Ainsi, le GCSMS Part’âge porte la voix de ses membres et permet la plus large mutualisation de moyens. Le pari n’était pas simple dans un secteur sous contraintes réglementaires, financières et de gestion. Mais c’est un pari gagné, celui d’apporter à ses membres la possibilité d’élever la qualité des services rendus aux usagers dans une logique de partenariat et de complémentarité avec les acteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires du territoire.

 

La constitution du GCSMS Part’âge est la preuve que les acteurs du secteur médico-social peuvent et ont tout intérêt à se regrouper et à mutualiser leurs moyens pour disposer d’une force d’action plus grande mais aussi améliorer la prise en charge de nos ainés.

Leur statut différent loin d’être un obstacle, est apparu comme une richesse. Opposer les uns et les autres ne mène nulle part sauf au recroquevillement.

Cette dynamique fait écho aux ambitions poursuivies par les auteurs de l’amendement introduisant le groupement territorial social et médico-social (« GTSMS ») au sein de la Proposition de loi « Mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France ». Ce GTSMS qui prendrait la forme d’un GCSMS, est destiné à renforcer les coopérations territoriales pour préserver le service public.

Nous sommes convaincus que la réussite d’une coopération réside, à l’image du GCSMS Part’âge et d’autres groupements existants, dans une construction concertée et choisie par les acteurs, et établie à partir d’un diagnostic partagé des besoins d’un territoire. Le projet, d’abord le projet encore le projet.

Gageons que le législateur saura s’inspirer de cet exemple et donner les moyens utiles aux acteurs médico-sociaux pour mettre en place des coopérations qu’ils auront définies ensemble.

Longue vie au GCSMS Part’Age !

À LA BARRE DU TRIBUNAL

Article rédigé Anaïs Bakali et  Me Laurine Jeune

Exploitation d’EHPAD et changement de lieu d’implantation : quelle garantie pour le propriétaire des locaux ?

 

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt rendu le 28 septembre 2023 qui a pu conduire certains à s’interroger sur la dissociation entre l’autorisation administrative d’un EHPAD et son lieu d’implantation.

 

Faits

Afin de réaliser une opération bénéficiant d’un régime de défiscalisation, une SARL a investi dans un bien immobilier destiné à la location meublée professionnelle dans un EHPAD.

Plus particulièrement, ladite SARL s’est portée acquéreuse de chambres et des biens mobiliers les garnissant auprès de deux sociétés : une SCI, propriétaire de l’immeuble et une SAS, propriétaire des meubles et gestionnaire de l’EHPAD.

Par un second acte, la SARL a donné à bail commercial les biens acquis au gestionnaire de l’EHPAD (SAS) afin qu’il en assure la sous-location aux résidents de l’établissement.

Sept ans après l’acquisition, la SARL a été informé par le gestionnaire de l’EHPAD (SAS), au même titre que les autres copropriétaires, de la décision de ce dernier de procéder au déménagement de l’EHPAD dans de nouveaux locaux seuls capables d’accueillir des lits supplémentaires en raison de l’impossibilité de réaliser un projet d’extension du bâti de l’EHPAD.

 

Procédure

La SARL, soutenant que la destination de l’immeuble en tant qu’EHPAD était une condition essentielle de son acquisition, a saisi le TGI de Tours aux fins de voir prononcer la résiliation de la vente aux torts exclusifs des vendeurs, sur le fondement principal de la garantie d’éviction et sur les fondements subsidiaires du dol et du manquement à l’obligation de délivrance conforme.

Déboutée de ses demandes par jugement du TGI, aux motifs que :

  • sur la garantie d’éviction : l’usage du bien en EHPAD n’était pas garantie par les vendeurs de façon illimité mais seulement pendant le temps du bail et celui de l’autorisation d’exploiter ;
  • sur la réticence dolosive : les vendeurs n’avaient pas dissimulé que l’exploitation de l’EHPAD dépendait d’une autorisation administrative, ni de l’existence d’un projet d’extension qui n’a pu être réalisé ;
  • sur l’obligation de délivrance conforme : les biens ont été délivrés par les vendeurs conformément aux stipulations contractuelles et le contrat de bail commercial a été poursuivi jusqu’à son terme alors même que l’autorisation d’exploitation de l’EHPAD avait été transférée,

la SARL a interjeté appel.

La Cour d’appel d’Orléans a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions en rappelant notamment que, au regard du contrat conclu, la vente ne portait que sur les droits immobiliers et mobiliers dont les vendeurs étaient propriétaires et n’emportait nullement cession au profit de l’acquéreur de l’autorisation d’EHPAD, qui, selon la cour, n’est pas attachée à l’immeuble et à son propriétaire mais à l’établissement médico-social exploité par le gestionnaire.

Elle ajoute que le contrat de vente ne comportait d’ailleurs aucun engagement des vendeurs quant au maintien pour l’avenir de l’autorisation existante au jour de la vente.

Elle en tirait ainsi pour conséquence que le transfert de l’EHPAD ne constituait pas un trouble de fait ou droit à la propriété des biens acquis par la SARL dans la mesure où cette dernière dispose, malgré tout, de l’intégralité des droits de propriété lui permettant d’exercer son activité de location en meublé.

C’est ainsi que la SARL s’est pourvue en cassation.

 

Position de la Cour de cassation

La haute juridiction a rejeté le pourvoi, estimant que :

  • sur la garantie d’éviction, le transfert de l’EHPAD ne constituait pas un trouble de fait ou de droit à la propriété des biens cédés.

La Cour de cassation confirme que la Cour d’appel a, à juste titre,

  • retenu que l’autorisation d’exploitation de l’EHPAD n’était attachée ni à l’immeuble, ni à son propriétaire mais à l’établissement médico-social lui-même,
  • et constaté que l’acte de vente ne comportait aucun engagement du vendeur quant au maintien des autorisations administratives existantes au jour de la vente.
  • les sociétés venderesses n’avaient manqué à leurs obligations d’information précontractuelle et de loyauté contractuelle.

La Cour de cassation retient que le contrat de bail conclu en même temps que le contrat de vente stipulait que le preneur devait se conformer aux prescriptions administratives et autres concernant l’activité de maison de retraite médicalisée et qu’il ferait son affaire de l’obtention et du maintien, pendant toute la durée du bail et ses éventuelles reconductions, de toutes les autorisations légales, administratives et réglementaires requises par la réglementation régissant les EHPAD. Il était en outre mentionné dans l’acte les différents arrêtés d’autorisation délivrés par les autorités administratives.

D’où il suit que la société preneuse était parfaitement informée « que seul l’exploitant était titulaire d’une autorisation d’exploitation en EHPAD, qu’il avait la possibilité de délivrer congé à l’issue de la période convenue et de quitter les lieux avec l’autorisation administrative dont il bénéficiait pour l’exploitation de l’établissement médico-social ».

Il convient de relever que la Cour de cassation a jugé ce litige sous un angle exclusivement civiliste, en s’attachant uniquement à la nature du contrat de vente conclu et aux obligations et garanties en découlant.

Lorsqu’elle précise que l’exploitant avait la possibilité « de quitter les lieux avec l’autorisation administrative dont il bénéficiait pour l’exploitation de l’établissement médico-social », elle néglige le régime juridique des autorisations d’exploitation des établissements médico-sociaux figurant dans le code de l’action sociale et des familles.

L’autorisation d’exploiter un EHPAD est bien délivrée en considération notamment du lieu d’implantation de l’établissement, ne serait-ce qu’en raison de la territorialité des autorités administratives compétentes pour la délivrer.

Ainsi, l’exploitant d’un EHPAD ne peut décider unilatéralement d’installer celui-ci dans une autre région ou même dans un autre département, sans l’accord des autorités administratives compétentes. Certes, le titulaire d’une autorisation d’EHPAD peut décider de changements importants dans l’exploitation de son établissement, notamment, d’en changer le lieu d’implantation, encore faut-il que cette modification soit compatible avec les objectifs fixés par la planification médico-sociale (schéma régional de santé et PRIAC notamment).

Aussi, la portée de l’arrêt de la Cour de cassation doit à notre sens être relativisée. Cette décision ne remet pas en cause le régime des autorisations médico-sociales et leur rattachement à un lieu d’implantation mais illustre l’importance de la rédaction des actes encadrant une opération immobilière.

ARCHIVES : RETROUVEZ NOS PRÉCÉDENTES LETTRES

02 Avr: Contrôle des EHPAD par les CRC : l’envol des Hirondelles ?

Contrôle des EHPAD : Le juge des comptes examine, évalue, conseille, quelle articulation avec l’ARS et les élus et pour quelle politique publique?

29 Jan: Contributions à la creation du GTSMS (PARTIE 2/2)

Le GTSMS créé par la Proposition de loi “Bien Vieillir” doit développer les coopérations entre les établissements et services publics médico-sociaux.

25 Jan: La lettre du Médico-social #3 – Janvier 2024

GTSMS, retrouvez l’actualité du médico-social dans notre Lettre de janvier 2024

22 Jan: Lettre à Madame Catherine Vautrin – Création du GTSMS

Lettre rédigée le 12 janvier 2024 par Me Laurent Houdart et  Me Laurine Jeune à l’attention de Madame Catherine Vautrin, Ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.

PÔLE MÉDICO-SOCIAL

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.

Nicolas Porte, avocat associé, exerce son métier au sein du Pôle organisation du Cabinet Houdart & Associés.

Après cinq années consacrées à exercer les fonctions de responsable des affaires juridiques d’une Agence Régionale de Santé, Nicolas PORTE a rejoint récemment le Cabinet Houdart et Associés pour mettre son expérience au service des établissements publics de santé et plus généralement, des acteurs publics et associatifs du monde de la santé.

Auparavant, il a exercé pendant plus de dix années diverses fonctions au sein du département juridique d’un organisme d’assurance maladie.

Ces expériences lui ont permis d’acquérir une solide pratique des affaires contentieuses, aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives, et d’acquérir des compétences variées dans divers domaines du droit (droit de la sécurité sociale, droit du travail, baux, procédures collectives, tarification AT/MP, marchés publics). Ses cinq années passées en ARS lui ont notamment permis d’exercer une activité de conseil auprès du directeur général et des responsables opérationnels de l’agence et développer une expertise spécifique en matière de droit des autorisations sanitaires et médico-sociales (établissements de santé, établissements médico-sociaux, pharmacies d’officines) et de contentieux de la tarification à l’activité.

Après avoir occupé un poste de Juriste au sein d’une Caisse Primaire d’Assurance maladie puis d’une Fédération représentative du secteur sanitaire et médico-social, Ann-Emmanuelle Louis a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en avril 2023.

Au sein du Pole Organisation, elle met ses compétences au service des divers acteurs (établissements publics et privés de santé, ESSMS publics et privés, notamment associatifs), afin de les accompagner dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités (Coopérations, Fusions, Délégations, Mandat de gestion …).

Anaïs Bakali a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 après plusieurs expériences notamment en qualité de juriste dans un cabinet spécialisé en droit bancaire, droit des procédures collectives et voies d'exécution puis en qualité de chargée de contentieux chez un bailleur social.

Elle intervient en qualité de juriste auprès des acteurs des secteurs de la santé et du médico-social en matière de fiscalité, de création et d'évolution de groupement et de société.