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Loi ELAN : L’HABITAT INCLUSIF AU SERVICE DES PERSONNES ÂGÉES ET/OU HANDICAPÉES
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Alors que de nombreux opérateurs du secteur social et médico-social souhaitent diversifier les réponses qu’ils apportent aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées, la loi ELAN (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) conforte l’habitat inclusif et ses modalités de mise en œuvre.

 

♦ L’habitat inclusif : une troisième voie

 

L’accompagnement des personnes âgées et des personnes en situation de handicap s’est essentiellement structuré autour de deux modalités de prise en charge ou de service : le maintien à domicile et l’accueil en établissement spécialisé. Or de nombreuses personnes âgées et de personnes handicapées veulent choisir leur habitat et les personnes avec lesquelles elles souhaitent vivre.

L’habitat inclusif est une troisième voie pour organiser le service à rendre à ces personnes.

Progressivement et ce, depuis de nombreuses années, des projets se sont développés sous des formes diverses de logement avec des services associés, majoritairement dans le cadre d’initiatives portées par des acteurs associatifs, des collectivités locales et leurs centres communaux d’action sociale, par des mutuelles ou des bailleurs sociaux.

 

♦ Pour autant, l’habitat inclusif n’avait aucun fondement législatif

 

La loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement comportait plusieurs dispositions instituant un cadre juridique facilitant le déploiement d’une offre de logement accompagné.

C’est ainsi que cette loi a modifié le régime applicable aux résidences services afin d’améliorer les garanties offertes aux résidents. Elle a facilité la réalisation des travaux d’adaptation du logement aux personnes handicapées. Elle a instauré un dispositif d’attribution prioritaire de logement locatif social pour les personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap lorsque ces logements sont construits ou aménagés spécifiquement pour cet usage, et agréés en ce sens par le préfet. Néanmoins, cette loi n’a pas prévu de dispositions spécifiques en faveur de l’habitat inclusif en tant que tel.

Les pouvoirs publics l’avaient reconnu dans les faits. En décembre 2016, le comité interministériel du handicap avait créé un Observatoire de l’habitat inclusif afin de promouvoir le développement de ce type d’habitat, grâce notamment à la diffusion de bonnes pratiques ou à la formalisation d’outils pour les porteurs de projets. Co-présidé par la DGCS, la DHUP et la CNSA, cet observatoire associe les acteurs associatifs, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, les acteurs institutionnels, dont les caisses de sécurité sociale, et les collectivités territoriales.

En novembre 2017, un guide de l’habitat inclusif à l’initiative de plusieurs administrations de l’Etat a été publié[1]. Des appels à projets ont été lancés par des agences régionales de santé.

Pour les personnes handicapées, le financement de cette forme d’habitat repose aujourd’hui essentiellement sur la mise en commun d’une partie de la prestation de compensation du handicap des résidents, ainsi que sur des subventions accordées au cas par cas par des collectivités territoriales ou des mutuelles, ou sur les ressources propres des personnes âgées.

 

♦ Enfin, une reconnaissance et un financement

 

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, le Gouvernement a introduit en séance, par amendement, un nouvel article intégrant au livre II du code de l’action sociale et des familles (CASF) un titre VIII intitulé « Habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées ».

Toutefois, les différentes formes d’habitat inclusif ne relèvent pas de la catégorie des établissements ou services sociaux ou médico-sociaux tels que définis aux 6°, 7° et 12° de l’article L. 312-1 du CASF.

Le nouvel article L. 281-1 du CASF définit d’abord les contours et le champ d’application de la notion d’habitat inclusif. Selon ses dispositions, l’habitat inclusif « est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un mode d’habitation regroupé et assorti d’un projet de vie sociale et collective ».

Ce projet est défini par un cahier des charges national qui sera fixé par arrêté.

Ce mode d’habitat est entendu comme :

  • un logement meublé ou non, occupé en colocation ;
  • un ensemble homogène de logements autonomes dans un immeuble ou dans des immeubles contigus comprenant des locaux communs affectés à la vie collective.

Ces locaux doivent être construits ou aménagés spécifiquement à l’usage des personnes accueillies.

L’article L. 281-2 du CASF crée un forfait pour l’habitat inclusif, versé à la personne morale chargée d’assurer le projet de vie sociale et collective. Ce forfait est attribué pour toute personne résidant dans un habitat répondant au cahier des charges. Le montant, les modalités et les conditions de versement de ce forfait seront définies par décret.

Le financement de ce forfait sera intégré à la section V du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) (art. L. 281-3, CASF).

La conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées qui avait été créée par la loi ASV de décembre 2015 devient compétente en la matière pour les personnes handicapées et les personnes âgées.

Elle est maintenant dénommée « conférence des financeurs de l’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées » et se voit confier la tâche de recenser les initiatives locales et de définir un programme coordonné de financement de l’habitat inclusif, dont le financement par le forfait pour l’habitat inclusif. Pour ce faire, elle doit s’appuyer sur des diagnostics territoriaux existants et partagés entre les acteurs concernés.

L’habitat inclusif constitue donc une alternative au logement autonome ou à l’accueil en établissement. Ce n’est pas un logement individuel en milieu ordinaire où l’occupant ferait appel à des services extérieurs, ce n’est pas non plus un établissement social ou médico-social.

Le développement de l’habitat inclusif doit être en cohérence avec les besoins et les orientations politiques des programmes locaux de l’habitat (PLH), ce PLH tenant compte du plan départemental d’actions pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) et du plan départemental de l’habitat (PDH).

 

♦ Les différentes formes d’habitat inclusif

 

Il n’existe pas de modèle juridique pour organiser cet habitat. On en trouve plusieurs modalités dans le code de la construction et de l’habitation concernant le logement social.

L’habitat inclusif peut notamment être constitué dans le parc social relevant de l’article L. 441-2 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH), ou dans des logements-foyers mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 633-1 du CCH. L’habitat inclusif ne peut être constitué dans une résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS), dans une résidence universitaire ou dans une résidence service.

Les résidences accueil, qui sont une forme de logement foyer, peuvent permettre d’organiser de l’habitat inclusif. Les relations contractuelles entre leur gestionnaire et les résidents sont, définis réglementairement[2].

La loi ELAN a, par ailleurs, ouvert la possibilité d’organiser de la colocation dans le parc de logement social pour des personnes âgées ou des personnes handicapées.

Jusqu’alors, les possibilités de colocation au sein du parc social étaient limitées aux étudiants, aux personnes de moins de trente ans ou aux personnes titulaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Ces personnes ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux, et le contrat de location a une durée d’un an.

L’article 128 de la loi ELAN a créé un nouvel article L. 442-8-4 dans le CCH, qui prévoit une dérogation aux interdictions posées par l’article 40 de la loi du 6 juillet 1989 et par l’article L. 442-8 du CCH.

Le nouvel article permet aux organismes HLM de louer, meublés ou non[3], des logements construits ou aménagés pour les personnes en perte d’autonomie et agréés en ce sens, à plusieurs personnes en situation de handicap, dans le cadre d’une colocation. Un contrat de location est conclu avec chaque locataire d’un même logement.

Les dispositions prévues s’accompagnent de garanties pour les futurs colocataires.

En premier lieu, le développement de ce dispositif repose sur le libre choix des personnes concernées : les logements sont attribués à chaque colocataire dans les conditions prévues aux articles L. 441 à L. 441-2-9 du CCH. Le respect du plafond de ressources applicables au logement s’apprécie dans le cadre de chaque contrat de location. Lors de la demande de logement social, qui se déroule dans les conditions ordinaires d’attribution prévues à l’article L. 441-2 du CCH, le futur locataire précise, le cas échéant, s’il souhaite bénéficier du dispositif de la colocation.

En second lieu, un contrat de location distinct est prévu pour chaque colocataire, afin de les protéger financièrement.

 

En assurant une reconnaissance effective de l’habitat inclusif dans le code de l’action sociale et des familles, en prévoyant un financement porté par la CNSA, en assouplissant certaines règles permettant de créer de l’habitat inclusif dans le parc de logement social, la loi ELAN lui donne un cadre qui permettra, notamment aux différents organismes sociaux et médico-sociaux, de développer ce type de service au bénéfice des personnes handicapées et des personnes âgées.

 


 

[1] « Guide de l’habitat inclusif pour les personnes handicapées et les personnes âgées », novembre 2017, Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère de la cohésion des territoires, Ministère des solidarités et de la santé, secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées, DGCS, CNSA.

[2] Art. L. 633-2 et R. 633-3 et suivants du CCH.

[3] Le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale défini en annexe deux types de contrat : un contrat type de location ou de colocation de logement nu et un contrat type de location ou de colocation de logement meublé.

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.