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NOUVEAU REBONDISSEMENT
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L’intérim médical : Nouveau rebondissement

 

Article rédigé le 15 novembre 2022 par Victoire Bouchet et Me Laurent Houdart

Dans la continuité des dispositions prises précédemment dans le but de réguler le recours à l’intérim du personnel médical et paramédical, l’article 25 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 prévoit de conditionner cette pratique plus strictement.

 

 

Pour bien comprendre cette énième réforme de l’intérim, revenons en arrière :

La pénurie de personnel médical et non médical, en particulier dans les déserts médicaux, est désormais un problème récurrent auxquels doivent faire face les établissements de santé.
Ce phénomène s’est davantage accentué avec la crise de la covid-19. La conséquence de cette situation est un recours trop élevé et à contrecœur aux services d’agences de travail temporaire afin de garantir la continuité du service public.

De fait, le recours aux intérimaires est problématique à plusieurs égards : Outre le fort impact financier qu’il représente, il met en péril le bon fonctionnement des équipes médicales. En effet, suivant les indications présentées par le gouvernement, le coût annuel du recours aux intérimaires est passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1 424 millions d’euros en 2018 pour l’hôpital public.

 

Une première tentative de régulation insuffisante

En réponse, un contrôle a été instauré par la loi du 26 janvier 2016 (L 6146-3 du Code de la santé publique), en fixant un plafond fixé par voie règlementaire.

Néanmoins, cette loi n’a pas eu l’impact escompté puisqu’elle a mis en porte à faux les directeurs d’établissement, tiraillés entre le recours aux intérimaires, indispensable bon fonctionnement de leurs services, et le respect du plafond peu attractif pour ces « mercenaires ». Finalement, personne n’est content et la continuité des soins est menacée.

L’intérim, est ainsi toujours utilisé en excès, marqueur de désorganisation et, a fortiori, nuit à la qualité des soins.

 

Un projet intéressant dont les conditions restent à préciser

Nombreux sont ceux qui considèrent que le problème doit être appréhendé différemment ; Il faut consolider et conforter les professionnels de santé à leur poste pour assurer la pérennité de la sécurité, de la qualité et de la continuité des soins.

Voilà pourquoi, le PLFSS envisage d’autoriser le recours à ces intérimaires mais à la condition que ceux‑ci aient exercé leur activité dans un cadre autre qu’un contrat de mission conclu avec une entreprise de travail temporaire pendant une durée minimale, appréciée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

La logique de ce nouvel article porte donc sur la stabilisation et le renforcement des équipes de soins, en particulier pour les agents en début de carrière. Le but serait d’installer dans un – au moins – moyen terme des professionnels de santé avant qu’ils puissent exercer en tant qu’intérimaires.

Par cette mesure, le gouvernement espère maintenir les professionnels de santé à un poste fixe et les amener à renoncer à la tentation du mercenariat.

Il reste bien évidemment à fixer cette durée « minimale » !

Le gouvernement a précisé que les professionnels de santé seront concertés sur ce point afin de trouver « le bon équilibre et de déterminer les modalités et durées d’exercice idoines qui sécuriseront les pratiques et renforceront l’installation stable et durable des professionnels, notamment en établissement de santé. »

Enfin, et le changement est de taille, contrairement à la loi de 2016 précitée, les sanctions ne sont pas prévues à l’encontre des établissements de santé, mais contre les entreprises de travail temporaire qui ne respecteront pas la mesure.

C’est un choix plus intéressant que celui qui avait été fait par la loi de 2021, qui visait à sanctionner les établissements de santé ayant recours aux intérimaires, alors qu’ils devaient faire face à dilemme cornélien entre avoir recours aux services d’intérimaires et fermer des services de soins.

Mais encore faut-il que qu’une durée minimale suffisante soit fixée au risque, à défaut, de vider de tout son intérêt ce nouveau dispositif !

 

 

Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.

Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …). 

Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).

Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.

Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.