Scroll Top
Modifier le statut des praticiens hospitaliers pour plus de compétitivité ? Ma Santé 2022
Partager l'article



*




Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé a été présenté en conseil des ministres, le 13 février dernier, par Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé[1].

 

Ce projet de loi de 23 articles comporte un article 6 intitulé « Modernisation des conditions de l’emploi médical hospitalier » sur le fondement duquel le gouvernement pourra, pendant une période de douze mois à partir de la publication de la loi, « prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à adapter les conditions d’exercice et les dispositions relatives aux statuts des personnels » médicaux hospitaliers, les personnels enseignants hospitaliers, et les personnels médicaux des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

 

À ce titre, l’article 6 annonce plus particulièrement :

  • la création d’un statut unique de praticien hospitalier ;
  • la suppression du concours de praticien ;
  • la modification du recours à l’emploi des praticiens contractuels.

 

Par cet article, le Gouvernement entend moderniser le statut des praticiens en le simplifiant tout en soutenant l’attractivité des carrières au sein des établissements hospitaliers.

 

Les freins actuels à l’attractivité

 

Un établissement de santé peut aujourd’hui recruter un praticien hospitalier sous deux statuts qui se distinguent au regard de la quotité de travail, à savoir :

  • praticien hospitalier à temps plein,
  • praticien hospitalier à temps partiel[2].

 

Ce qui différencie ces deux statuts, outre le temps de travail, est la possibilité pour le praticien hospitalier à temps partiel d’exercer une activité libérale à l’extérieur de l’établissement de santé, par exemple en exerçant dans un cabinet en ville.

 

En l’état actuel du droit, les praticiens hospitaliers à temps plein ne peuvent cumuler que quelques activités, et selon des dérogations[3] bien délimitées et en application des dispositions de l’article 25 septies de la loi 83-634 du 13 juillet 1983[4].

 

Depuis plusieurs années, les praticiens hospitaliers, soutenus par la nouvelle génération, ont fait savoir qu’ils aspiraient à davantage de diversité dans l’exercice de leur activité et notamment qu’ils souhaitaient pouvoir plus facilement cumuler une activité hospitalière et libérale.

 

 

Création d’un statut unique de praticien hospitalier

 

Pour répondre à ces demandes mais également pour redynamiser l’emploi et l’attractivité des carrières médicales hospitalières, le projet de loi propose la création d’un statut unique pour les praticiens titulaires.

 

Ce statut unique naîtra, selon l’étude d’impact du projet de loi[5], de la fusion des statuts actuels des praticiens hospitaliers à temps plein et des praticiens hospitaliers à temps partiel.

 

L’objectif est clair : mettre un terme à l’amoncellement des différents statuts des praticiens pour garantir plus de lisibilité et surtout rendre plus compétitives les carrières hospitalières par rapport à celles offertes par le secteur privé, particulièrement concurrentiel.

 

Cet objectif de compétitivité devrait également passer par le développement d’activités extérieures à l’établissement hospitalier, en renforçant les coopérations entre les praticiens hospitaliers et les cabinets en ville ou encore les médecins libéraux.

 

Un équilibre devra être trouvé entre l’ouverture, pour les praticiens, à davantage d’exercice partagé « hôpital/ville » tout en répondant à la pénurie de professionnels à laquelle doit faire face les établissements de santé.

 

Simplification de l’entrée dans la carrière : suppression du concours de praticien

 

Le projet de loi prévoit, corrélativement à la création d’un statut unique, la suppression du concours de praticien dans une perspective, là encore, d’attractivité des carrières hospitalières.

 

Comme l’indique l’étude d’impact, l’objectif est également d’apporter plus de souplesse aux établissements dans leur politique de recrutement afin de pallier le manque de personnel dans certaines spécialités.

 

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi reste assez vague sur les conditions de recrutement des praticiens en l’absence de concours.

 

Dès lors, il semble indispensable que le gouvernement s’interroge sur les modalités de recrutement des candidats aux emplois de praticiens.

 

Finalement, comme le précise Caroline Lesné dans l’article paru dans la revue hospitalière de France (RHF), la suppression du concours des praticiens pose également la question du devenir autorités de tutelles que sont l’agence régionale de santé (ARS) et le CNG qui ont respectivement en charge l’organisation du concours des praticiens (ARS) et la publication de la liste des admissions (CNG).

 

En conclusion, beaucoup de questions demeurent pour atteindre l’objectif d’attractivité du secteur hospitalier qui attendait de la réforme du système de santé un choc d’attractivité pour endiguer la pénurie de personnel médical.

 

On peut espérer que les textes d’application traitent la question de l’évolution des émoluments des praticiens, élément fondamental pour parvenir à soutenir l’attractivité du secteur hospitalier.

 

 


 

 

[1]article de Caroline LESNE « GRH médicale et gouvernance médicale ».

[2]Article L.6152-1 1° du code de la santé publique.

[3]Les PH à temps plein peuvent notamment cumuler leur activité hospitalière avec une activité bénévole (sauf rares exceptions), une activité libérale au sein de l’hôpital de deux demi-journées hebdomadaires, des activités accessoires telles que les expertises et l’enseignement.

[4]Article 25 septies alinéa 1 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 : « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. ».

[5]Étude d’impact du projet de loi

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).